Extrait de "Autorité ou éducation", de Jean Houssaye, ESF éditeurs, p. 105-106 :
Dans un article resté célèbre, Testanière (1967) a distingué le chahut traditionnel et le chahut anomique.
Le premier relève du désordre ...
Le chahut anomique, lui, relève de la désintégration. ...
Il affirmait encore que ces points de vue divers étaient aussi un produit de l'école elle-même, qui induit finalement deux sous-cultures chez les élèves : l'une pro-scolaire, l'autre anti-scolaire. On donne les bons maîtres aux premiers par exemple ; on prive les autres d'un statut scolaire. Il se pourrait donc que la culture anti-scolaire soit le résultat de l'échec de l'école elle-même. Auquel cas, la résistance n'est pas vraiment première, elle est le produit du fonctionnement scolaire lui-même. Cette fois, le chahut ne peut plus être interprété comme un signe d'intégration, mais comme le signe de l'abus de l'école elle-même vis-a-vis des élèves. La résistance devient alors en quelque sorte normale, inéluctable.
Testanière J. (1967) : Chahut traditionnel et chahut anomique dans l'enseignement du second degré", Revue française de sociologie, numéro spécial.
Affinons l'analyse psychosociale : l'école est ici présentée comme une entité, ce qui est trompeur, quoique cohérent dans la pensée immature de l'enfant puis adolescent. L'école est traversée de contradictions, gouvernée à son insu par la stratégie des classes sociales les plus averties et les plus influentes, disons pour abréger "la bourgeoisie". En sorte que les bonnes intentions affichées sont systématiquement sabotées, au profit des enfants des classes sociales les plus puissantes et influentes, les plus magouilleuses.
La conclusion aussi me laisse sur ma faim ; j'ai une plus haute idée du fardeau social de l'opposant. Il ne suffit pas d'être en opposition pour être automatiquement bon, justifié, honnête, porteur d'avenir, digne de recevoir des espoirs messianiques. Si c'était ainsi, les fardeaux qui pèsent sur l'enseignant et la hiérarchie de l'Education Nationale, et sur les épaules des élèves, seraient drôlement simplifiés et allégés.
La boutade d'Igor Strawinski "
Il ne suffit pas de violer Euterpe, il faut lui faire un enfant" s'applique ici aussi.
Nos cancres en agression permanente contre leurs collègues et contre la scolarité se contentent de violer l'école.
Prenons une citation récente :
J'ai eu pendant toute ma jeunesse un vélo allemand et j'adorais le freinage par rétropédalage : jamais en panne, fonctionne même jante mouillée/boueuse et personne a l'école n'a pu me faire le gag de couvrir les patins de freinage de graisse, on était taquin en ce temps là !
Pourtant...
Article 223-1 NCP : de la mise en danger d’autrui.
Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 100 000 F d’amende.
Art. 121-4 : Est auteur de l’infraction la personne qui :
1) Commet les faits incriminés
2) Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit.
Art. 121-5 : La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.
Là dans cette école, les adultes ont été en dessous de leur mission, incapables d'empêcher de multiples mises en danger de la vie d'autrui, par leurs élèves. Mais les élèves aussi ont été en dessous de tout : incapables de demander aux adultes d'intervenir pour tâcher de prévenir d'autres récidives tout aussi dangereuses et criminelles.
Donc l'éducation donnée par leurs parents était carencée elle aussi, pas seulement celle reçue par le principal du collège.