Il faut lire pendant que c'est libre, cet interview de Julien Coupat, à
http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3224,50-1197456,0.htmlJ'hésite à en prendre des extraits à copier ici.
Je suis partagé. Bien sûr qu'il a toute ma sympathie pour l'injustice de l'accusation et de la détention sur prétextes bidonnés, confectionnés de toutes pièces.
Bien sûr que je suis admiratif devant la brillance des analyses.
Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.
Face à ce pouvoir en guerre qui ose penser stratégiquement et partager le monde en amis, ennemis et quantités négligeables, la gauche reste tétanisée. Elle est trop lâche, trop compromise, et pour tout dire, trop discréditée pour opposer la moindre résistance à un pouvoir qu'elle n'ose pas, elle, traiter en ennemi et qui lui ravit un à un les plus malins d'entre ses éléments. Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop. Son destin est de décevoir.
Mais je suis très très mal à l'aise devant les impasses mystiques de cette intelligence, néo-Mao-spontex, mythifiant le génie des masses, rebaptisée ici "la rue". Le ton général est terriblement paranoïde, la pensée strictement bipôlaire : le monde est clivé entre les bons et les méchants.
Evidemment que sa violence verbale, dont je demeure persuadé qu'elle ne débouchera que sur de l'impuissance politique, me met en cause dans ma propre inefficacité politique d'écrivain marginal.
Je suis atterré par la symétrie et l'escalade symétrique entre Coupat et ses accusateurs. Paranoïas symétriques, comme furent symétrisés l'Okhrana de Nicolas II et Joseph Djougachvili dit Staline, modelé par la répression et la clandestinité...
Coupat s'imagine que les bourdes et les délits accumulés par la cour du petit roi Nic le hutin vont déboucher sur une victoire de "la rue" : "
Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte." et toute sa force de projection le fait projeter vers une rue ou des banlieues messianisées. Politisé à l'extrême et peu averti des réalités économiques, il exagère l'avenir des U.S.A. comme il exagère sans doute notre propre avenir de nation française.
Une élite aveuglée et délinquante peut ne pas conduire à la victoire du pays profond sur ses élites, elle peut bien déboucher sur une défaite totale du pays, au profit d'un vainqueur extérieur. Cela lui échappe, comme lui échappe la délocalisation du capitalisme, qui ne réside plus guère là où on pourrait l'atteindre.
Pour prendre un exemple local à l'Europe, le déclenchement de la première guerre mondiale. Aucun des pays belligérants n'avait de buts de guerre. Les marxistes ont prétendu qu'il s'agissait de la guerre des marchés industriels. C'est faux, cette guerre-là, l'Allemagne l'avait déjà gagnée. Celui qui avait mobilisé le premier et tout déclenché, Nicolas II, n'avait aucun but de guerre, juste le mobile de la fierté blessée d'avoir été écrasé en 1905 par les japonais. En revanche, les classes dirigeantes des nations d'Europe qui se sont ainsi jetées les unes sur les autres avaient un but de guerre civile : saigner et mater leurs classes ouvrières dont elles avaient peur, et leurs paysanneries. Voilà pourquoi elles les ont envoyé mourir au champ d'horreur.
Et qui fut le vainqueur économique de cette guerre mondiale ? Les Etats Unis.
Le Japon dans une moindre mesure.
Les élites pourries ne servent pas leurs pays, ne préparent pas la victoire de l'avant-garde révolutionnaire, elles préparent l'écrasement de leur pays par des ennemis extérieurs. Le défi qui se pose à l'opposition, est d'éviter cet écrasement économique, voire militaire par surcroît. Malgré le prestige que lui vaudra l'injustice et l'emprisonnement, Coupat n'est pas la personne qu'il faut pour cela.
Premier compte-rendu du scandale de ce montage de l'affaire Tarnac :
http://deonto-famille.org/citoyens/debattre/index.php?topic=896.0