La guerre du petit roi contre les savants et le débat savant.Merci à Matéo qui a fourni le lien
http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2009/05/sarkozy-et-la-princesse-de-cl%C3%A8ves-2-le-salon-national.html.
On y apprend divers assauts de l'ancien ministre de la police, le petit roi Nic le hutin, son archéo-poujadisme :
En février 2006, lors d’une réunion publique, Nicolas Sarkozy, alors ministre de la police, dit : « L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peu, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique, ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur la Princesse de Clèves. Je sais pas si ça vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de la Princesse de Clèves, imaginez un peu le spectacle… »
C’est aussi l’époque où l’homme politique rôde son franc-parler en prétendant célébrer ceux qu’il méprise. Au mois d’octobre précédent, il a dénoncé la «racaille» sur la dalle d’Argenteuil : c’était pour en protéger les braves gens. Cette fois, il dénonce les examinateurs irréalistes : c’est pour en protéger la guichetière. Est-elle heureuse d’être assimilée à une illettrée ? Ce n’est pas certain. Mais Sarkozy parie sur le fait qu’elle l’est suffisamment pour, face aux grandes œuvres, ne plus éprouver rien d’autre que des complexes et du ressentiment. Ce pari est anti-humaniste –si l’on considère que l’humanisme repose, entre autres, sur l’idée que ces œuvres doivent pouvoir être lues et aimées par n’importe qui. Du point de vue de la morale politique, il est détestable. Mais il est cohérent : il annonce la réforme des universités, la fin de ce qu’on appelait les Humanités. Du point de vue de l'efficacité, il n’est pas certain qu’il soit perdant.
Mais Sarkozy ne leur dit plus : «Racine, c’est Racine.» Il dit : «Quel est l’imbécile qui a mis Racine au programme d’un concours ?»
... Racine lui-même est rejeté. Le ministre refait avec la Princesse le coup de la «racaille». Il se comporte comme les adolescents qu’il dénonce (et dont il n’espère rien d’autre, en toute «sincérité», que misère, business et vulgarité) : ce n’est plus le degré zéro de l’écriture dont parlait Barthes, mais celui de la citoyenneté.
On n’avait rien demandé à Sarkozy sur la Princesse de Clèves. Les mettre ensemble sur une table de dissection était une opération surréaliste qui ne serait venue à l’idée de personne. Mais, en février 2008, voilà qu’il remet ça. Toujours en public, il déclare en souriant et d’un air entendu –de l’air du cancre qui se fout du prof devant d’autres cancres: «La Princesse de Clèves, bon… J’n’ai rien contre elle, mais bon, enfin… le fait est que j’ai beaucoup souffert avec elle.»
Un commentaire de lecteur :
Effectivement, ce triste feuilleton dont le héros est encore ce cuistre parvenu, révèle l'archéo-poujadisme du personnage.
Effectivement, lorsqu'il s'agit de culture, il a tendance à sortir son pistolet, au chargeur plein de sarcasmes.
Effectivement, ces propos sont textuellement les siens, or l'on dirait plutôt des extraits de sketches de Bigard que des propos d'Homme d'Etat - mais c'est peut-être le cas, en l'occurrence (l'homme a plusieurs nègres).
Effectivement, il n'a que l'injure à la bouche : ici un lampiste inconnu est traité imbécile, de sadique, ailleurs d'autres le sont de racaille, de pauvre con, etc. Langage fleuri d'adolescent attardé...
Tout cela mérite d'être relevé.
Mon implication personnelle est évidente. Si j'ai dû créer des sites, devenir éditeur du Net, c'était d'abord pour conquérir ma propre liberté d'écrivain. Ce fut, et c'est encore parfois mon sort d'écrivain sur forums, que de subir assauts sur assauts, torrents d'injures et de calomnies, et effacements par le ouebmestre complice et délinquant lui-même : la guerre du populo contre les savants.
J'ai tenté, mais sans grand succès, de tenir à parts égales le débat savant et le débat populaire, de permettre à chacun d'exister sans être dévoré par l'autre. Largement en vain : de nos jours le débat populaire repose surtout sur le mépris et la haine, est incapable d'exister sans cogner sur quelqu'un.
Etant ainsi désignés de fait par le petit roi comme l'ennemi à abattre, les savants n'ont d'autre choix que d'assumer la résistance politique à la barbarie du petit roi et de sa cour. Ce n'est pas si facile, et cela nous demande d'autres qualités de courage et d'organisation, hors de nos habitudes.