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ÉTAT CHINLa zone de combat à laquelle nous nous intéresserons à présent pour décrire la guerre civile au Myanmar réside dans l’État Chin, et ce point est important, du point de vue de la Guerre hybride, en résultante du projet indien de Kaladan, qui traverse ces territoires. L’État Chin est l’un des plus pauvres, montagneux, peu densément peuplé, et mal développé au Myanmar, et il est resté relativement isolé du reste du pays depuis l’indépendance. Le
Chin se vit christianisé par des missionnaires baptistes et protestants au cours de la période coloniale, et la plupart des habitants ont conservé la religion à laquelle leurs ancêtres furent convertis à l’époque ; ceci ajoute une couche de séparatisme identitaire, quand on les compare à la majorité Bamar bouddhiste. On en sait en réalité assez peu sur ce groupe et son état ethno-régional, ce qui illustre à quel point le demi-million de personnes qui l’occupe reste déconnecté du monde à ce jour.
Mais il est établi et important qu’un groupe, du nom de
Front national Chin, est actif dans la région depuis 1988, et que ce groupe a fini par
signer un cesser-le-feu avec le gouvernement en décembre 2012. Les Chin se sont vus promettre un plus grand degré d’autonomie culturelle, et les militaires se sont engagés à notifier un mois à l’avance leurs incursions au Front national Chin, pour certaines zones de l’État. En échange, les rebelles ont accepté de cesser toute attaque contre les forces du gouvernement, ce qui a stabilisé la région et sécurisé le projet de Kaladan. Il apparaît clairement que la décision de Naypyidaw de parvenir à un accord avec le Chin a été motivée par les impératifs de sécurisation du projet Kaladan ; à ce stade, cet accord est toujours en place et semble apporter des bénéfices à toutes les parties.
Il est prévu que ce programme de transport intermodal constitue un vecteur de développement de l’extérieur à cet État isolé, et qu’il bénéficie directement à certains habitants, mais globalement, ce programme n’est plus stratégiquement aussi important qu’il le fut. L’Inde a également lancé la voie rapide ASEAN, qui porte des ambitions beaucoup plus importantes, et traverse des zones économiquement productives, qui ont une valeur ajoutée à apporter aux flux commerciaux qui les traversent, à l’opposé du projet Kaladan, qui traverse les territoires largement vierges de l’État Chin. Nous ne prévoyons pas de retour significatif de violences ethno-régionales dans cet État, les intérêts étasuniens n’ayant rien à gagner à encourager des rebellions dans cette zone qui est sans importance stratégique dans la contention de la Chine ; il est toutefois possible qu’en cas de brouille autour d’un accord de fédéralisation du pays, les choses s’enveniment suffisamment pour que le Front national Chin se soulève à nouveau face aux autorités centrales de la majorité bouddhiste (il s’agirait là d’un parmi d’autres conflits centre-périphérie qui se verraient attisés de nouveau dans ce scénario).
Si des perturbations internes à l’État Chin devaient un jour perturber significativement le projet indien, le suspendre, ou même l’annuler, les impacts en resteraient limités, que ce soit sur l’Inde ou le Myanmar, si l’on met de côté la simple perte des investissements réalisés. Les principaux effets en seraient portés par les résidents locaux du Chin, mais encore une fois, il n’était même pas prévu au départ que le projet apporte des bénéfices à la plupart d’entre eux ; cela reste un couloir de transit mineur, dans un coin obscur de leur territoire montagneux. Pour parler cyniquement, chacune des parties pourrait facilement se passer de ce projet, et constitue plutôt un ajout pratique à la voie rapide ASEAN qu’un couloir commercial indépendant en propre. En ce sens, son existence porte peu à conséquence sur les considérations régionales au sens large, ce qui signifie que l’État Chin n’entrera sans doute pas dans les calculs géostratégiques des grandes puissances, et restera sans doute obscurément hors du jeu.
L’ÉTAT KACHIN
LA GUERRE DU JADECet État, le plus septentrional du Myanmar, est le seul État frontalier à ne porter aucun projet d’infrastructure transnationale, mais cela ne diminue pas pour autant son importance géostratégique, que ce soit aux yeux des dirigeants du pays ou de leurs voisins. L’État Kachin est l’un des plus vastes, et l’un des moins densément peuplés du Myanmar, et la valeur qu’il représente pour les parties en présence dérive de son emplacement pivot à la frontière indo-chinoise, et de ses richesses importantes en matières premières. La région est connue pour ses
riches dépôts de métaux (surtout en jade et en or), et présente également un excellent potentiel en ressources de bois de construction et en énergie hydroélectrique. Ces industries sont tellement profitables qu’il a été
largement reporté que le conflit entre les militaires et l’
Organisation d’indépendance Kachin s’apparente plus à une
guerre de ressources qu’à un conflit d’auto-détermination.
C’est une description plutôt exacte, les militaires comme les rebelles s’étant principalement positionnés pour contrôler ces dépôts lucratifs et pour s’octroyer le droit de les négocier sur les marchés mondiaux. L’État dispose de la légitimité internationale sur le territoire et ses ressources, et peut donc vendre tout ce qu’il en extrait au meilleur enchérisseur qu’il trouvera sur les marchés mondiaux, mais les rebelles ne disposent pas d’une telle liberté de commerce, et sont donc contraints d’écouler leurs produits sur le marché chinois avoisinant, de manière informelle. Même si la Chine apparaît
insatiable en matière de jade – qui constitue l’une des ressources les plus profitables parmi les nombreuses que l’on trouve en sous-sol du Kachin – le fait est que les rebelles ne peuvent le vendre que par contrebande aux Chinois, ce qui fait baisser le prix par rapport aux marchés conventionnels, et prive les rebelles d’en tirer les profits dont ils pourraient bénéficier s’ils avaient accès aux marchés mondiaux.
Les rebelles kachins, suivant leurs intérêts économiques, veulent acquérir une autonomie, fédéralisation et/ou indépendance, au plan international, afin de pouvoir se mettre à vendre légalement leurs ressources minières sur le marché mondial, chose qui leur permettrait de distribuer plus équitablement les bénéfices à la population locale que ne le font actuellement les militaires.
A contrario, les militaires ne veulent pas perdre le contrôle dont ils disposent sur les mines de jade : ce contrôle est à ce jour total, et ils ont
grand besoin des entrées de devises étrangères qu’ils en tirent pour satisfaire à leurs propres intérêts. Pour ces raisons économiques, l’état stratégique de la guerre civile au Kachin a atteint un
statu quo, même si des violences éclatent encore occasionnellement entre les deux camps et viennent apporter des ajustements légers à la balance tactique entre eux.
Pour simplifier la situation, les deux parties veulent conserver le contrôle du jade et d’autres gisements de ressources naturelles de l’État Kachin, si bien qu’aucune solution idéale ne peut surgir, qui satisferait les intérêts des deux acteurs. La promotion par les militaires d’un État unitaire et/ou d’une autonomie/fédéralisation/indépendance ne laissant pas le Kachin définir ses propres règles est opposée à la vision de l’Organisation d’indépendance du Kachin, qui prône la souveraineté économique de la région ; alors que remplir l’une ou l’autre de ses possibilités priverait Naypyidaw des revenus financiers dont le Kachin veut prendre le contrôle. Même à supposer que le Myanmar évolue vers une forme d’autonomie et/ou de fédéralisme (qu’il s’agisse d’un changement opéré à l’échelle de la nation ou une application au cas par cas selon les régions), aucun scénario ne peut être établi qui satisferait les deux parties sans de sérieux compromis de l’une ou de l’autre.
Les militaires pourraient accepter de laisser une forme d’autonomie ou de fédéralisme à l’État Kachin, mais uniquement sur des zones qu’ils ne contrôlent pas déjà. Un tel plan irait bien entendu à l’encontre des revendications de l’Organisation pour l’indépendance Kachin, qui vise à une autorité sur l’ensemble de l’État Kachin ; en pratique c’est la moitié occidentale de l’État sur laquelle les militaires maintiendraient leur contrôle, et il est donc peu probable de voir une telle proposition acceptée. En outre, en nul autre État du Myanmar que Shan et Kachin, les rebelles ne subissent de pression visant à leur faire accepter une partition administrative de leurs territoires : il est donc clair que le Kachin n’acceptera pas un accord aussi déséquilibré, qui serait moins avantageux pour l’État Kachin en comparaison des accords obtenus par les autres États du Myanmar.
Sauf à voir les militaires revenir sur leurs positions et accepter que l’État Kachin prenne le contrôle de l’ensemble de son économie interne par un accord d’autonomie ou de fédéralisation, ce qui constituerait une surprise, le seul moyen de sortir de ce blocage risque d’être une reprise des hostilités à grande échelle, visant pour chaque partie à faire céder l’autre. Il reste toutefois possible qu’aucune des deux parties ne veuille prendre la responsabilité de la destruction de l’esprit de «
bonne volonté » auquel toutes les parties en présence se doivent d’adhérer, tant que des désaccords plus tendus n’altèrent pas les relations entre autorités centrales et les autres représentants ethno-régionaux. On peut donc prévoir que l’une des parties pourrait finir par lancer une attaque sous faux drapeau contre l’autre, afin de justifier une réponse pré-conçue pour trancher le nœud gordien. De tels événements pourraient déliter l’ensemble du processus de négociation au niveau national, et déboucher sur une réaction en chaîne amenant à un retour subit de la guerre civile à l’échelle du pays.
LES INTÉRÊTS EN MATIÈRE D’INFRASTRUCTURELe fait qu’aucun projet d’infrastructure transnationale ne traverse actuellement l’État Kachin ne condamne pas ce dernier à une obscurité géo-économique perpétuelle. Il se peut que le
chemin de fer existant Mandalay-Myitkyna se voit un jour étendu, et apporte du lien jusque la Province chinoise de Yunnan, et même au delà, jusqu’à nœud régional de Kunming. De même, les probabilités existent que la voie ferrée pré-citée se voit complétée par d’autres modes de connectivité, avec notamment la voie rapide indienne ASEAN, qui traversera Mandalay ; cela apporterait à New Delhi un accès aux ressources de la région, et ouvrirait à l’État les marchés indiens en plus des chinois. Ce n’est un secret
pour personne que les deux grandes puissances asiatiques se livrent à une concurrence effrénée sur le continent, et il n’est donc pas irréaliste que leur rivalité au Myanmar porte un jour jusqu’à la région du Kachin, avec laquelle chacune partage des frontières. Vu le rôle que prennent les investissements en matière d’infrastructure et d’amélioration des modes de transport dans la définition des diplomaties du XXIème siècle, et vu comme l’Inde et la Chine emploient d’ores et déjà ces mêmes instruments au Myanmar, par la voie rapide ASEAN pour l’une, et le couloir énergétique Chine-Myanmar pour l’autre, on ne prend pas de trop gros risques en pariant que les deux puissances en viendront à intégrer également l’État Kachin à leurs projets.
Si une telle compétition s’engageait entre les deux grandes puissances pour l’État Kachin, la Chine pourrait se retrouver en position inférieure à l’Inde, non seulement parce que la situation politique actuelle dans le pays est légèrement hostile à ses intérêts, mais également parce que les habitants de l’État Kachin ont déjà fait part dans le passé d’un sentiment latent de sinophobie. Le Myanmar a suspendu indéfiniment les projets chinois de construction du gigantesque barrage de Myitsone en septembre 2011, en faisant savoir que cette réaction répondait aux manifestations de plus en plus affirmées sur des sujets environnementaux. Soyons clairs, Naypyidaw a suspendu ce projet moins pour apaiser ses propres citoyens que comme mesure de bonne volonté vis à vis de Washington, et pour démontrer sa volonté de coopérer avec la ligne stratégique étasunienne de pivot vers l’Asie, qui allait être rendue publique le mois suivant cette décision. Que Naypyidaw déclare avoir pris cette décision en réponse à un mouvement populaire est donc à la fois semi-plausible et trompeur. La vérité est que les USA et les ONG qui leur sont affiliées ont mené une campagne d’information prolongée contre les projets hydroélectriques que la Chine essaye de construire à travers l’Asie du Sud-Est, et ont assez bien réussi à
déclencher diverses protestations au Myanmar contre le barrage de Myitsone. Cela étant dit, pour incertaine que soit la mesure selon laquelle les habitants du Kachin étaient réellement opposés au barrage, on peut stratégiquement évaluer que les campagnes étasuniennes «
pro-environnementales » au Myanmar et plus largement dans la région portent un biais sinophobe déguisé tel un euphémisme, qui joue sur les stéréotypes locaux pour gagner en soutien auprès des populations.
Les stéréotypes racistes sont toujours infondés, et rien ne saurait les justifier, mais pour bien comprendre pourquoi certains Kachin voient la Chine d’un mauvais œil, il importe de rappeler rapidement au lecteur les origines du phénomène. Les incursions économiques de la Chine à l’international ont commencé dans les années 1990, et s’intéressaient alors particulièrement au Myanmar, alors État isolé. La Chine, alors absolument novice en matière de pratique d’investissements internationaux ciblés, dans un monde en début de mondialisation, commit des erreurs de négligence, notamment en ignorant les sensibilités locales ; elle se préoccupait surtout d’optimiser ses taux de rendements dans ses zones d’opérations étrangères, qui, à l’époque, intégraient également l’État Kachin. Ces faux pas ont eu pour conséquence d’imprimer sur certains membres de la communauté Kachin une attitude négative envers la Chine, impression qui est malheureusement restée vivace jusqu’à ce jour et ouvre la voie à des manipulations étrangères. Les erreurs commises par la Chine en matière de «
soft power », et les exagérations brandies par la suite par les USA sur celles-ci, ont compliqué auprès des populations toute nouvelle initiative de la part de Pékin pour mettre à profit le pays comme tampon géopolitique. Rapporté au contexte de rivalité indo-chinoise dans l’Asie du Sud et du Sud-Est, cela joue à l’avantage de New Delhi.
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RÉGION SAGAING
LES NAGASQuoique non formellement considérée comme zone d’affrontements dans la guerre civile du Myanmar, la région Sagaing pourrait entrer au cœur du jeu en terme d’internationalisation du conflit. Ce n’est pas la majorité Bamar qui pose un risque à cet égard, mais la minorité Naga qui habite une fine bande de territoire qui longe la frontière avec l’Inde. Ce
groupe ethnique fut divisé par les frontières entre États au sortir de la période coloniale britannique, la plus grande part démographique de cette population se trouvant dans ce qui allait devenir l’État indien de
Nagaland au Nord-Est, et une portion plus congrue se trouvant au Myanmar. Techniquement, ce sont les britanniques qui divisèrent administrativement ces populations, en imposant le Traité de Yandabo à la Birmanie en 1826, au sortir de la première guerre anglo-birmane ; ce traité cédait aux britanniques le contrôle de ce qui constitue aujourd’hui le Nord-Est de l’Inde. Ce n’est qu’à l’issue de la troisième guerre anglo-birmane, en 1885, que les britanniques «
réunifièrent » les deux groupes nagas sous leur joug impérialiste, avant de les séparer administrativement de nouveau quand la Birmanie fut décrétée colonie séparée en 1937. La division resta après l’indépendance, et perdure à ce jour, et avec elle le désir de certains nationalistes nagas en Inde de se réunifier avec leurs frères établis au Myanmar.
LE CONFLIT NAGALes
raisons du
conflit Naga en Inde sont diverses, et la situation est assez complexe pour justifier une étude à part (de nombreuses études ont été publiées à ce sujet), mais dans l’intérêt du présent travail, et pour aider le lecteur à se familiariser avec les scénarios de Guerre hybride que nous décrirons en quatrième partie, il nous faut ici prendre le temps d’introduire brièvement ce sujet. Pour condenser des dizaines d’années d’histoire en quelques mots, le Conseil national Naga commença en 1947 à militer pour que le District des collines nagas d’Assam reçoive le statut d’État séparé, et leur mouvement se transforma en insurrection au début des années 1950. Ce faisant, certains Nagas refusaient même de voir leur communauté intégrée à l’Inde d’après 1947, et se mirent à revendiquer directement l’indépendance. New Delhi essaya de trouver des compromis avec la communauté, en mettant en œuvre une décentralisation stratégique en 1963, et en créant l’État Nagaland autour d’Assam, mais cela ne suffit pas à calmer les plus nationalistes des Nagas, qui poursuivirent leur lutte pour un État indépendant. Le temps s’écoulant et le conflit gagnant en intensité, le gouvernement indien se mit à qualifier certaines de ces groupes d’organisations terroristes en réponse à leurs actions violentes. Mais cela ne dissuada pas certaines organisations, comme le Conseil national socialiste du Nagaland, qui poursuivit ses campagnes et prit même une dimension transnationale en s’établissant au Myanmar, en utilisant les zones de jungles isolées de ce pays comme bases arrières pour des attaques transfrontalières et en y recrutant la population locale.
« NAGALIM »La génération post-1963 de nationalistes nagas fut motivée à créer ce qu’ils appellent «
Nagalim », à savoir l’unification du groupe ethnique naga sous une organisation politique unifiée. C’est à ce stade que les objectifs de chaque organisation commencèrent à diverger. Certains groupes nagas veulent que les régions habitées par des Nagas, des États du Nord-Est de l’Inde, soient intégrées au Nagaland, qui pour sa part resterait rattaché à l’Inde ou deviendrait un État indépendant. L’autre branche des nationalistes nagas veut créer un « Nagalim » indépendant transnational, qui incorpore les zones d’Inde habitées par des Nagas mais également la nouvellement créée
zone naga auto-administrée du Myanmar, ce qui constitue une menace à l’intégrité territoriale des deux pays – la première mouture n’est une menace que pour l’Inde. La situation se complique encore plus, le
Conseil national socialiste du Nagaland (Khaplang) (NSCN-K) opère au Myanmar depuis des années, et constitue l’un des signataires de l’accord de trêve du gouvernement, ce qui en soi rend légitime la création de la Zone naga auto-administrée après l’adoption de la Constitution de 2008. Le NSCN-K est donc considéré comme
groupe terroriste en Inde, et comme partenaire légitime de l’État au Myanmar, malgré sa décision
de ne pas signer l’accord de cesser-le-feu national d’octobre 2015. Tout ceci complexifie bien entendu fortement la situation transfrontalière, et sera repris dans la quatrième partie, car source intarissable de potentiel de Guerre hybride.
L’état des affairesEn récapitulatif, les épisodes les plus durables et les plus brutaux de la guerre civile du Myanmar ont été vécus dans les États Shan, Kayin et Kachin, aux frontières Est du pays. Les déstabilisations de l’État Rakhine, de l’État Shin et des activités du NSCN-K’s dans la région Sagaing ont également été regroupées dans cette conflagration plus large, la situation devenant telle que l’ensemble de la périphérie ethno-régionale du Myanmar a pris les armes contre le gouvernement central à un moment de l’histoire. S’agissant du conflit actif le plus long du monde, la guerre civile du Myanmar est incroyablement complexe, et présente de nombreuses facettes, voyant les diverses parties se trahir les unes les autres au fil de la course de ce bain de sang fratricide. Avec une guerre faisant rage de manière obstinée sur une période de presque 70 ans, la scène internationale a connu de nombreux changements, le plus prononcé d’entre eux étant constitué par la déclaration de l’armée étasunienne de réaliser un pivot d’attention stratégique, quittant les théâtres d’Europe et du Moyen-Orient et se tournant vers celui d’Asie-Pacifique.
Avant même d’annoncer formellement cette nouvelle politique en octobre 2011, les USA avaient déjà pris certaines actions pour faciliter ce pivot vers l’Asie, et avaient fait pression sur le gouvernement militaire du Myanmar pour qu’il souscrive à leurs grands desseins stratégiques, en employant la carotte et le bâton : «
enrichissement personnel » et chantage de Révolution de couleur, dont la séquence permit l’aboutissement des concessions géostratégiques que Washington attendait de Naypyidaw. Dans le cadre de cet accord, les USA se mirent à réfléchir sérieusement à quoi ressemblerait un Myanmar post-guerre civile, établissant leur vision idéale de la chose : un
État fédéralisé sur base d’identités, étroitement intégré à une chaîne de projets d’infrastructure trans-nationale avec en fer de lance l’Inde et le Japon, fers de lance de la Coalition visant à contenir la Chine. Selon ces plans, les USA encouragèrent le Myanmar à aller vers l’accord national de cesser-le-feu d’octobre 2015, que l’auteur a analysé en profondeur dans un article déjà paru sous le titre
« Myanmar : Paix à long terme ou établissement des lignes d’affrontement ? »,
[Myanmar: Drawn-Out Peace Or Battle Lines Drawn ? NdT]. Outre un soutien rhétorique à cet accord, les USA envoyèrent des signaux implicites de soutien à leur mandataire Suu Kyi, et à ses déclarations voulant que les groupes rebelles
attendent l’élection de novembre et l’investiture d’un nouveau gouvernement pour conclure tout accord avec les autorités.
Cette approche schizophrène trouve une explication simple dans le fait que l’approche générale des USA soutient le lancement d’un processus de résolution de conflit, qu’importe qui le soutient par ailleurs, leur stratégie d’ensemble ayant changé au point de vouloir stabiliser le Myanmar, pour en faire un auxiliaire utile dans leur stratégie de «
contenir la Chine ». Plus précisément, le choix d’un fédéralisme sur base d’identités pourrait amener à la création d’un échiquier définissant de nouvelles zones d’influences géopolitiques au sein du pays, définissant de nouvelles «
règles du jeu », qui permettraient dès lors aux USA et à leurs alliés d’avancer leurs influences politiques, économiques et militaires au plus près de la frontière avec la Chine. Cette stratégie apparaît beaucoup plus difficile et coûteuse à jouer dans un état continu de guerre civile sur les dimensions physiques, financières et stratégiques, d’où ce nouveau besoin de résolution du conflit et la fabrication d’un mécanisme intérieur sous un masque «
gagnant-gagnant », visant à établir leur stratégie. L’engagement double des militaires et de Suu Kyi avec les groupes rebelles, malgré les pressions des militaires pour qu’un accord soit signé avant novembre, et les groupes rebelles en question faisant tout pour le retarder, présentait la caractéristique commune d’un but partagé : faire avancer les parties vers un cesser-le-feu et mettre sur les rails un processus de négociation multilatéral, que l’auteur appelle Panglong 2.0.
Tirée de l’article cité ci-dessus déjà publié par le même auteur sur ce sujet, la liste qui suit présente les signataires et les non-signataires de l’accord de cesser-le-feu national :
Signataires (pro-gouvernement) | Non-signataires (opposition) |
All-Burma Students’ Democratic Front | Arakan Army |
Arakan Liberation Party | Kachin Independence Organization |
Chin National Front | Karenni Natl. Progressive Party |
Democratic Karen Benevolent Army | Lahu Democratic Union |
Karen Natl. Lib. Army – Peace Council | Myanmar Natl. Democratic Alliance Army |
Karen National Union | Natl. Soc. Council of Nagaland – Khaplang |
Pa-O National Liberation Organization | New Mon State Party |
Shan State Army – South | Ta’ang National Liberation Army |
| United Wa State Army |
Pour simplifier au lecteur la compréhension de la dynamique en cours dans la guerre civile, après la signature de l’accord de cesser-le-feu national, l’auteur a établi une carte et y a intégré les informations d’infrastructure pertinentes présentées plus haut dans le cadre des présents travaux. Cette carte présente les zones territoriales des factions signataires, ainsi que les projets d’infrastructure qui traversent le pays :
Rouge : zones contrôlées par le gouvernement, soit par administration directe, soit au travers d’alliance avec les rebelles ;
Bleu : zones anti-gouvernement contrôlées par les rebelles ;
Points noirs : les trois ZES du Myanmar, du Nord au Sud il s’agit de Kyaukpyu, Thilawa et Dawei ;
Point jaune : la capitale de Naypyidaw ;
Ligne blanche : les
oléoducs et gazoducs Chine-MyanMar ;
Ligne bleu lavande :
voie rapide Inde-Thaïlande ;
Ligne vert citron : Couloirs japonais Est-Ouest et Sud ;
Ligne bleu marine : projet indien de Kaladan.
L’article précité propose une description complète de la situation des zones d’affrontement, et nous recommandons au lecteur intéressé par les détails de ce que la carte présente de le consulter. Afin de rester pertinent dans le cadre de notre focus présent, qui concerne les Guerres hybrides, l’auteur va consacrer la suite de la présente analyse à expliquer les liens entre les projets d’infrastructure transnationaux et les scénarios étasuniens de déstabilisation du Myanmar :
CHANTAGE ENVERS PÉKINL’observation la plus pertinente qui sort d’une consultation de la carte est que le couloir énergétique Chine-Myanmar (que Pékin espère un jour voir étendu en Route de la soie du Myanmar) est doublement vulnérable aux déstabilisations : il traverse les États Shan et Rakhine, influencés par les rebelles, chose qui ne frappe ni la voie rapide indienne ASEAN, ni les couloirs Est-Ouest et Sud du Japon. Les zones traversées par le projet chinois sont, techniquement, contrôlées par le gouvernement, mais le contrôle de Naypyidaw sur ces zones pourrait se révéler faible si une nouvelle phase de guerre civile éclatait, qu’il s’agisse d’un retour des hostilités conventionnelles à grande échelle dans l’État Shan, ou d’émeutes ethno-religieuses dans l’État Rakhine. Le seul facteur permettant la sécurité des projets chinois réside à ce jour dans la bonne volonté affichée par les militaires, l’armée ayant des intérêts propres à protéger les investissements de Pékin : il est certain qu’elle répondrait à des attaques sur ces projets. Mais au vu de l’environnement géopolitique mouvant dans lequel évolue le Myanmar, les mêmes militaires pourraient voir leurs intérêts dans cette coopération égalés voire dépassés par d’autres partenaires que la Chine.
Par exemple, Naypyidaw pourrait un jour revoir ses calculs, ou se laisser mener à penser que répondre aux provocations rebelles envers les investissements d’infrastructure chinois présenterait un coût politique trop important, si une réaction à ces attaques pouvait compromettre le processus de paix national et perturber la redirection géopolitique entamée en direction du monde unipolaire. Certains individus particulièrement influents, ayant à l’esprit la stratégie de la carotte et du bâton d’«
enrichissement personnel » jouée de manière experte par les USA pour infiltrer leur influence au plus profond de l’élite militaire du pays, pourraient avoir un intérêt économique personnel à tout mettre en œuvre pour ne pas apparaître comme «
hostiles » ou comme «
faisant obstacle au processus de paix », en une volonté désespérée d’éviter le retour de sanctions.
Autre vulnérabilité affectant le couloir énergétique Chine-Myanmar et la possible Route de la soie du Myanmar, le degré de souveraineté économique dont disposeraient les États de Shan et de Rakhine dans un contexte d’autonomisation et/ou fédéralisation, et la manière dont ils l’exerceraient vis-à-vis du projet. À l’image de l’Ukraine, devenue un énorme point de blocage dans la coopération énergétique entre Russie et Europe, ces deux États de transit pourraient connaître la même évolution, et perturber les relations entre la Chine avec le gouvernement central du Myanmar et/ou ses partenaires extérieurs via le terminal de Kyaukpyu, situé sur l’Océan indien. Ces entités régionales, dont on peut prédire qu’elles seront pétries d’une forte volonté d’auto-gestion pour leurs territoires remodelés, pourraient essayer de tirer des redevances abusives de la part de la Chine, mettant à mal le taux de rentabilité de l’oléoduc, et faisant tellement monter les coûts de «
maintenance » de ce projet stratégique qu’il se transformerait en gouffre financier. Pékin s’opposerait sans doute à toute forme de chantage économique mené contre elle, en particulier de la part de gouvernements régionaux, mais Naypyidaw pourrait traîner les pieds à agir par la force en réponse à de tels désaccords, et considérer que courir le risque de raviver la guerre civile serait trop élevé pour intervenir dans les différends de redevances d’oléoducs entre ses États internes et la Chine (et ce d’autant plus si les groupes rebelles de ces États se voient agrégés en armée régionale sous statut légal).
Confrontée à des incertitudes quant à la sécurité physique et économique de ses oléoducs, la Chine sera moins motivée à poursuivre son engagement stratégique avec le Myanmar au niveau étatique, et soignera plutôt ses relations avec les entités sous-étatiques autonomes/fédéralisées. Pékin a déjà fait quelques pas visibles dans cette direction,
ayant reçu les dirigeants du Parti national Rakhine pour essayer de s’attirer leurs bonnes grâces. De toute évidence, ce qui a motivé la Chine à agir ainsi est une volonté de cultiver une relation de travail pragmatique avec les personnalités politiques qui pourraient un jour se retrouver à des positions stratégiques de l’État régional, disposant de plus d’influence à ce niveau que les instances nationales du Myanmar. Mais la montée d’une force politique amicale dans l’État Shan fait défaut à la stratégie chinoise de diplomatie à deux étages. Pour l’instant, cet État reste englué dans la guerre civile et divisé entre diverses factions combattantes, et il est donc beaucoup trop tôt pour la Chine de s’engager à soutenir l’une ou l’autre d’entre elles. En outre, aucune d’entre elles n’est à présent en mesure d’exercer un contrôle sur l’entité administrative, et il est probable qu’aucun force de cette stature n’émerge jamais. Le meilleur pari de la Chine reste d’attendre et de voir quelle force finira par prendre le contrôle de la zone de l’État Shan où court l’oléoduc, et de trouver dès lors un moyen rapide de s’attirer les bonnes faveurs de ce groupe, une fois qu’il aura solidement pris en main le territoire en question.
MANDALAY : LE POINT DE RENCONTRESituée presque au centre du pays, la ville de Mandalay constitue un nœud clé pour les flux commerciaux nord-sud qui traversent le Myanmar. Le meilleur exemple en est donné par le fait que les projets indien et chinois transitent chacun par cette même ville, la voie rapide ASEAN apportant des avantages tangibles évidents à la ville et à ses habitants, plus que le couloir énergétique Chine-Myanmar. Mais si la Chine réussit à un jour à tracer une voie ferrée directement jusqu’à cette ville, en extension de la voie ferrée Mandalay-Myitkyina, ou comme intégration parallèle d’une Route de la soie du Myanmar longeant les oléoducs en place, la rivalité économique par procuration entre Pékin et New Delhi sera débridée dans tout le Nord du Myanmar. En l’état, la Chine constitue déjà une présence économique importante dans la région, amplifiée par la migration de
dizaines de milliers de citoyens chinois vers Mandalay depuis une vingtaine d’années, et leur influence énorme sur la ville ; mais l’absence d’un couloir commercial fiable entre les deux États a limité l’influence «
soft power » de la Chine sur la région. En outre, l’existence d’un sentiment sinophobe diffus, dont nous avons expliqué les origines ci-avant, inhibe quelque peu les avancées de l’influence chinoise dans la région, et contribue au positionnement de l’Inde, qui se présente comme un « levier d’équilibrage » attractif.
Il est difficile pour l’instant de prédire les débouchés de cette rivalité économique entre Chine et Inde au Nord-Myanmar, surtout en ce qui concerne Mandalay et les zones environnantes, mais actuellement, l’Inde a une tête d’avance grâce à la voie rapide ASEAN. On peut donc considérer que New Delhi dispose de l’initiative, son projet d’infrastructure transnationale présentant le potentiel d’apporter des avantages à l’économie locale. Il s’agit exactement de ce que les nombreuses routes de la soie s’emploient à réaliser partout dans le monde, et c’est chose ironique de voir l’Inde, et non la Chine, parvenir à ces fins pour l’instant au Myanmar. Mais Pékin, pour ces raisons, comprend que son influence sur le pays restera forcément pondérée, car chaque jour qui s’écoule et qui voit la voie rapide ASEAN en fonction pendant que la Route de la soie du Myanmar ne l’est pas, son influence en terme de « soft power » en pâtit. L’ironie suprême, une fois de plus, réside en ce que c’est habituellement la Chine qui abîme de la sorte indirectement ses concurrents, et qu’elle en vient ici à subir ces effets : il s’agit d’une situation inédite et unique pour la Chine, qui découvre et apprend de cette situation.
LA JOINTURE DE L’ÉTAT MON :Le petit État Mon, niché au Sud-Est du Myanmar, entre l’Océan indien et l’État Kayin, constitue l’une des zones les plus géo-critiques du pays. Son importance vient de ce qu’il constitue le point de connexion entre la voie rapide ASEAN et le couloir japonais Est-Ouest, le point clé en résidant dans la ville portuaire de Mawlamyine. D’ici, les deux projets d’infrastructure transnationale suivent la même voie jusque la ville Karen de Myawaddy, avant de se séparer une fois sur le sol thaïlandais. Au vu de l’importance de ces projets dans les grands desseins géostratégiques unipolaires, il est impérieux que chacun d’eux reste protégé, afin d’en maximiser la viabilité. Dans l’ensemble, il n’y a pas de problèmes enracinés dans les États Mon ou Karen, car l’Union nationale Karen, premier groupe rebelle de cette zone du pays, a signé conjointement avec quelques-unes de ses branches dérivées l’accord de cesser-le-feu national du gouvernement. Mais le
Nouveau parti de l’État Mon [
New Mon State Party (NMSP), NdT]
n’a pas signé ce même accord et pourrait en théorie poser des problèmes à chacun de ces projets.
Il n’est pas aisé d’accéder à des informations fiables au sujet du NMSP et de ses activités au Myanmar, mais en l’état ce groupe ne semble pas constituer une grande menace. L’auteur n’a pas pu trouver d’information qui laisserait à penser qu’ils s’emploieraient ou projetteraient de saboter ou d’attaquer l’un des projets indien ou japonais, et il est probable que si cela était arrivé, on en trouverait quelque trace sur Internet, ne serait-ce que sous forme de propagande pro-Mon. En outre, de telles tentatives auraient sans doute donné lieu à une réponse militaire, chose qui aurait été reportée et sans doute exploitée pour contester le gouvernement. Rien de tout cela n’étant trouvable sur Internet, on peut supposer que rien de tel ne s’est produit récemment, sauf de très petites occurrences ne méritant pas d’attention réelle. Mais on peut se demander, dans ces conditions, pourquoi le NMSP a refusé de signer l’accord de cesser-le-feu national, s’il est aussi faible qu’il apparaît, ne disposant évidemment d’aucun contrôle sur le territoire qui héberge les itinéraires des deux projets transnationaux. Une explication plausible pourrait être que le NMSP préfère laisser en pause ses actions aussi longtemps que possible, pour collecter les résultats d’une autonomie ou d’un fédéralisme au sein de leur État ; il se peut qu’ils estiment que leurs gains seront plus substantiels s’ils négocient une signature ultérieure de cet accord conjointement avec d’autres groupes rebelles, au vu de leur taille et de leur pouvoir finalement restreints.
À supposer que le NMSP essaie de perturber les projets indien ou japonais, il est très probable que les militaires leur tomberaient dessus immédiatement, et mettraient fin au problème avant qu’il ne déborde. Les USA et leurs alliés soutiendraient probablement une telle réaction, la voie rapide ASEAN et le couloir Est-Ouest figurant en tête de liste de leurs priorités stratégiques par rapport aux intérêts d’un petit groupe rebelle ethno-régional. On pourrait voir les USA et leurs alliés européens (l’OTAN) dénoncer de manière rhétorique les réactions de l’armée pour «
sauver la face » face au lobby des «
droits de l’homme » qu’ils connaissent sur le plan intérieur (sous condition bien sûr que les bruits d’actions militaires dans l’État Mon remonte jusque là), mais ces protestations n’auraient rien de sincère, et ne constitueraient qu’une tactique de politique intérieure. Même si Naypyidaw agissait pour étouffer les rebelles, cela pourrait échouer, à supposer que le NMSP se soit préalablement entraîné à la guérilla, pour pratiquer des attaques éclairs et se fondre immédiatement dans la population locale. Dans une telle situation, il pourrait même être contre-productif pour l’armée de lancer une réplique à grande échelle, et d’autres moyens de réponse devraient être étudiés.
Plutôt que l’usage de la force en réponse à des attaques que le NMSP lancerait sur le projet unipolaire, Washington, New Delhi et Tokyo pourraient essayer d’acheter le groupe pour qu’il mette fin à ses offensives, si cela n’est pas déjà fait. Le NMSP est un petit groupe, et reste donc susceptible d’être influençable par des montants relativement minimes, l’équivalent d’une «
goutte d’eau dans la mer » pour un des États qui se traduirait par une vie de luxe pour les dirigeants du mouvement. Et si cela ne devait pas fonctionner (par exemple, si le NMSP est plus patriotique qu’intéressé par l’argent), et que les trois États ne voulaient pas donner le feu vert au Myanmar pour rayer le groupe rebelle de la carte, ils pourraient encore user de leur influence sur Naypyidaw pour que l’État Mon reçoive une forme d’autonomie ou de fédéralisation au cours de la refonte administrative à venir, et veiller à ce que le NMSP dispose d’une position à la tête de ce territoire.
À suivreAndrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.Traduit par Vincent pour le Saker Francophone