Pratiquer les vertus citoyennes

Sciences dures : Mathématisation de la physique => Autres questions scientifiques ou techniques => Discussion démarrée par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:11:39 pm

Titre: La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:11:39 pm
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Phillippe Colliard a écrit :

Bonjour à tous,

il me semble que les difficultés liées aux limites ne viennent pas de
ce qu'est la limite d'une suite, mais de ce qu'on parle de plusieurs autres
limites !

Dès qu'on dispose d'une métrique, la limite d'une suite me paraît
visuellement simple : un point (ou un nombre...) est limite d'une suite
équivaut à : quelle que soit la boule centrée en ce point (nombre), elle
contient "presque" tous les éléments de la suite ! ( "presque" pour :
sauf un nombre fini d'éléments )

Là où ça se complique, c'est, d'une part, cette habitude de dire que les
éléments de la suite "tendent vers" cette limite, ce qui donne une idée
de mouvement là où il n'y en a pas...

Et d'autre part, d'asséner sans précautions, dans le cas de la tangente t
à un graphe Gf, en un point A, d'abscisse a, que t est la limite des
droites (AB) , (B étant un point de Gf), lorsque "B tend vers A" : il
s'agit là d'un abus de langage, bien pratique, mais qui nécessite
peut-être d'être signalé, non ?

En réalité, on associe à la suite des (AB) une suite de nombres (la
mesure de l'angle entre (AB) et t, par exemple... Ou, évidemment, la
tangente de l'angle entre (AB) et l'axe des abscisses, si on veut
introduire les nombres-dérivés), on observe que cette suite de nombres
converge, et on décide d'appeler "droite-limite" la droite associée à ce
nombre-limite.

Le même type d'abus de langage se retrouve - avec des conséquences
pédagogiques - à propos de la continuité : dire que R est continu n'a
pas le même sens que dire "la fonction f est continue".

Dans le 1er cas, on observe les convergences de suites de R ; dans le second, les
convergences des "suites-images" (par f) de suites convergentes de R.

Bon, quelqu'un a-t-il un peu d'aspirine ? :)

Purement à titre de curiosité pré-historique, je viens de mettre en
ligne le 1er poly un peu dense que j'ai écrit, pour des terminales C de
l'époque, en ... 1974 :)

Il était certainement mal construit, grandiloquent et fumeux, mais soyez
charitables : je commençais ma 3ème année de prof !

(Je viens de le retrouver... Apparemment, j'y ai rajouté quelques
remarques ou interrogations, un peu plus tard. Je ne sais plus quand)

Si ça vous tente, il est là : http://mathemagique.com/pour-nostalgie.html

A bientôt ?
--
Philippe Colliard

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Le 28 Oct 2014 Rudolf Bkouche a répondu :

Le point de vue cinématique n'est pas une illusion d'optique,
c'est   une conception de la limite qui a toujours sa signification.
Et c'est ce point de vue qui permet de comprendre la notion de vitesse instantanée.

La question n'est pas une question pédagogique, c'est une question mathématique.
On travaille toujours au carrefour de l'intuition et de la rigueur.

La question n'est pas non plus celle du sentiment par rapport aux mathématiques modernes.

La réforme des mathématiques a oublié un pan de l'activité mathématique,
la part intuitive qu'elle a opposé à la rigueur formelle ;
une erreur épistémologique qui ne pouvait qu'entraîner une erreur pédagogique.

Comme mathématicien, je serais plutôt formaliste, mais cela ne fait pas oublier la part d'intuition 
du travail mathématique, pas plus que le recours intuition ne peut 
faire oublier les aspects formels du discours mathématique.

Mais lire Bourbaki demande du travail. Lorsqu'on découvre Bourbaki 
après des études classiques, c'est un émerveillement.

Les mathématiques n'ont pas été maladroitement expérimentées dans l'enseignement ;
elles ont leur place en fin d'enseignement, peut-être en TS si l'enseignement antérieur est consistant.

Mais racontées trop tôt, elles perdent leur sens.
La modernité scientifique n'est pas transparente et le rôle de l'enseignement est d'y amener.

Par contre, il serait utile de relire Hilbert, l'un des inventeurs des méthodes formalistes qui écrit,
dans "Geometry and Imagination" (je ne saurai écrire le titre allemand qui renvoie à la place de 
l'intuition dans la géométrie)


Citer
"In mathematics, as in any scientific research, we find two tendencies 
present. On the one hand, the ten­dency toward abstraction seeks to 
crystallise the logical relations inherent in the maze of material 
that is being studied, and to correlate the material in a systematic 
and or­derly manner.

On the other hand, the tendency toward intuitive 
un­derstanding fosters a more immediate grasp of the objects one 
studies, a live rapport with them, so to speak, which stresses the 
concrete meaning of their rela­tions."

Ce double aspect des mathématique, l'aspect logique et la 
compréhension intuitive, doit guider l'enseignement.

bien cordialement,
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:12:32 pm
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Philippe Colliard a répondu :

Bonsoir Rudolf,

  il me semble toujours que la part d'intuition, en ce qui concerne les
limites, peut s'appuyer au moins aussi fermement sur la densité que sur le
mouvement.

  Et non, je ne pense pas que les maths modernes aient opposé la rigueur
à l'intuition : les profs qui m'ont formé (dont 2 "Bourbaki") - et les
travaux que j'ai ensuite pu mener à bien - ont toujours laissé une grande
part à l'intuition avant de formaliser.

Je ne pense pas non plus que ces
maths ne devraient apparaître qu'en terminale : elles me paraissent tout
à fait adaptées au collège (où j'ai eu la possibilité de les enseigner
quelques années)... Tout en demandant un changement de perspective que la
majorité des profs n'a pas eu le temps (la chance ?) de pouvoir acquérir.
D'où un épouvantable gâchis, pour les élèves comme pour les maths !

Le titre que tu cherches est " Anschauliche Geometrie". (Il a été co-écrit par Hilbert et  Cohn-Vossen)

  Bon, je ne te convaincrai pas, tu ne me convaincras pas ... Quittons-là bons amis ? :)

  Amicalement, donc,
--
Philippe Colliard

P.S. : j'aurais dû écrire "2 Bourbaki (Claude Chevalley et Roger Godement) et 1 demi" :
Gustave Choquet est toujours resté en marge du groupe :)
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:13:14 pm
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Le 28/10/2014, Philippe Colliard a écrit :

Bonjour à tous,

    il me semble que les difficultés liées aux limites ne viennent pas de
ce qu'est la limite d'une suite, mais de ce qu'on parle de plusieurs autres
limites !

   Dès qu'on dispose d'une métrique, la limite d'une suite me paraît
visuellement simple : un point (ou un nombre...) est limite d'une suite
équivaut à : quelle que soit la boule centrée en ce point (nombre), elle
contient "presque" tous les éléments de la suite !  ( "presque" pour :
sauf un nombre fini d'éléments ).
--
Philippe Colliard

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D. P. a répondu :

Comment visualises-tu le "quelque soit la boule centrée" sans mouvement ?
J'avoue que j'aime bien ce point x qui au fil du temps "n" se rapproche
de la limite. :)

Amicalement,
--
D. P.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:13:49 pm
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Rudolf Bkouche a répondu :

La question n'est pas de se convaincre.
Il se trouve que le mouvement a joué un rôle dans la mise en palce de la notion de limite.
En fait il y a deux façons d'introduire les limites, le mouvement et l'approximation.
Et pour cela il y a plusieurs façons, mais on ne peut négliger le rôle du mouvement, même s'il faut savoir s'en débarrasser quand besoin est.

Quant à la réforme des mathématiques modernes, c'est moins une question de pédagogie qu'une question de mathématiques.
Les structures sont une invention importante, mais elles sont intervenues dans des mathématiques déjà constituées.
Commencer par les structures oublie les objets et on ne sait plus ce qu'on structure.

Les structures permettent de mettre de l'ordre dans les mathématiques et ne peuvent venir que dans un second temps.
Cela n'empêche pas de parler de certaines notions lorsqu'on les rencontre, comme la notion de groupe en géométrie
(groupes d'isométries ou de similitudes, groupe laissa,t invariant une figure, …) mais point n'est besoin de parler de la notion générale de groupe.

Les cours que tu cites (Chevalley, Godement, Choquet) sont des cours universitaires et ils y ont leur place.
Mais avant il vaut mieux avoir fait de la géométrie élémentaire et du calcul vectoriel (pas besoin d'avoir fait de l'algèbre linéaire pour cela),
ou encore étudié des équations ou les notions élémentaires du calcul différentiel et intégral.

L'ouvrage de Hilbert-Cohn-Vossen est un bon exemple de la façon dont on peut faire de la géométrie élémentaire avant de développer le formalisme linéaire.
D'autant que la géométrie élémentaire permet de comprendre le rôle de la géométrisation dans divers chapitres des mathématiques (les espaces fonctionnels, les probabilités, etc) ou de la physique.

Une question, difficile, que je posais aux étudiants qui préparaient le CAPES :
quel rapport entre les "Leçons de Géométrie Elémentaire" de Hadamard et la "Géométrie" de Berger. C'est toujours un travail à faire en formation des maîtres.

bien cordialement,
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:14:22 pm
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Philippe Colliard a répondu :

Bonsoir D. P.,

  il me semble que tu mets là le doigt sur quelque chose de fondamental :
  les points ne bougent pas, ils sont là où ils sont. Point ! :)

  Ce qui "bouge", c'est la vision de l'observateur, qui utilise des
optiques de plus en plus précises (des microscopes qui grossissent de plus
en plus).

  Et c'est parce que ceci n'est à peu près jamais mis en avant que je
... M'énerve un peu contre l'interprétation habituelle :)

  (Je ne suis ni Newton ni Einstein, s'pas... Mais, d'après une vidéo du journal Le
Monde, le principe est le même qu'ici :
http://www.dailymotion.com/video/x28d9c7_comprendre-la-theorie-de-la-relativite-generale-d-einstein_news

(si la trajectoire de la terre autour du soleil est elliptique, est-ce à
cause d'un champ de gravitation créé par le soleil (Newton)...

Ou, en l'absence de tout champ de gravitation, à cause de la déformation de
l'espace-temps autour de ce soleil - qui fait que la trajectoire
"rectiligne" de la Terre devient elliptique dans cet espace-temps
(Einstein) ?)

  Encore une fois, l'image du mouvement, comme celle de la densité, sont
des aides pédagogiques... Mais l'une, à force d'avoir été répétée,
me semble avoir pris une ampleur démesurée par rapport à l'autre :)

  Amicalement également :)
--
Philippe Colliard
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:14:53 pm
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Rudolf Bkouche a écrit :

Le mouvement est un phénomène qu'on étude en mathématiques et en physique,
mais cette étude pose problème, comme le racontent les paradoxes de Zénon.

Les géomètres grecs l'ont éliminé du discours scientifique, c'est-à-dire ont cherché les conditions de s'en passer.
C'est le sens des Eléments d'Euclide. plus tard, on l'a éliminer pour développer lé mécanique rationnelle,
le mouvement étant réduit à une fonction.

Mais cette élimination ne le supprime pas ; elle pose la question de la place du mouvement dans les sciences.

bien cordialement,
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:15:25 pm
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Denis Chadebec a écrit :

Que voulais-tu dite par : " S4 finie équivaut à #DS4 appartient à N " (c'est pour le dièse que j'interroge) ?
Un ancien codage des ensembles finis ?

Où était défini le code "R barre" ?

Tu as sans eu de bonnes raisons d'introduire la notion de voisinage,
mais j'avoue qu'elle m'embrouille alors que jamais je n'ai osé user de la logique "êta epsilon" en soutien scolaire sur les limites (à tort ?).
--
Denis Chadebec

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Denis Chadebec a écrit :

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Les géomètres grecs l'ont éliminé du discours scientifique, c'est-à-dire ont cherché les conditions de s'en passer.
C'est le sens des Eléments d'Euclide. plus tard, on l'a éliminer pour développer lé mécanique rationnelle, le mouvement étant réduit à une fonction
Entre les deux, il y a le moyen âge, une période qui ne fut pas plus obscure que les précédentes ou les suivantes,
une période ou émergea l'idée de représenter une distance parcourue par l'aire d'une surface,
ce qui permit à Newton et Leibnitz de convaincre la communauté scientifique du XVIIe siècle d'accepter la dérivabilité de la fonction position x(t), et qui fut un argument canon...
en première littéraire (d'après le témoignage de trois filles de cette section après une étude sur la modélisation des chutes libres par Galilée).

Sans mentionner le dérivée, l'initiation à la vitesse instantanée a ensuite été appliquée à toutes mes classes de seconde en physique
(but : l'accélération et le concept de force) pour bénéficier du "biais de le première impression" le jour de la rentrée de septembre.
Denis Chadebec
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:15:55 pm
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Rudolf Bkouche a répondu :

Il s'est passé beaucoup de choses au MO. Mais cela on l'oublie. On peut lire Oresme.
Ce qui est intéressant, c'est de montrer comme les notions de vitesse instantanée et de dérivée se rencontrent.
On peut retrouver cela dans de vieux livres d'enseignement professionnel des années quarante et cinquante.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:16:24 pm
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Le 28 oct. 2014 Rudolf Bkouche a écrit :

L'expression "tend vers" renvoie au mouvement.

J. P. G. a répondu :

C'est bien ce qui différencie :) le point de vue de Newton par rapport à celui de Leibniz.
Je ne nie pas l'intérêt de l'un mais je constate que l'autre est malheureusement évacué
de notre pensée et de notre enseignement. Ça a un aspect un peu sectaire car non argumenté.
--
J. P. G.

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Le 28 oct. 2014 Philippe Colliard a écrit :

  Ce qui "bouge", c'est la vision de l'observateur, qui utilise des
optiques de plus en plus précises (des microscopes qui grossissent de plus en plus).

J. P. G. a répondu :

Et le microscope mathématique n'est plus physique : un nombre "très petit" n'est pas un petit petit nombre.
Le voir est une expérience de pensée et non une performance physique (ou algorithmique).
--
J. P. G.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:16:50 pm
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Rudolf Bkouche a répondu :

d'autant que le point de vue de Leibniz plus algébrique est plus difficile.
Mais ce qui importe, c'est d'amener à comprendre les deux points de vue et le lien qu'ils ont entre eux.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:17:21 pm
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Philippe Colliard a écrit :

Bonjour Denis Chadebec,

  # était une écriture classique de  "cardinal de" ;

   Pour "R barre" , c'est à "densité" que tu dois chercher  ( R est dense
dans "R barre"  :)  ... L'adhérence de R dans R est toujours R (mais
l'adhérence de R dans R-barre est bien R-barre !!! )

  Encore une fois, nous sommes tous différents, et ce qui t'embrouille peut m'éclairer... Ou vice-versa !

  Je profite de ce court message pour remercier J. P. G. de ses interventions :)

  A bientôt,
--
  Philippe Colliard
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:17:55 pm
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Philippe Colliard a écrit :

"les points ne bougent pas, ils sont là où ils sont. Point ! :)

Ce qui "bouge", c'est la vision de l'observateur, qui utilise des
optiques de plus en plus précises (des microscopes qui grossissent de plus en plus).

Et c'est parce que ceci n'est à peu près jamais mis en avant que je
... M'énerve un peu contre l'interprétation habituelle :)"

Jean-Luc Giaco a répondu :

Je ne sais pas très bien ce qu'est "l'interprétation habituelle".
Pour ma part, je n'ai jamais parlé de points qui bougent, dans ce contexte du moins.
(Pour la tangente, c'est autre chose.)

Pour moi, il y a une ambiguïté, j'ai l'impression (à tort peut-être) que tu associes énumération et mouvement.
C'est peut-être là qu'est le malentendu avec R. B.

Si on peut remettre en question l'aspect "mouvement" de la limite,
en revanche, à mon avis, on ne peut pas gommer l'idée d'énumération, intrinsèquement liée à celle de suite.

L'idée que les termes "se rapprochent" de la limite n'est pas une invention arbitraire,
elle est liée au fait que les termes d'une suite sont donnés naturellement l'un après l'autre.

On peut regarder "en bloc" l'ensemble des valeurs prises, mais ça vient après, il me semble.

Il existe des suites définies par récurrence pour lesquelles on ne sait pas dire grand chose a priori
de l'ensemble des valeurs prises, ou dont l'aspect "construction pas à pas est" prépondérant.

Par exemple, l'algorithme de Kaprekar. L'aspect "cinématique" me paraît alors assez naturel.


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Philippe Colliard a écrit :

"Considérez un segment, [AB], et la suite de points déterminés par
milieux successifs : M1, milieu de [AB], M2, milieu de [MB], etc."

Jean-Luc Giaco a répondu :

C'est un bon exemple. Effectivement, on n'est pas obligé de voir du mouvement là-dedans.
Pourtant, il y a bien une construction "pas à pas", ou "par récurrence", et tu n'y échappes pas,
quand tu emploies le mot "successifs".

Je construis donc cette suite de points successifs, et en la construisant, je vois quoi ?
Eh oui... les points sont de plus en plus près de B.

On peut décider d'arriver "après" que les points soient tous construits et regarder la densité de lumière.
Mais est-ce plus simple ou plus naturel ? Je n'en suis pas sûr.


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Philippe Colliard a écrit :

"Dès qu'on dispose d'une métrique, la limite d'une suite me paraît
visuellement simple : un point (ou un nombre...) est limite d'une suite
équivaut à : quelle que soit la boule centrée en ce point (nombre), elle
contient "presque" tous les éléments de la suite !"

Jean-Luc Giaco a répondu :
C'est une bonne définition, mais j'aurai quelques remarques.

1) Visuellement simple, c'est très subjectif.
Je pourrais faire l'hypothèse que c'est simple pour toi, parce que tu as bien assimilé l'idée.

Mais l'illustration du programme de TS, avec les tubes, et la phrase "à partir d'un certain rang,
tous les termes sont dans le tube", en quoi est-elle visuellement moins simple  ?

2) Si la suite est stationnaire, les valeurs prises sont en nombre fini.
Il va bien falloir que tu expliques que la limite ne compte pas pour une seule valeur,
parce qu'elle est répétée une infinité de fois. Et tu es obligé de revenir aux indices et à l'énumération.

3) La densité des valeurs prises ne s'adapte pas bien à la limite d'une fonction réelle.
C'est dans ce cas qu'on peut plus facilement parler d'interprétation cinématique.

Prenons les deux énoncés :

"f a pour limite b signifie : quand x devient infiniment proche de a, f(x) devient infiniment proche de b."

"f a pour limite b signifie : f(x) peut être rendu arbitrairement proche de b, à condition de prendre x suffisamment proche de a."

L'un est cinématique, l'autre est statique, mais à mon goût, les deux sont aussi (ou aussi peu) valables.
Et il me semble même qu'il y a une idée de mouvement dans le deuxième (prendre x suffisamment proche de a,
c'est le rapprocher de a) et une idée de distance statique dans le premier
(x devient infiniment proche de a s'il entre dans n'importe quelle boule ouverte de centre a.)
Donc, pour moi... kif kif...

Pour le fait parler de tangente comme position limite d'une suite de cordes,
c'est vrai que c'est un peu un abus de langage, mais c'est exactement ce que propose J. P. G.
(difficile d'être en désaccord) : on donne d'abord du sens, quitte à être approximatif, puis,
une fois que les élèves ont une représentation assez solide, on donne (éventuellement) une définition rigoureuse.

Reste qu'on pourrait très bien donner une définition rigoureuse de limite d'une suite de droites, par exemple,
Dn tend vers D si en choisissant deux points A et B sur D, et r aussi petit qu'on veut, les deux boules ouvertes (A;r)
et (B;r) contiennent chacune un point de Dn pour n assez grand.

Ça doit marcher. Est-ce que c'est pédagogique, certainement non, mais c'est une autre histoire.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:19:25 pm
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Jacques Lavau a écrit :

Ce qu'il y a de terrible avec vous autres matheux, est que vous vous dispensez de préciser à vos élèves que le monde que vous enseignez est un monde de pensée, totalement artificiel et déconnecté de la réalité physique.

En physique, on rencontre des limites de validité supérieures et inférieures au type de géométrie que vous enseignez : ça ne s'applique qu'à des trucs ni trop grands ni trop petits par rapport à nos mains.
Côté limite supérieure : il faut que la rigidité des objets matériels ressemble encore à vos abstractions de trucs indéformables, infiniment rigides. Il faut que votre terrain demeure petit par rapport au rayon terrestre. Tout indique par exemple que la largeur du Japon a changé élastiquement, après la subduction brutale qui a déclenché le tsunami dévastateur. Et que cela changera encore.

Côté limite inférieure, nous butons sur la limite atomique, et plusieurs autres limites encore plus drastiques. Un électron de conduction dans le cuivre occupe un bon millier (flou) de volumes de mailles cristallines cfc (cubique à faces centrées), et ils sont quatre mille à se partager ce volume. Certes la maille élémentaire serait rhomboédrique et n'aurait qu'un atome en tout et un électron de conduction en tout, mais j'ai suivi l'habitude de prendre la maille cubique, qui reflète les plus grandes symétries, et contient 4 atomes.

Il n'y a rien en microphysique qui ressemble au temps macroscopique uniforme, universel, autosimilaire à toutes les échelles, que vous enseignez.
http://deonto-ethics.org/quantic/index.php?title=Microphysique_:_ondulatoire_ou_poltergeist_%3F
L'équation de Dirac pour l'électron, publiée en 1928, lui donne quatre composantes, deux orthochrones à énergie positive, deux rétrochrones à énergie négative et fréquence négative. Depuis 1928-1930, les caciques sont devant cela comme une poule qui aurait trouvé un couteau. La rétrosymétrie du temps pour chaque particule leur demeure étrangère. Allez faire un temps universel avec cela, bonjour les dégâts !

Plus nous avons progressé en physique, et plus nous avons été acculés à constater que l'enseignement mathématique reçu nous avait induit en erreurs, d'erreurs en erreurs. Il s'en faut de 40 ou 50 ans minimum, pour que nous puissions corriger ces dégâts : je ne verrai pas cela de mon vivant.

Dans son état hégémonique, enseigné partout, la quantique est un bordel innommable, impossible à enseigner avec un rendement pédagogique avouable, car elle se cramponne à des notions géométriques et physiques héritées des maths que vos prédécesseurs leur ont enseignées, et qui sont extrapolées totalement hors de leur domaine de validité. Ne serait ce que leur intuable notion de "corpuscule", juste corrigé par des lois statistiques magiques, et la magie de la "probabilité d'apparition du corpuscule". Le plus inexcusable des merdiers.

Aussi vos querelles de théologiens autour de ces abstractions sans validité nulle part, m'attristent profondément.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:20:06 pm
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Denis Chadebec a écrit :

Pour le fait parler de tangente comme position limite d'une suite de cordes [...] on donne d'abord du sens,
quitte à être approximatif, puis, une fois que les élèves ont une représentation assez solide, on donne
(éventuellement) une définition rigoureuse.

Cette approche de la dérivée est source de nombreuses demandes d'aide d'élèves en première.
L'approche classique - la position limite d'une sécante quand un des points de contact se rapproche de
l'autre - laisse perplexe une minorité conséquente de "décrocheurs". En effet, pour eux, trois faits les troublent.

1- Ils savent que par deux points passe une droite unique.
2- Ils savent aussi que par un point passent autant de droites qu'on veut, c'est-à-dire une infinité.
3- Le quotient zéro / zéro est défini comme solution de l'équation 0 x = 0 alors que l'ensemble de
ces solutions est R tout entier.

Certes, ils savent se servir du tableau des dérivées parce que l'analyse permet de démontrer
formules algébriques à l'appui que la limite de f(x + h) - f(x) divisé par h existe et est unique.

Mais ces élèves souffrent de la liaison psychologique entre ce fait et sa démonstration par des
formules précises au point qu'ils ont le réflexe "pas de formule donc pas de fonction donc pas de dérivée".

Or, historiquement parlant, les intellectuels du moyen-âge au XVIIe siècle ont commencé la conceptualisation
du calcul différentiel et intégral par les primitives et non par les dérivées. En effet, si on représente une fonction
f(x) non pas par une ordonnée en fonction d'une abscisse (Bradwardine, Oresme), mais par l'aire délimitée par
l'axe des abscisses, deux parallèles à l'axe des ordonnées (le repérage du plan étant bien entendu orthonormé)
et un segment de courbe, alors f(x) est de toute évidence dérivable, la dérivée étant une nouvelle fonction
représentée par l'ordonnée en fonction de l'abscisse en suivant la courbe.

J'insiste sur le "de toute évidence" : la figure permet le tracé de deux rectangles dont les aires encadrent celle de la variation de f(x) entre deux abscisses a et b distants de delta x :
min f '(x) * delta x < delta f < max f '(x) * delta x,
parce qu'on peut diviser une inégalité par un nombre strictement positif
min f '(x) <= delta f / delta x <= max f '(x),
et alors le passage à la limite donne
f '(x) <= limite de delta f / delta x <= f '(x),
donc
limite de delta f / delta x = f '(x).

L'essentiel est la conviction des élèves, même si la rigueur mathématique n'est pas entièrement respectée.
Ce que j'ai constaté en général est l'analogie dans bien des domaines scientifiques entre les recherches des
pionniers des sciences et les difficultés de compréhension des élèves d'où chez moi de nombreux changement
de processus pédagogiques tout au long de ma carrière.

En particulier, l'incertitude psychologique sur la dérivée des "décrocheurs" est levée. Ensuite, en soutien scolaire,
je n'ajoute jamais de nouveaux exercices à ceux donnés par leur professeur de leur lycée. Il est suffisant de les
laisser revenir spontanément sur ceux-là pour constater leur "guérison". Je le sais parce que les élèves ne me
demande plus de nouvelle aide sur le sujet.

L'autre information que les élèves m'ont apportée concerne le rôle que peut jouer l'équation de la tangente.
Un rôle psychologique et un rôle technique.

1- Le rôle psychologique. Là, la courbe de la nouvelle figure représente f(x) et non plus f '(x). On commence par
l'équation de la sécante démontrée par la géométrie basée sur les proportions de Thalès avec usage du tableau
de proportion entre h, f(x + h) - f(x), dx (aussi grand qu'on veut) et y - f(x) (en suivant la sécante) : cela donne une formule
y - f(x) = [f(x + h) - f(x) divisé par h] dx.
2- Après passage à la limite on obtient avec certitude psychologique une unique équation de droite
y - f(x) renommée df = f '(x) dx
donc une unique position limite, celle de la tangente. L'incertitude liée aux deux axiomes "par deux points passe une droite
unique" et " par un point passent autant de droites qu'on veut" est levée.

2- Le rôle technique : l'orientation de la tangente donne sans commentaire le sens local de variation de la fonction.
--
Denis Chadebec
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:20:36 pm
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Rudolf Bkouche a écrit :

La difficulté de la notion de tangente est mathématique et non pédagogique.
Peut-être faut-il donner quelques exemples, que ce soit la tangente au cercle ou la tangente en un point de la parabole d'équation y = x^2.

Quant à 0/0, c'est une forme indéterminée que l'on peut commencer à étudier à partir de quelques exemples,
par exemple la limite pour x tendant vers l'infini de (ax+b)/(cx+d). Une façon aussi de mettre l'accent sur la notion de limite et des difficultés qu'elle pose.

Il ne faut pas oublier que la plus belle découverte du calcul infinitésimal est la relation entre ces deux problèmes a priori sans relation :
calcul d'aires et calcul de tangentes. Peut-être est-ce un pont à mettre en évidence dans l'enseignement de l'analyse.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:21:29 pm
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Philippe Colliard a écrit :

Bonjour Jean-Luc,

  quelques notes rapides, si tu le veux bien :)
  ( ce ne seront que des notes rapides, pour cause d'emploi du temps...)

Citer
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Philippe Colliard a écrit :

"les points ne bougent pas, ils sont là où ils sont. Point ! :)

Ce qui "bouge", c'est la vision de l'observateur, qui utilise des
optiques de plus en plus précises (des microscopes qui grossissent de plus en plus).

Et c'est parce que ceci n'est à peu près jamais mis en avant que je
... M'énerve un peu contre l'interprétation habituelle :)"

Jean-Luc Giaco a répondu :

Je ne sais pas très bien ce qu'est "l'interprétation habituelle".
Pour ma part, je n'ai jamais parlé de points qui bougent, dans ce
contexte du moins. (Pour la tangente, c'est autre chose.)

  ... Mais quand tu écris, qq lignes plus bas, que les termes "se
rapprochent", que fais-tu ?
  Même si tu les fais bouger entre guillemets :)


Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Pour moi, il y a une ambiguïté, j'ai l'impression (à tort peut-être)
que tu associes énumération et mouvement. C'est peut-être là qu'est
le malentendu avec Rudolf. Si on peut remettre en question l'aspect
"mouvement" de la limite, en revanche, à mon avis, on ne peut pas gommer
l'idée d'énumération, intrinsèquement liée à celle de suite.

  Je ne crois pas associer (ou alors à un niveau subliminal)
énumération et mouvement, et je pense comme toi qu'il n'est pas bon de
gommer l'énumération.

  Il me semble simplement qu'une des 2 visions avait envahi l’espace …
Ca ne veut pas dire qu’il faut l’exterminer, juste la dégonfler !!!


Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

L'idée que les termes "se rapprochent" de la limite n'est pas une
invention arbitraire, elle est liée au fait que les termes d'une suite
sont donnés naturellement l'un après l'autre. On peut regarder "en
bloc" l'ensemble des valeurs prises, mais ça vient après, il me semble.

    Si les termes « se rapprochent » (forme  active) … Ils BOUGENT
:):):)

    Je préfère : plus l’indice est grand, plus le terme est proche de …
        Derrière tout ça, il y a cette idée que NOUS observons des
objets immobiles… Et que NOUS raisonnons sur ce que leur position nous
inspire  !

        Mais ça dépend des suites, tu as raison, et les 2 visions peuvent
cohabiter. A nous de choisir celle qui est le plus adaptée :
        dans un « dessin vivant » de personnes (dans un stade, une
patinoire, etc. ) chaque participant a un numéro, mais ce qui compte pour
le spectateur, c’est la forme obtenue ( l’effet …).

        Dans Kaprekar, c'est la construction... Mais j’ai du mal (et
j’ai tort)  à considérer une suite stationnaire comme une « vraie »
suite … Et ça vaut aussi pour le suites « périodiques » :)


Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Il existe des suites définies par récurrence pour lesquelles on ne sait
pas dire grand chose a priori de l'ensemble des valeurs prises, ou dont
l'aspect "construction pas à pas est" prépondérant. Par exemple,
l'algorithme de Kaprekar. L'aspect "cinématique" me paraît alors assez
naturel.

Citer
Philippe Colliard a écrit :

"Considérez un segment, [AB], et la suite de points déterminés par
milieux successifs : M1, milieu de [AB], M2, milieu de [MB], etc."

C'est un bon exemple. Effectivement, on n'est pas obligé de voir du
mouvement là-dedans. Pourtant, il y a bien une construction "pas à
pas", ou "par récurrence", et tu n'y échappes pas, quand tu emploies le mot
"successifs". Je construis donc cette suite de points successifs, et en la
construisant, je vois quoi ? Eh oui... les points sont de plus en plus près de B.

On peut décider d'arriver "après" que les points soient tous construits
et regarder la densité de lumière. Mais est-ce plus simple ou plus
naturel ? Je n'en suis pas sûr.

  Tu sais, je ne suis sûr de rien, pour les autres ! Nous avons
heureusement tous des façons différentes de nous approprier une
information. Je n'aime simplement pas qu'une vision étouffe les autres
sans raison autre que le conditionnement.


Citer
Citer
Philippe Colliard a écrit :

"Dès qu'on dispose d'une métrique, la limite d'une suite me paraît
visuellement simple : un point (ou un nombre...) est limite d'une suite
équivaut à : quelle que soit la boule centrée en ce point (nombre),
elle contient "presque" tous les éléments de la suite !"

Jean-Luc Giaco a écrit :

C'est une bonne définition, mais j'aurai quelques remarques.

1) Visuellement simple, c'est très subjectif. Je pourrais faire
l'hypothèse que c'est simple pour toi, parce que tu as bien assimilé l'idée.

Mais l'illustration du programme de TS, avec les tubes, et la phrase "à
partir d'un certain rang, tous les termes sont dans le tube", en quoi
est-elle visuellement moins simple  ?

  Elle n'est pas visuellement moins simple. Ce qui me retient, là, c'est
que la vision "boules" n'est pas plus complexe, et elle ne réduit pas à
la droite des réels ce qu'un humain peut aussi bien concevoir ds un espace
de dim 3.


Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

2) Si la suite est stationnaire, les valeurs prises sont en nombre fini.
Il va bien falloir que tu expliques que la limite ne compte pas pour une
seule valeur, parce qu'elle est répétée une infinité de fois. Et tu es
obligé de revenir aux indices et à l'énumération.

  Tu marques un point !  Je te l'ai dit, je "n'aime pas" les suites
stationnaires. Désolé pour elles :)


Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

3) La densité des valeurs prises ne s'adapte pas bien à la limite d'une fonction réelle.
C'est dans ce cas qu'on peut plus facilement parler d'interprétation cinématique.

Prenons les deux énoncés :
"f a pour limite b signifie : quand x devient infiniment proche de a,
f(x) devient infiniment proche de b."

"f a pour limite b signifie : f(x) peut être rendu arbitrairement proche
de b, à condition de prendre x suffisamment proche de a."

L'un est cinématique, l'autre est statique, mais à mon goût, les deux
sont aussi (ou aussi peu) valables. Et il me semble même qu'il y a une
idée de mouvement dans le deuxième (prendre x suffisamment proche de a,
c'est le rapprocher de a) et une idée de distance statique dans le premier
(x devient infiniment proche de a s'il entre dans n'importe quelle boule ouverte de centre a.)
Donc, pour moi... kif kif...

Oui, ces 2 formulations me paraissent kif-kif :)  Je ne les trouve en
réalité ni statiques ni cinématiques... Et ce qui me dérange ici, c'est
encore cette idée implicite que les "x" et les "f(x)" sont actifs.

Je continue donc à préférer :  Quelle que soit la boule centrée en b,
il existe une boule centrée en a dont l’image par f est contenue dans
cette boule.

Ça demande peut-être un effort de réflexion plus fort (je n'en sais
rien), mais ça remet les objets à leur place d'objet, les
observateurs-penseurs à leur place d'observateur-penseur - et ça aide à
prendre - à mon idée - de bonnes habitudes :)

Je ne crois pas qu'on doive craindre qu'une expression rigoureuse soit
nécessairement rébarbative pour les élèves... Tant qu'elle leur est
accessible :)

   
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Pour le fait parler de tangente comme position limite d'une suite de
cordes, c'est vrai que c'est un peu un abus de langage, mais c'est
exactement ce que propose Jean-Pierre (difficile d'être en désaccord) :
on donne d'abord du sens, quitte à être approximatif, puis, une fois
que les élèves ont une représentation assez solide, on donne
(éventuellement) une définition rigoureuse.

Reste qu'on pourrait très bien donner une définition rigoureuse de
limite d'une suite de droites, par exemple, Dn tend vers D si en
choisissant deux points A et B sur D, et r aussi petit qu'on veut, les
deux boules ouvertes (A;r) et (B;r) contiennent chacune un point de Dn pour n assez grand.

Ça doit marcher. Est-ce que c'est pédagogique, certainement non, mais c'est une autre histoire.

Aucune raison pour que ça ne marche pas... Mais ça reste une définition
par "proxy", exactement comme celle par les pentes : sauf que tu te sers
d'une suite de points au lieu d'une suite de nombres.

Et ça me paraît moins pédagogiquement justifiable que de passer par une
suite de pentes... Mais peut-être ai-je tort ?

Amicalement,
--
Philippe Colliard
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:22:10 pm
Citer
Citer
Jacques Lavau a écrit : (...)
Rudolf Bkouche a répondu :

Théologiens contre théologiens.

Il y a un rapport profond entre mathématiques et physique.
Il ne faut pas oublier que la géométrie est aussi une science physique et que
c'est cet aspect qui manque dans l'enseignement des mathématiques actuel.
Cela permettrait de comprendre le principe d'égalité par superposition et le rôle des cas d'égalité des triangles.

Quant à la mécanique quantique, elle mêle mathématiques et physique.
C'est le physicien Pauli qui expliquait, faisant référence à la théorie de la relativité et à la mécanique quantique :


Citer
"The concept of the state of motion of the « luminiferous aether »,
as the hypothetical medium was called earlier, had to be given up,
not only because it turned out be unobservable,
but because it became superfluous as an element of a mathematical formalism,
the group theorical properties of which would only be disturbed by it."   

"Again, these concepts (classical field, orbits of particles) are rejected,
not only because the orbits are unobservable,
but also because they became superfluous and would disturb the symmetry
inherent in the general transformation group underlying the mathematical formalism of the theory."

Et Heisenberg expliquait :

Citer
"L'idée que les mathématiques pouvaient en quelque sorte s'adapter à des objets de notre expérience me semblait remarquable et passionnante."

Quant à Newton, on peut gloser autour de la question : était-il mathématicien ou physicien ? Cette question n'a pas de sens.

Et lorsque Denis Chadebec nous rappelle que les mécaniciens médiévaux représentaient les distances par des aires, parle-t-il en physicien ou en mathématicien ?

Il est vrai que la lettre rappelle une rupture qui remonte à la réforme des mathématiques modernes, l'enseignement d'une mathématique dite pure qui a oublié ses liens avec la physique.
Peut-être faut-il regarder plus loin que les questions pédagogiques pour retrouver des rapports consistants entre l'enseignement des mathématiques et l'enseignement de la physique.

Il faut distinguer les querelles entre mathématiciens et physiciens, qui sont des querelles de théologiens,
et les liens entre sciences mathématiques et physique.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:23:06 pm
Citer
Philippe Colliard a écrit :

Bonjour Rudolf,

  peut-être est-ce le moment (pour moi !) de redire que, si la
construction axiomatique de "... Donc, d'après..." est dans l'esprit des
"maths modernes", j'ai tout de même passé le 80 premières pages du livre
(sur 300) à essayer de définir les éléments géométriques à partir de
notre univers physique :)

  Et non, ce n'est pas pour faire de la pub, mais bien pour abonder dans
ton sens - ça m'arrive :) - tout en pensant qu'on peut pédagogiquement
concilier les deux approches !

  Amicalement,
--
  Philippe Colliard
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:23:35 pm
Citer
Citer
Jacques Lavau a écrit (...)

Jean-Luc Giaco a écrit :

Oui, comme D. P., je pense que cette réaction fleure bon la provoc'.
Rien que la première phrase me fait sourire :

"Ce qu'il y a de terrible avec vous autres matheux, est que vous vous dispensez de préciser à vos élèves que le
monde que vous enseignez est un monde de pensée, totalement artificiel et déconnecté de la réalité physique."

Alors Galilée s'est trompé, le monde n'est pas écrit en langage mathématique,
et avec lui, Newton, Gauss, Maxwell, Poincaré, Einstein, Heisenberg & Co.

Il y a même des physiciens qui prétendent que l'Univers est un objet mathématique.
http://www.larecherche.fr/actualite/mathematiques/max-tegmark-essence-du-monde-est-mathematique-22-07-2014-178822

L'idée que "les matheux" seraient responsables des apories de la physique contemporaine m'apparaît
assez audacieuse. Comme si on pouvait, par ailleurs, tracer une frontière nette entre physique et maths.

Je laisse tomber la polémique, j'ai juste une petite question à notre ami physicien :
Qu'est-ce qu'il entend par "réalité physique" ?
J'avoue que cette expression n'a pas de sens pour moi, la réponse m'intéresse donc au plus haut point.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:24:08 pm
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Bonjour aussi Philippe...


Citer
Philippe Colliard a écrit :

... Mais quand tu écris, qq lignes plus bas, que les termes "se
rapprochent", que fais-tu ?
Même si tu les fais bouger entre guillemets :)

Touché. Tu as raison, la version "cinématique" sous-tend certainement ma compréhension de la chose.
Mais ce n'est pas un problème pour moi... avec ou sans Laziza...


Citer
Philippe Colliard a écrit :
"Si les termes « se rapprochent » (forme active) … Ils BOUGENT
:):):)"

Je comprends. Il y a peut-être une ambiguïté qu'il faudrait dissiper.
Pour moi, "ils se rapprochent" veut dire "ils sont de plus en plus proches", pas "ils se déplacent".

Au départ, j'ai tendance à penser que pour les élèves, c'est un peu pareil, mais par expérience,
je sais qu'on n'est jamais trop précis. Ça me rappelle une discussion, ici même, sur les abus de langage,
dans laquelle je défendais l'idée qu'on n'est jamais sûr qu'un abus de langage soit sans conséquence.
Donc, je te concède volontiers ce point.

J'élimine donc "quand n augmente, u_n se rapproche de a" au profit de "quand n augmente,
u_n est de plus en plus proche de a."


Citer
Philippe Colliard a écrit :
 "Elle n'est pas visuellement moins simple. Ce qui me retient, là, c'est
que la vision "boules" n'est pas plus complexe, et elle ne réduit pas à
la droite des réels ce qu'un humain peut aussi bien concevoir ds un espace
de dim 3."

Pour moi, le problème n'est pas de parler "boules" ou "tubes", dimension 1, 3 ou 20. C'est pareil.
Le problème est de considérer les termes de la suite l'un après l'autre, ou tous en même temps.
À mon sens, les deux notions doivent être assimilées toutes les deux, elles sont complémentaires.

À cet égard, je te propose l'exemple suivant. Je l'ai trouvé dans Dixmier. (Cours de mathématique du premier cycle.
Oui, j'aime beaucoup le Dixmier. Sa sobriété est aux antipodes du bavardage à la Arnaudiès.)

Il faut montrer que de toute suite réelle, on peut extraire une suite monotone.

Je pars donc d'une suite (u_n), et  je considère l'ensemble E des  u_n qui majorent tous leurs successeurs
(u_n>=u_p pour tout p >n.)

De deux choses l'une, soit E est fini, soit non.

Si E est fini, je prends les successeurs de son dernier terme. Aucun de ceux-ci ne majore tous ses successeurs.
Donc, pour chacun noté u_n, je trouve p>n tel que u_p>u_n. De façon récursive, je construis ainsi une suite croissante.

Si E est infini, je prends dans l'ordre tous les éléments de E, ils majorent tous leurs successeurs,
je construis ainsi une suite décroissante.


Ce qui est intéressant, c'est qu'ici, il y a les deux aspects. On considère les termes l'un après l'autre ou en bloc,
suivant l'endroit de la démonstration.


Citer
"Oui, ces 2 formulations me paraissent kif-kif :) Je ne les trouve en
réalité ni statiques ni cinématiques... Et ce qui me dérange ici, c'est
encore cette idée implicite que les "x" et les "f(x)" sont actifs."


Bon, là... J'ai quand même l'impression que c'est assez subjectif. Il faudrait faire un sondage: selon vous, est-ce-que les x sont actifs? :-)

Citer
"Je continue donc à préférer : Quelle que soit la boule centrée en b,
il existe une boule centrée en a dont l’image par f est contenue dans cette boule.
ça demande peut-être un effort de réflexion plus fort (je n'en sais rien),
mais ça remet les objets à leur place d'objet, les observateurs-penseurs à leur place
d'observateur-penseur - et ça aide à prendre - à mon idée - de bonnes habitudes :)

Je ne crois pas qu'on doive craindre qu'une expression rigoureuse soit
nécessairement rébarbative pour les élèves... Tant qu'elle leur est
accessible :)"

Sur le principe, je suis assez d'accord,
mais on ne peut pas nier non plus la nécessité d'observer une gradation dans la difficulté.

Ta formulation me paraît quand même assez abstraite pour des élèves de lycée.
Pour mes élèves actuels, elle serait tout simplement incompréhensible
(bon, cela dit, j'enseigne dans un lycée de 17e zone.)
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:24:35 pm
Citer
V. T. a écrit :

J’ai perdu un peu le fil de qui a dit quoi et il est possible que ce que j’écrive l’ai déjà été par d'autres …

Mais les formulations suivantes :

J'élimine donc "quand n augmente, u_n se rapproche de a" au profit de "quand n augmente,
u_n est de plus en plus proche de a."

ne me satisfont pas, quand je monte sur ma chaise, je suis de plus en plus proche du soleil,
ce qui ne signifie pas que je tende vers lui.

Il manque l’essentiel qui est « d’aussi près qu’on veut » !

De même je n’ai jamais compris pourquoi pour les élèves une asymptote ne devait jamais toucher la courbe,
ou alors la courbe de la fonction qui à x associe sin(x)/x ne posséderait pas d’asymptote au voisinage de plus l’infini ?

Désolé pour le bruit si propos non pertinents ;-)

V. T.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:25:07 pm
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Bonjour Denis Chadebec, j'ai deux petites remarques...

Citer
Denis Chadebec a écrit :

"Cette approche de la dérivée est source de nombreuses demandes d'aide d'élèves en première.
L'approche classique - la position limite d'une sécante quand un des points de contact se rapproche
de l'autre - laisse perplexe une minorité conséquente de "décrocheurs".
En effet, pour eux, trois faits les troublent.

1- Ils savent que par deux points passe une droite unique.
2- Ils savent aussi que par un point passent autant de droites qu'on veut, c'est-à-dire une infinité.
3- Le quotient zéro / zéro est défini comme solution de l'équation 0 x = 0 alors que l'ensemble
de ces solutions est R tout entier."

Il faut être clair. Ils sont perplexes parce que c'est une vraie difficulté.
Il est tout à fait normal qu'ils pédalent un peu dans la semoule à ce moment.

La question, pour moi, est plutôt la suivante :
y a-t-il une explication qui permette de déjouer à moindre coût cette difficulté conceptuelle ?

À ce sujet, tout le monde n'est pas du même avis.

Pour moi, je pense qu'il n'y a pas de passage secret ni de baguette magique.
L'idée de limite, et les infiniment grands ou petits forment un problème irréductible.
On peut cacher les difficultés conceptuelles sous le tapis, mais elles ressurgiront plus tard.

C'est pourquoi je ne suis pas d'accord, par exemple, avec J. P. G.,
à propos des nombres hyperréels et de l'analyse non standard.
Les énoncés et les démonstrations semblent plus simples, mais cette simplicité, selon moi, est trompeuse.

Ce n'est pas seulement que la construction rigoureuse soit assez technique, on peut la remettre à plus tard,
comme pour beaucoup de notions vues au lycée. C'est que les objets qu'on manipule (infinitésimaux, etc.)
ne me semblent pas si intuitifs que ça...
Mais bien sûr, ce n'est que mon avis...


Citer
" En effet, si on représente une fonction f(x) non pas par une ordonnée en fonction d'une
abscisse (Bradwardine, Oresme), mais par l'aire délimitée par l'axe des abscisses, deux parallèles à l'axe des
ordonnées (le repérage du plan étant bien entendu orthonormé) et un segment de courbe, alors f(x) est de
toute évidence dérivable, la dérivée étant une nouvelle fonction représentée par l'ordonnée en fonction de
l'abscisse en suivant la courbe. J'insiste sur le "de toute évidence" ..."

L'évidence, en maths... c'est rare :)

Le problème de ta construction, c'est "le segment de courbe". Comment définis-tu une courbe?
Je pense que la fonction dérivée que tu essaies d'attraper comme résultat se cache en fait au
début de ta construction... car c'est elle qui te permet de définir la courbe en question.
D'ailleurs tu parles de f'(x) avant de l'avoir définie, dans ton histoire de rectangles.

En outre, tu oublies que ton segment de courbe doit correspondre au graphe d'une fonction
(pas de points différents ayant la même abscisse.) Sinon, il y a un problème avec les rectangles.

Par ailleurs, il faudrait pouvoir définir l'aire sous la courbe. Ça, c'est en général pénible.

Le problème n'est pas que théorique. Parce qu'il y a des courbes qui ne délimitent pas une région
pour laquelle on puisse facilement définir une aire. Toutes les courbes fractales, violemment discontinues.
Dans ce cas, tes deux rectangles restent de hauteur différente, même si la base tend vers 0.
Autrement dit, ton min f'(x) et max  f'(x) n'ont pas de raison d'avoir la même limite.

Bref... je pense que ça peut éclairer en chemin, mais ça ne résout pas toutes les difficultés.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:27:06 pm
Citer
Jaques Lavau a écrit :

Citer
Citer
Jacques Lavau a écrit : (...)
Rudolf Bkouche a répondu :

Théologiens contre théologiens.
Et Heisenberg expliquait :

--
Rudolf Bkouche
Wernher Heisenberg, par sa falsification des propriétés de la transformation de Fourier, et par sa falsification de l'histoire, est l'auteur principal de l'inavouable merdier actuellement enseigné (avec un rendement inavouable) par les héritiers de sa clique Göttingen-København.

On peut le faire passer pour une référence auprès des ignares, certes. Mais pas à mes yeux.
La physique, je ne me contente pas de la répéter, je sais la faire.

Références :
http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,1285.0.html
http://citoyens.deontolog.org/index.php/topic,1141.0.html
 http://deonto-ethics.org/resources/physique/Unorthodoxy.odt
etc. Notamment http://deonto-ethics.org/quantic/index.php?title=Microphysique_:_ondulatoire_ou_poltergeist_%3F
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:27:38 pm
Citer
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

L'évidence, en maths... c'est rare
Denis Chadebec a répondu :

En effet ! Mais ici, je désigne par le mot "évidence" le sentiment chez les élèves que le fait
que je viens de leur énoncer "va de soi" suite à le lecture de la figure et non un fait
mathématique rigoureux qu'on devine sans avoir à le démontrer.

Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Comment définis-tu une courbe ?
Comme une ligne tracée sans lever le crayon ! N'oublies pas que je suis physicien !
La seule précaution à prendre, c'est que la ligne tracée ne rebrousse pas chemin en abscisse !

Citer
fonction dérivée que tu essaies d'attraper comme résultat
Que nenni ! Il s'agit simplement de la position classique d'un problème de géométrie :
"soit la représentation graphique d'une fonction f(x) (c'est-à-dire tracée sans lever le crayon)
par l'aire sous la représentation graphique d'une autre fonction f '(x) continue.

Tracer deux parallèles à l'axe des ordonnées distantes en abscisses d'une longueur h.
Que pouvons dire de la limite (si elle existe) du quotient f(x + h) - f(x) / h quand h tend vers zéro ?".
Cette réponse concerne aussi ta remarque :

Citer
Tu parles de f '(x) avant de l'avoir définie, dans ton histoire de rectangles.

Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Il faudrait pouvoir définir l'aire sous la courbe. Ça, c'est en général pénible

Encore une fois, je démarre comme un physicien : la figure montre des surfaces. Alors, en revenant aux Grecs antiques :
- l'aire d'un rectangle est la multiplication de la longueur par la largeur,
- l'aire d'une réunion de deux surfaces est la somme de leurs aires,
- si une surface (A) est incluse dans une autre (B), alors l'aire de (A) est plus petite que celle de (B).
- On pourrait ajouter aussi ceci : si une suite de surfaces a comme limite une surface (S) alors la suite des aires correspondantes tend vers celle de (S).
C'est simple, mathématiquement correct et intuitif, et ça suffit en lycée.


Citer
Le problème n'est pas que théorique. Parce qu'il y a des courbes qui ne délimitent pas une région pour laquelle on puisse facilement définir une aire.
Toutes les courbes fractales, violemment discontinues. Dans ce cas, tes deux rectangles restent de hauteur différente, même si la base tend vers 0.
Autrement dit, ton min f'(x) et max  f'(x) n'ont pas de raison d'avoir la même limite.

Dans la position du problème, je parles d'une fonction f '(x) CONTINUE !!!

Conclusion : ça peut bien plus qu'éclairer en chemin !
--
Denis Chadebec
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:28:10 pm
Citer
Rudolf Bkouche a écrit :

Tout à fait d'accord.
Si on n'accepte pas la notion intuitive d'aire, on ne va pas loin.
Et on ne comprend pas le rapport entre la notion d'aire chez Euclide
et la théorie de la mesure de Lebesgue.

une remarque : lorsque Denis dit qu'il démarre comme un physicien,
il oublie qu'un mathématicien démarre de la même façon.
Qu'est-ce que la continuité ? Si on n'a pas une notion intuitive de la continuité,
on ne comprend rien au discours de Weïerstrass.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 01:28:44 pm
Citer
Citer
De même je n’ai jamais compris pourquoi
pour les élèves une asymptote ne devait jamais toucher la courbe,
ou alors la courbe de la fonction qui à x associe sin(x)/x ne posséderait
pas d’asymptote au voisinage de plus l’infini ?

V. D. a répondu :

On touche là à l’intuition.
C’est apparemment plus facile pour un néophyte de « concevoir »
une droite dont la courbe se rapproche sans la toucher
que de concevoir une droite vérifiant y-f(x) tend vers 0 au voisinage de +?

de plus l’étymologie est trompeuse comme pour beaucoup d’autres mots
mathématiques (et à quand un remplacement du mot « direction » d’un
vecteur pour un truc plus clair style « inclinaison » ?
--
V. D.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 09:14:49 pm
Citer
Citer
Denis Chadebec a écrit :

"L'évidence, en maths... c'est rare" : en effet ! Mais ici, je désigne par le mot "évidence"
le sentiment chez les élèves que le fait que je viens de leur énoncer "va de soi" suite à la
lecture de la figure et non un fait mathématique rigoureux qu'on devine sans avoir à le
démontrer.

Oui. Ok. Je comprends mieux.
Le doute est aussi nécessaire en science, mais tu as raison,
on peut le mettre de côté dans un premier temps.

Toutefois, même au lycée, il faut un peu de rigueur.
Ce n'est pas une simple fantaisie, une coquetterie d'esthète.
C'est le seul moyen d'éviter d'écrire trop de c...ries.


Citer
"...fonction dérivée que tu essaies d'attraper comme résultat" : Que nenni !
Il s'agit simplement de la position classique d'un problème de géométrie : "soit la représentation
graphique d'une fonction f(x) (c'est-à-dire tracée sans lever le crayon) par l'aire sous la
représentation graphique d'une autre fonction f '(x) continue.

Tracer deux parallèles à l'axe des ordonnées distantes en abscisses d'une longueur h.
Que pouvons dire de la limite (si elle existe) du quotient f(x + h) - f(x) / h quand h tend
vers zéro ?". Cette réponse concerne aussi ta remarque : "Tu parles de f '(x) avant de
l'avoir définie, dans ton histoire de rectangles".

D'accord, je crois que je commence à comprendre.
Tu donnes d'emblée deux fonctions, f et f',
le lien entre les deux étant de nature géométrique (surface-courbe),
et tu en déduis que les valeurs de l'une sont obtenues comme limite du taux de variation de l'autre.

En réalité, si je suis bien, ça revient à définir d'abord l'intégrale, puis en déduire la dérivée.
Ça me paraît tordu, mais c'est peut-être que j'ai toujours vu, dans tous mes cours de maths,
les deux notions étudiées dans l'ordre contraire.

Évidemment, il faudra bien qu'un jour tu fasses le lien avec la tangente, et là,
les problèmes qui embarrassent tes élèves
(droite définie par un seul point, indétermination 0/0, etc.) vont se reposer de la même façon.


Citer
Conclusion : ça peut bien plus qu'éclairer en chemin !

Ainsi soit-il ! Mais les calculs de limite, il va falloir te les farcir quand même :)
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 09:17:39 pm
Citer
Citer
Rudolf Bkouche a écrit :

une remarque : lorsque Denis dit qu'il démarre comme un physicien, il oublie qu'un mathématicien démarre de la même façon.
Qu'est-ce que la continuité ? Si on n'a pas une notion intuitive de la continuité, on ne comprend rien au discours de Weïerstrass.

Tout à fait d'accord. Et je ne demande certainement pas de rejeter l'intuition. Ce serait absurde. Au début, on n'a que ça.

Mais il ne faut pas non plus laisser passer des idées fausses sous prétexte d'être simple et intuitif.
Quand j'entends qu'une fonction est continue si on peut tracer la courbe sans lever le crayon... désolé, mais ça me met de mauvaise humeur.
L'intuition doit s'exercer sur des objets idéaux, pas des représentations.

J-Luc.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 02 novembre 2014, 09:23:08 pm
Citer
Rudolf Bkouche a écrit :

L'intuition s'exerce sur les objets que l'on rencontre, quels qu'ils soient.
On peut se tromper et cela arrive souvent, mais l'intuition est un point de départ.
Mais c'est aussi un point d'arrivée dans la mesure où le détour rationnel conduit à de nouvelles formes d'intuition.

La question est de travailler à la fois avec l'intuition et avec la logique.
Je renvoie à la phrase de Hilbert que j'ai citée dans un mail précédent. Et Klein écrivait :


Citer
"Il ne faut pas toutefois se départir de cette pres­cription qu'une question
ma­théma­tique ne doit pas être consi­dérée comme complètement épuisée alors qu'elle n'est
pas en­core devenue intuitivement évidente ; découvrir au moyen de l'Analyse, c'est bien faire
un pas très important, mais ce n'est faire que le premier pas."

C'est quand cela devient intuitivement évident qu'on peut dire qu'in a compris.
Quant à savoir ce qu'est un objet idéal, je pense que c'est bien plus difficile qu'on le dit.

Dire qu'on travaille sur des objets idéaux est bien vague. Par contre on construit des objets idéaux,
mais c'est le raisonnement qui conduit à construire des objets idéaux.

C'est bien parce que les élèves qui apprennent la géométrie travaillent sur des triangles dessinés,
raisonnent sur ces triangles dessinés, qu'ils arrivent à la notion de triangle idéal.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 06:03:19 am
Citer
Jean-Luc Giaco a répondu :

Très intéressant.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour le début de votre texte.
En particulier "La question est de travailler à la fois avec l'intuition
et avec la logique." Oui, bien sûr. Et toute la difficulté est de tenir
les deux bouts.

Quand à la citation de Klein, je suis (avec tout le respect que je
lui dois) de son avis, si ce n'est que certaines questions ne seront
effectivement jamais épuisées en ce sens.

Par exemple, les propriétés de R, l'équipotence avec un segment,
le fait que Q soit de mesure nulle, les ensembles non mesurables,
les fonctions continues dérivables nulle part, etc...

Je peux comprendre la démonstration, mais ce ne sera jamais
"intuitivement clair" pour moi.

J'admets que savoir ce qu'est un objet idéal est difficile.
J'aurais bien une définition : un objet qui n'existe que dans ma
tête, mais je reconnais qu'elle est quelque peu grossière.
En revanche, il est assez facile de savoir ce que n'est PAS un
objet idéal. Pour moi, un dessin n'en est pas un, clairement.

C'est le raisonnement qui permet de construire des objets idéaux.
Souvent, d'accord. Je pense toutefois que certains objets idéaux
sont créés directement par l'intuition. L'espace, le temps, les
nombres entiers... On peut les définir de façon formelle,
mais ça n'ajoute rien à l'idée que nous en avons (désolé pour ce
vocabulaire un peu vague).

Par contre, pour une fois, je suis en complet désaccord avec vous
quand vous dites : "C'est bien parce que les élèves qui apprennent
la géométrie travaillent sur des triangles dessinés, raisonnent sur
ces triangles dessinés, qu'ils arrivent à la notion de triangle idéal."

Non seulement je pense qu'on ne raisonne pas sur les triangles
dessinés, mais que raisonner sur le dessin est un obstacle.
Il est évident que "sur le dessin", deux droites ne sont jamais
parallèles, elles ne sont d'ailleurs pas droites, les traits ont une
certaine épaisseur, ils sont bornés, etc. Le dessin est un support,
mais rien que cela, et c'est la faculté de s'en distancer qui
permet réellement de parvenir à l'objet idéal que nous
cherchons à construire.

Vous avez dit vous-même (à très juste titre) qu'on ne peut pas
étudier d'emblée le réel, parce qu'il est beaucoup trop compliqué,
et qu'il faut commencer par en faire des modèles simplifiés,
qu'on pourra enrichir au fur et à mesure, chaque pas en
direction du réel se traduisant par une difficulté supplémentaire.

C'est exactement ce que je pense pour le triangle.
L'élève travaille peut-être sur le triangle dessiné,
mais il raisonne sur le triangle idéal, parce que celui-ci
est suffisamment simple pour qu'il puisse en dire quelque chose.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 06:09:44 am

Citer
Philippe Colliard a écrit :

Bonsoir Jean-Luc (et re-bonsoir Rudolf),


Citer
Non seulement je pense qu'on ne raisonne pas sur les triangles dessinés,
... ... ...
L'élève travaille peut-être sur le triangle dessiné,
mais il raisonne sur le triangle idéal,
parce que celui-ci est suffisamment
simple pour qu'il puisse en dire quelque chose.

Juste pour dire que je pense partager ta conception de l'enseignement de la géométrie :)

(un a parte : je n'ai pas voulu continuer la discussion sur les limites,
pour des raisons de temps. Mais j'ai beaucoup apprécié ta participation
:) ... Et il me semble que notre enseignement s'est fortement
"superficialisé" en 40 ans. Tu n'y peux rien !)

Très cordialement,
--
Philippe Colliard
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 06:22:06 am
Citer
Rudolf Bkouche a écrit :

Je sais que les didacticiens dans les années quatre-vingt posait la question
du rôle de la figure dans la démonstration géométrique. C'était intéressant,
car on pourrait ajouter le rôle du mouvement dans l'étude de la mécanique
et encore plus difficile le rôle de la chaleur dans l'étude de la thermodynamique.

On peut continuer. Dire que le dessin est un support est une invention
remarquable, cela permet de ne pas comprendre ce que l'on fait.

Raisonner permet de se débarrasser du dessin, mais pour se débarrasser
de quelque chose il faut commencer par l'avoir. Il est vrai que l'on aime
opposer la connaissance empirique et la connaissance rationnelle,
cela fait bien, même si on sait que l'on travaille toujours au carrefour,
que l'on soit élève ou mathématicien.

Quant à ce que vous appeler "la faculté de se distancer",
c'est quelque chose qui s'apprend et c'est comme cela que l'on arrive à
penser des objets idéaux. Si on ne passe pas par le dessin, on ne peut
connaître les objets idéaux.

On ne connaît pas le réel, on en construit des représentations plus ou
moins fines, et c'est le rôle de la science d'en construire des représentations.

Il ne s'agit pas de modèles simplifiés, il s'agit de préciser à chaque fois
les connaissances en jeu, connaissances que l'on affine au fur et à mesure.

Ce qu'il y a au bout, on ne le sait pas. Lagrange pensait à la fin du XVIIIème
siècle que l'on savait tout sur les mathématiques et à la fin du XIXème siècle,
un physicien expliquait qu'il ne restait en physique que deux petits problèmes,
l'avance du périhélie de Mercure et le rayonnement du corps noir.

Ces deux petits problèmes ont transformé la physique du XXème siècle.
Mais malgré cela, pour étudier un système mécanique on utilise
toujours la mécanique rationnelle de Newton et Lagrange.

Un élève qui apprend la géométrie raisonne sur les figures et le rôle de
l'enseignement c'est de l'amener à dépasser la figure ;
c'est ce dépassement qui permet d'appréhender la notion d'objet idéal.
Avant ce travail, la notion d'objet idéal ne représente rien pour l'élève.

C'est justement parce qu'il raisonne qu'il peut appréhender la notion
d'objet idéal. Et puis on sait qu'un objet idéal se transforme au fur et
à mesure que s'étendent les connaissances.

Qu'est-ce que cela veut dire que l'espace ou le temps sont des objets idéaux ?

rudolf
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 12:53:44 pm
Citer
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

En réalité, si je suis bien, ça revient à définir d'abord l'intégrale,
puis en déduire la dérivée. Ça me paraît tordu, mais c'est peut-
être que j'ai toujours vu, dans tous mes cours de maths, les deux
notions étudiées dans l'ordre contraire
Denis Chadebec a répondu :

Bien venu au club ! Il m'a fallu des années scolaires
avant que je commence à comprendre où se situait le blocage
psychologique de cette importante minorité d'élève.

C'est en fait suite à un séminaire sur l'histoire de la physique sous
la conduite de Bernard Pourprix (académie de Lille), aujourd'hui
en retraite que j'avais commencé à étendre aux mathématiques
cette investigation.

En effet, si les antiques n'avaient pas pu prolonger leur intuition
géométrique sur le mouvement au-delà des cas idéalisés de la
vitesse constante (distance = v t), les médiévaux, au moins à
partir du XIIIe siècle, ont considéré v t comme une aire de
surface d'où l'idée de représenter une longueur par une aire.

Nous sommes bien dans un contexte de conceptualisation de la
primitive qui a précédé celui de la dérivée. Mais comme tous les
adolescents préparant le baccalauréat, j'au eu droit à devoir
"avaler" l'intuition de la tangente donnant la dérivée.

Ma gêne n'était pas là, fort heureusement, mais un peu plus loin
quand on nous refusait la démonstration du théorème des
accroissements finis.

Les démonstrations du tableau des dérivées des fonctions
canoniques du programme avec passage à la limite sont quand-
même facilitées par cette certitude psychologique de l'existence
des dérivées initiées sans usage préalable de formule d'analyse.

Après tout, ce ne sont que des cas particuliers qui ont l'avantage
d'être calculables. Mieux : c'est une opportunité de gain de temps
de cours.

Une fois compris trois exemples (x², a x + b et 1 / x par exemple)
les élèves acceptent l'énoncé des autres cas sans démonstration.

Par contre, les généralités comme u v, u^n, ou u / v doivent être
détaillées.

Venons-en au lien entre dérivée et tangente. En soutien scolaire
(pas en classe, faute de temps et en raison d'une bonne entente
avec mes collègues de mathématiques), je m'y prend ainsi.

Après l'établissement psychologiquement solide que les fonctions
dérivables existent, je reprend la démonstration de l'équation
d'une droite connaissant les coordonnées de deux de ses points.

Non pas la méthode consistant à la recherche des coefficients a et
b de la forme canonique "collégienne" y = a x + b, mais à partir
d'une combinaison logique du principe géométrique de Thalès et
des coordonnées des flèches (le vecteur, on verra éventuellement
plus tard).

Cela donne
y - f(a) = [f(b) - f(a) divisé par b - a] (x - a), ce qui apporte
l'avantage psychologique de la simplicité apportée par l'usage des
tableaux de proportion, et celui d'inclure naturellement  le cas
limite du parallélisme avec l'axe des ordonnées.

Ce travail de retour sur un prérequis est fait totalement
indépendamment du contexte d'utilisation qui suit.

Mais dans le cas d'application à la sécante, il faut prendre soin du
lettrage car il faut rappeler aux élèves que cette équation suit la
sécante et non la courbe.

Il faut donc renommer les différences et écrire
y - f(a) = DELTA y , f(b) - f(a) = delta f , delta x = b - a et x - a = dx , donc
DELTA y = [delta f / delta x] dx,
le dx étant aussi grand qu'on veut.

Ensuite on passe à la limite à partir de l'hypothèse que f est
dérivable en x = a, ce qui donne directement
DELTA y devenant dy = f '(x) dx.

Géométriquement et en pensée (je déteste me servir de
géométrie dynamique à ce moment-là, car trop de temps est
passé pour parler du rôle du logiciel, ce qui "casse" la chaîne
d'efforts réussis d'assimilation de la logique de ce très important
sujet de cours) je demande aux élèves d'imaginer ce qui se
passerait si le delta x tend vers zéro.

C'est là encore que se manifeste la libération psychologique de
l'investigation théorique de ces élèves en leur demandant de
mettre en œuvre leur logique et leur pensée personnelle (au lieu
de leur demander d'entrer dans la logique d'une autre personne,
fut-elle leur professeur ou une célébrité des mathématiques)
parce qu'aucun "décrocheur" ne s'est trompé en donnant la
réponse : pour eux, la conviction que la sécante atteint une
position limite nommée tangente en x = a, est ferme.

Toutes les difficultés avec les tableaux de variation sont alors éliminées.
Autre avantage : la facilité pour démontrer la dérivée d'une fonction de fonction.
--
Denis Chadebec
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 03:54:51 pm
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

D'abord : tout le plaisir était pour moi. Et ensuite : oui,
l'enseignement s'est superficialisé. En réalité, ce qui me frappe,
c'est qu'on qu'on a beaucoup abandonné, mais on n'a pas gagné
grand chose.

Les mathématiques enseignées sont bien moins rigoureuses,
mais à mon sens, elles ne sont pas plus intuitives. Et ça, c'est
quand même un échec.

Pour moi, je n'aurais pas de gros problème de conscience à
traiter des problèmes de robinets qui fuient ou de trains qui
se croisent, comme au certif' d'antan. C'est concret et intuitif.

Mais j'emploie un langage bien technique et ampoulé (continuité,
convexité, variable aléatoire à densité) pour ne pas dire grand
chose d'intéressant au final. Comme dit Pascal (Blaise), c'est dire
de petites choses avec de grands mots.

La palme revenant au théorème de Moivre-Laplace.

Beaucoup de bruit pour rien...
À bientôt.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 04:06:23 pm
Citer
Citer
Rudolf Bkouche a écrit :

"Raisonner permet de se débarrasser du dessin, mais pour se débarrasser de quelque chose il faut commencer par l'avoir."

Jean-Luc Giaco a répondu :

Notez que je n'ai pas dit le contraire.


Citer
" Il est vrai que l'on aime opposer la
connaissance empirique et la connaissance rationnelle,
cela fait bien, même si on sait que l'on travaille toujours
au carrefour, que l'on soit élève ou mathématicien."

Rudolf, vous me faites un mauvais procès...
Je n'ai jamais opposé les deux. Et je vais vous taquiner.
Vous me demandez ce que c'est qu'un objet idéal, je vous
demanderai votre définition de la connaissance empirique
et de la connaissance rationnelle. Et la différence entre les deux.
Pas si simple non plus, reconnaissez-le...


Citer
" Quant à ce que vous appelez "la faculté
de se distancer", c'est quelque chose qui s'apprend et c'est
comme cela que l'on arrive à penser des objets idéaux.
Si on ne passe pas par le dessin, on ne peut connaître les
objets idéaux."

C'est très juste. Ça n'empêche pas que l'élève
étudie les propriétés du triangle "idéal" (pardonnez moi,
je ne sais pas comment le dire autrement), pas du dessin
du triangle. Il le fait très progressivement, bien sûr.

Platon expliquait déjà, je crois, qu'on passe progressivement de la représentation des idées aux idées elles-mêmes.


Citer
"Qu'est-ce que cela veut dire que l'espace ou le temps sont des objets idéaux ?"

Je suppose que ça signifie qu'il sont des production
de ma pensée, qu'ils ne proviennent pas directement des sens.

Mais je peux vous poser la même question, puisque vous
employez aussi ce mot. Je suis prêt à adopter votre définition.

Ce que je veux dire surtout, c'est que l'espace et le temps ne
sont pas des objets créés par le raisonnement. Ils préexistent
au raisonnement logique.

Ce sont des données immédiates de la conscience.
Il faut aller voir Kant, je sais qu'il a bien expliqué ces choses-là,
bien mieux que je ne pourrais le faire, évidemment.

Il en va autrement, je pense, de l'énergie, de la masse,
du principe d'inertie... ou des nombres réels.
Objets dont le caractère "construit" me paraît manifeste.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 04:13:07 pm
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Juste deux petits trucs (j'ai tout lu avec attention)...


Citer
Denis Chadebec a écrit :

"Ensuite on passe à la limite à partir de l'hypothèse que f est
dérivable en x = a, ce qui donne directement
DELTA y devenant dy = f '(x) dx."

Là, je n'ai pas bien compris où est le passage
à la limite, limite de quoi et en quoi ?


Citer
"Géométriquement et en pensée (...)
je demande aux élèves d'imaginer ce qui se passerait si
le delta x tend vers zéro."

J'ai l'impression que tu cherches la limite de
[f(b)-(f(a)]/[b-a] quand b - a tend vers 0.
Est-ce que je me trompe ?

Mais si c'est le cas, quelle est la différence avec l'exposé
habituel de première ?

Si ce n'est que d'habitude, on précise bien qu'une des valeurs
(a, par exemple) est fixée.

Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 09:21:48 pm
oui, c'est exactement ça.

Citer
Mais si c'est le cas, quelle est la différence avec l'exposé habituel de première ?

Aucune. C'est une conséquence de ma manie de tout expliquer,
même à un collègue qui le sait et le pratique depuis longtemps :
c'est à en devenir impoli, et je t'en présente mes excuses.

Par contre, je ne sais pas si tu fais l'équation de la tangente avant les tableau de variation comme moi.
L'idée est de pouvoir me servir le plus tôt possible de l'écriture différentielle en mécanique.
--
Denis Chadebec[/quote]
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 03 novembre 2014, 09:26:43 pm
Citer
je ne vous fait aucun procès, j'essaie de m'expliquer.
Le connaissance empirique c'est celle que l'on acquiert par les sens ou plus généralement par l'expérience,
au sens le plus flou du terme. Si elle est un point de départ, elle est insuffisante, elle ne donne aucune explication.

La connaissance rationnelle se construit via le raisonnement, mais pour raisonner,
il faut d'abord raisonner sur quelque chose. C'est justement parce que l'on raisonne que l'on dépasse la
connaissance empirique et que l'on construit ces objets idéaux qui vont constituer la connaissance rationnelle
et en particulier la connaissance scientifique. Et cela ne concerne pas seulement les mathématiques.

Dans les sciences naturelles, vous passez de l'objet empirique, par exemple un chien, à l'objet idéal "chien"
qui se cnstruit par ce qu'on reconnaît des caractères communs à certains animaux, les chiens.

C'est cela qui permet les classifications telles celle de Linné avec ses embranchements, ses ordres, ses genres.
La question difficile est celle de la liaison entre la connaissance empirique et la connaissance rationnelle,
difficulté principale de l'enseignement scientifique.

Autre question difficile, où se situe la frontière entre la connaissance empirique et la connaissance rationnelle,
question importante à laquelle on ne peut donner de réponse précise. Toute connaissance empritique suppose
des connaissances déjà acquises ce qui fait qu'elle n'est jamais purement empirique.
Mais il faut s'habituer ici à cela. Difficile de fixer une frontière.

L'élève étudie les propriétés du triangle et c'est parce qu'il les étudie qu'il peut appréhender le triangle idéal.
C'est dans un second temps qu'on peut parler d'objet idéal, et c'est le rôle de l'enseignement que d'amener
l'élève à penser les objets idéaux, de l'amener aussi à comprendre purquoi et comment ces objets idéaux
se transforment au fur et à mesure que ces connaissances augmentent. Je ne sais ce que cela veut dire que
l'on passe progressivement de la représentations des idées aux idées elles-mêmes.

En fait on  passe, d'une façon complexe, des choses perçues aux idées de ces choses.
A quel moment on passe de la chose perçue à l'idée, je ne sais si on peut répondre à cette question.
On peut parler du processus d'abstraction, même si cela n'explique pas grand chose.
Je vous envoie dans un courrier privé un texte sur l'abstraction, texte qui est à compléter.

L'espace et le temps sont des objets idéaux. Cela demande à être préciser.
Dire que ce sont des productions de la pensée reste vague si on ne précise pas comment la pensée a pu les produire.
L'espace est une construction complexe, née au XVIIème siècle. il n'y a pas d'espace dans la géométrie grecque.
Je vous renvoie à Euclide. Pour les Grecs il y a des lieux mais l'espace, en tant qu'il permet de coordonner ces
différents lieux n'est pas défini. L'espace s'est construit à partir de deux problématiques, d'une part la
représentation perspectiviste car il fallait coordonner différents lieux pour les représenter sur un tableau,
d'autre part l'étude du mouvement pour la même raison. Une première définition est donnée par Pascal dans un
projet d'ouvrage de géométrie ; une seconde définition est donnée dans les Principia de Newton.

Quant au temps, il faut distinguer le devenir qui correspond à la succession des instants et qui relève plus du
senti même si on trouve des formes de théorisation, par exemple chez Aristote, et le temps de la mécanique
qui est une idéalité mathématique, laquelle a permis le développement de la mécanique rationnelle.

C'est ce temps qui est défini dans les Principia. Ainsi espace et temps sont des idéalités mais ces idéalités sont
nées de questions sur le monde.

Qu'est-ce que cela veut dire que ces idéalités (l'espace et le temps) préexistent au raisonnement logique.
Ces idéalités, comme toute idéalité, sont des constructions de l'esprit humain et ces constructions s'appuient
sur le raisonnement. Qu'est-ce que cela veut dire que l'espace et le temps sont des données immédiates de
la conscience. L'histoire des sciences montrent que ces objets ont été construits, qu'ils sont datés.

Si on dit que ce sont des données immédiates de la conscience, il faudrait alors expliquer comment des
données immédiates sont apparus à un moment donné. Si le XVIIème siècle est marqué par ce qu'on appelle
la Révolution Scientifique, il ne correspond pas à une révolution anthropologique, Galilée, Descartes et Newton
ne sont pas des mutants. Kant a cherché à répondre à Hume et pour cela il a inventé les formes a priori de
l'intuition, mais qu'est-ce que cela signifie ? En fait il a ouvert un débat, mais ce débat est loin d'être refermé,
même si aujourd'hui certains cognitivistes aimeraient scientifiser le travail de Kant.

En fait on se méfie de l'empirisme. Il est vrai que l'empirisme a un point aveugle :
comment les sensations donnent-elles naissances à des idées ? Kant pense avoir apporté une réponse,
c'est tout ce que l'on peut dire. Peut-être faut-il aller regarder du côté de Leibniz, et plus tard du côté de Riemann.

Je résumerai tout cela en disant que tout objet scientifique est construit, que ce soit l'espace, le temps ou
l'énergie, mais une construction se fait à,partir de questions que l'on se pose. Il faut alors regarder du côté
de ces questions. Et on tombe sur la difficile question des rapports entre la connaissance empirique et la
connaissance rationnelle. Il faut se méfier des solutions toutes prêtes, que ce soit les Idées de Platon et les
formes a priori de l'intuition de Kant. SI ces solutions peuvent contribuer à éclairer, elles ne sont que partielles.

Ici on peut lire le point de vue d'Aristote, disciple dissident de Platon qui s'appuie sur la connaissance empirique
pour construire la connaissance rationnelle.

Bien cordialement,
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 04 novembre 2014, 05:52:00 pm
Citer
Citer
Jean-Luc Giaco a écrit :

Quand j'entends qu'une fonction est continue si on peut tracer la courbe sans lever le crayon...
désolé, mais ça me met de mauvaise humeur.

J. P. G. a répondu :

Tu as raison, crayon et lever n'ont pas été définis
(encore que dans Logo, crayon et lever-crayon soient bien définis :)

Sinon, la fonction explicite f est continue en a explicite,
si pour tout x très proche de a, f(x) est très proche de f(a).

https://www.dropbox.com/s/wpkpidkcw9hd1tm/prs_ordg.pdf?dl=0
http://maths-03.site2.ac-strasbourg.fr/archives/maths_01/index.htm

J. P. G.
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 05 novembre 2014, 03:18:54 pm
Citer
Citer
J. P. G. a écrit :

Tu as raison, crayon et lever n'ont pas été définis (encore que dans Logo, crayon et lever-crayon soient bien définis :)

Jean-Luc Giaco a répondu :

Oui. Tu comprends, ce qui m'énerve dans cette pseudo-définition,
ce n'est pas qu'elle n'est pas rigoureuse, pas formalisée.

C'est inévitable dans l'enseignement, je ne suis pas naïf.
Je ne demande pas de Bourbakiser le lycée.

C'est que cette définition n'est même pas porteuse de sens,
en réalité. Ne pas lever le crayon, c'est tout et n'importe quoi.

Et en plus, elle introduit des idées fausses, dont plus tard,
l'étudiant aura du mal à se débarrasser.

Elle ne s'applique en réalité qu'aux discontinuités de première
espèce, et elle suppose qu'on est sur R.

Comment expliquer qu'une suite est une fonction continue sur N,
après ça ?

Surtout, je ne vois pas pourquoi on n'utiliserait pas celle que tu
donnes : si pour tout x très (infiniment) proche de a, f(x) est très
(infiniment) proche de f(a).

Qu'on utilise l'analyse standard ou non standard, peut me chaut,
parce qu'on peut de toute façon donner à cette proposition un
sens intuitif, avec quelques exemples bien choisis et un peu de
préparation. Et en même temps, elle est correcte du point de
vue mathématique.

Parce que, bien sûr, je maintiens mon idée que l'idée de limite
est assez intuitive, même si sa définition formelle est relativement
élaborée.

D'ailleurs, les matheux ont utilisé les limites et l'infini
bien avant la formalisation de Weierstrass.

Par exemple, dire que l'aire des polygones se rapproche de l'aire
du disque, dans la construction d'Archimède, ne me semble pas
de nature à choquer beaucoup les élèves.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 05 novembre 2014, 03:30:13 pm
Citer
Citer
Rudolf Bkouche a écrit (...)
Jean-Luc Giaco a répondu :

Je ne pourrai pas vous répondre sur tout, ce serait très long et
je ne veux pas phagocyter la liste. Je ne peux pas non plus
déterminer qui a raison d'Euclide, de Platon, d'Aristote, de
Descartes, de Hume ou de Kant parce que mes compétences
philosophiques sont trop limitées.

Je réponds donc sur un ou deux points.

Citer
"Si elle (la connaissance empirique) est un
point de départ, elle est insuffisante, elle ne donne aucune explication."

Encore un point difficile. Que signifie "expliquer" ?

Citer
"L'élève étudie les propriétés du triangle et c'est parce qu'il les étudie qu'il peut appréhender le triangle idéal."

Mais quelle différence faites-vous entre "triangle" et
"triangle idéal" ? Pour moi, je n'en vois aucune. C'est bien le
problème. Le dessin d'un triangle n'est PAS un triangle, pas plus
que le dessin d'une pipe n'est une pipe.


Citer
"L'espace et le temps sont des objets idéaux.
Cela demande à être précisé. Dire que ce sont des productions
de la pensée reste vague si on ne précise pas comment la pensée
a pu les produire. L'espace est une construction complexe,
née au XVIIème siècle."

Vous donnez au mot espace un sens précis.
Ce n'est pas ce qui m'intéresse. Je ne vais pas me lancer dans
une querelle de mots. Je vous propose de relire le chapitre IV
de "La science et l'hypothèse", intitulé "L'espace et la géométrie".

Poincaré y parle de l'espace géométrique, de l'espace visuel, de l'espace tactile et moteur.

L'espace dont je parle est un cadre, dans lequel se trouvent les
objets, et dont la qualité principale est l'étendue, idée bien
antérieure au XVIIe siècle. C'est une connaissance parfaitement
empirique, issue des sens (en particulier la vue). Elle s'occupe de
ce qui est "grand" ou "petit", "loin" ou "près". Elle concerne autant
le géographe que le paysan qui fait une corrélation empirique
entre la quantité de blé et l'aire du champ, ou que le voyageur,
qui sent très bien l'espace parcouru à la lourdeur de ses jambes.

Je suis bien d'accord que l'espace géométrique, celui du géomètre
et du physicien (c'est la même chose pour moi) est le produit
d'une construction rationnelle. Mais cette construction s'appuie sur
une connaissance empirique préexistante.

Si pour vous "objet idéal" signifie "objet construit par le
raisonnement", alors vous avez raison. Mais alors l'esprit est
peuplé d'objet non idéaux, qui ne sont pas non plus des
sensations : idée empirique d'espace, mais aussi de nombre
entier, puis concepts philosophiques tels que : liberté, bien, mal,
beauté, justice, conscience, bonheur, valeur, richesse, peuple,
humanité, etc.

Tout cela nous entraîne loin des fonctions continues.
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 05 novembre 2014, 06:12:30 pm
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Jean-Luc Giaco a écrit (...)
Rudolf Bkouche a répondu :

Sur le premier point je pourrais répondre, même si cela est insuffisant :
expliquer c'est dire les causes, dans un sens général. Ici je reprends Aristote. La question,
c'est qu'une explication n'est jamais définitive et qu'elle se transforme au fur et à masure que
les connaissances se développent. Mais il faut bien accepter qu'il n'y a pas de connaissance ultime.
C'est cela qui explique l'évolution des sciences, ainsi Ptolémee, Copernic, Newton, Einstein.

Sur le second point, la question est celle de la construction des idéalités mathématiques.
Qu'est-ce qui amène à construire ces idéalités. On peut évidemment penser qu'elles existent
avant l'homme comme le pensait Platon, mais cela relève de la croyance.

Ce qui importe c'est de voir comment on passe du dessin qui représente  une chose
(je n'emploie pas le mot "objet") ) à l'objet idéal qui le représente.
Quel est le rôle du raisonnement dans la construction des objets idéaux ?

C'est à la fois une question philosophique et une question pédagogique :
comment amener l'élève à penser les objets idéaux. Et on sait, lorsqu'on fait des mathématiques,
que les objets idéaux évoluent au fur et à mesure des connaissances.

On peut poser poser par exemple la question "qu'est-ce qu'une droite ?"
il est intéressant de voir comment cette notion évolue, mais peut-être plus intéressant
de comprendre les raisons de son évolution, sans oublier qu'une nouvelle définition n'efface pas
les anciennes.  On pourrait poser la question, ce que je faisais quand l'enseignais au CAPES,
quel rapport entre le trait tracé sur la feuille de papier ou sur le tableau et un espace affine de dimension 1 sur le corps des réels.

Le mot "espace" a plusieurs définitions. Ce que dit Poincaré, c'est la façon dont la notion
d'espace s'est constituée, quels sont les ingrédients de cette notion. Il explique que l'espace est
un objet construit et s'intéresse à la façon dont ce concept s'est construit. Rien à voir avec
une notion a priori d'espace. La question du lien entre le visuel et le tactile s'est posé dès
l'époque ou on a pensé l'espace géométrique, c'est-à-dire au XVIIème siècle.

Plus intéressant est de lire dans l'Encyclopédie la définition de l'espace qui n'est autre que
le spatium des latins, la place qu'il y a entre les objets, alors que dans l'article Géométrie,
D'Alembert parle du concept d'espace géométrique.

Il y a donc une ambiguïté, ce qui n'est pas grave. il y a une notion usuelle d'espace, ce qui est entre les objets,
et une notion physico-mathématique. On peut alors poser la question de l'origine de cette notion et
c'est cela que fait Poincaré dans le texte que vous citez.

Lorsque vous dites que l'espace est un cadre dans lequel se trouvent les objets,
vous reprenez la définition de Newton, c'est-à-dire une définition construite.
Cela n'a rien d'empirique. Les sens permettent de percevoir des choses et la place entre ces objets,
ils ne permettent pas de percevoir l'espace.

Un objet idéal est un objet construit par l'homme, on peut ajouter par le raisonnement à
condition de donner au terme raisonnement un sens plus large que son sens logique.

Dieu est un objet idéal par exemple. Toute la question, à laquelle on ne sait toujours pas
répondre si on le sait un jour, est celle de la transformation des sensations en idées, et
par conséquent de la construction des idéalités. Il est vrai que l'esprit est empli d'objets idéaux,
mais ces objets idéaux ont une histoire, ils sont construits et se transforment au cours de l'histoire.

Cela dit, si la question est plus générale, la question des objets idéalités mathématiques et
de leur appréhension par les élèves est essentiel dans l'enseignement des mathématiques.

Bien cordialement.
--
Rudolf Bkouche
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 05 novembre 2014, 06:24:23 pm
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Rudolf Bkouche a écrit (...)
Jean-Luc Giaco a répondu :

Quelques points (j'essaie de faire court.)

Pour ce qui concerne l'espace,
je ne comprends pas la même chose que vous à la lecture de Poincaré.
Vous dites : "Rien à voir avec une notion a priori d'espace."

Je suis en désaccord avec cette affirmation, sans pouvoir donner d'argument définitif.
Mais vous dites plus loin: "il y a une notion usuelle d'espace, ce qui est entre les objets..."
C'est à peu près ce que je voulais dire en parlant d'idée intuitive d'espace.
Est-ce un objet idéal ? Je ne vous contredirai pas là-dessus, c'est une question de mots.
La seule chose qui m'intéresse est que c'est une notion commune, indépendante du
(et préexistant au) raisonnement logique.

Quand vous dites que je reprends la définition de Newton, je me sens extrêmement flatté.
Mais en réalité, je pense qu'ici, il n'a rien inventé. Il a simplement donné un nom à une
notion existante. (Je reconnais que je ne peux pas le prouver.)

Vous dites : "Un objet idéal est un objet construit par l'homme, on peut ajouter par le
raisonnement à condition de donner au terme raisonnement un sens plus large que son
sens logique."

Cette définition m'embarrasse, pour deux raisons. D'abord parce que je ne vois pas ce que
serait un raisonnement non logique. (Et ne me dites pas, comme les religieux et les illuminés,
qu'il y a plusieurs logiques.)

Mais aussi parce qu'elle est tellement englobante qu'elle en devient inopérante.
En effet, qu'est-ce qui n'est pas construit dans l'esprit? Même nos sensations le sont.
On sait bien que le cerveau filtre les données sensorielles, parce qu'il ne peut en traiter de
façon consciente qu'une petite quantité.

Cordialement,
--
Jean-Luc Giaco
Titre: Re : La notion de limite en mathématiques
Posté par: Mateo le 05 novembre 2014, 06:31:00 pm
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Jean-Luc Giaco a écrit (...)
Rudolf Bkouche a répondu :

D'accord pour dire que l'espace défini comme ce qui se situe entre les choses est une
notion commune. Mais la notion d'espace physico-géométrique est une notion construite
au XVIIème siècle et Poincaré tente d'expliquer comment elle se construit, distinguant les
divers aspects, le visuel et le tactile. Mais c'est là une réflexion théorique.

La relation entre le tactile et le visuel est discutée au XVIIIème siècle.
Poincaré la reprend en ajoutant le point de vue des transformations qui s'est développé
au XIXème siècle. De toutes façons, il écrit que l'espace n'est pas une donnée expérimentale.
Et ses remarques sont loin de celles de Kant.

Quand je dis que vous repreniez la définition de Newton,
je rappelle que cette définition est devenue une des notions principales de la mécanique et elle
n'a été remise en cause qu'avec la découverte (ou l'invention) des géométries non-euclidiennes.

Même si elle est encore utilisée aujourd'hui dans certains problèmes.
Si on regarde l'histoire de cette définition, on s'aperçoit qu'elle s'est construite tout au long
du XVIIème siècle et qu'elle ne semble pas aller de soi, chez Descartes par exemple.

Avant Newton, il y a celle de Pascal. Ces deux définitions ont en commun qu'elles définissent
un espace vide, ce qui marque une révolution par rapport aux conceptions en cours à l'épique.

Pour Descartes, il n'y a pas d'étendue en dehors de la matière et il y a une longue
correspondance entre Pascal et un Jésuite, le Père Noël (c'est son nom) entre Pascal qui
soutient l'existence du vide et le Père Noël qui explique, en s'appuyant sur Aristote,
pourquoi le vide n'existe pas. Les choses ne vont donc pas de soi.

Et plus tard au XXème siècle, Einstein expliquera qu'on ne peut concevoir un espace vide,
conséquence de la théorie de la Relativité Générale.

J'ai dit qu'un objet idéal est un objet construit par l'homme pour diverses raisons ;
parmi ces raisons il y a des raisons logiques; mais toutes ne le sont pas.
On peut définir celles-ci comme des raisonnements non logiques,
ce qui pose problème comme vous le remarquez, mais on peut aussi refuser à ces raisons la
qualité de raisonnement, justement parce que cela ne relève pas de la logique.

Si on appelle raisonnement un discours s'appuyant sur des règles codifiées par la logique,
on peut alors considérer les diverses argumentions développées pour définir certains objets
idéaux comme ne relevant pas de la logique. D'autant que ces argumentations peuvent conduire
à des paralogismes. Il ne s'agit pas d'accepter toute argumentation, la logique permettant de
les départager. C'est pour cela que je place Dieu dans les objets idéaux.

C'est une invention humaine ; il y a des tentatives des démonstration à l'apparence logique,
mais le croyant n'en a pas besoin. Ainsi Descartes tente de démontrer l'existence Dieu alors
que le mystique Pascal n'a pas besoin d(un telle démonstration. Mais cela n'enlève pas à Dieu
son caractère d'objet idéal. Ici on sort de la logique.

Reste qu'il faut distinguer la connaissance issue des sens, sans autre préalable,
si ce n'est les phénomènes biologiques qui permettent ces connaissances et les
connaissances construites par l'esprit humain qui peuvent de faire de divers façons,
parmi lesquelles les connaissances rationnelles et les connaissances scientifiques.

Même si elles ne se réduisent pas à des objets de discours, ces connaissances rationnelles
et scientfiiques se traduisent via le discours, et de façon précise, par un discours
convenablement réglées. Pour revenir à l'enseignement des sciences, le problème est d'amener
les élèves à maîtriser ces discours à,commencer par le discours démonstratif.

Je suis d'accord avec vous pour être très strict sur la notion de logique. Aujourd'hui on sait construire par des constructions mathématiques précises des logiques diverses, logiques qu'il ne faut pas confondre avec les discours religieux ou autres.

Rudolf Bkouche