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Auteur Sujet: Boeing, la FAA et les raisons pour lesquelles deux avions 737 MAX se sont écrasé  (Lu 1663 fois)

JacquesL

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Boeing, la FAA et les raisons pour lesquelles deux avions 737 MAX se sont écrasés
http://lesakerfrancophone.fr/boeing-la-faa-et-les-raisons-pour-lesquelles-deux-avions-737-max-se-sont-ecrases
Par Moon of Alabama – Le 12 mars 2019

Dimanche 10 mars, un avion d’Éthiopian Airlines s’est écrasé, tuant tout le monde à bord. Cinq mois plus tôt, un avion indonésien Lion Air s’était écrasé près de Jakarta. L’équipage et les passagers sont tous morts. Les deux avions étaient des Boeing 737-8 MAX. Les deux incidents sont survenus peu après le décollage.


Les Boeing 737 MAX sont maintenant cloués au sol un peu partout, sauf aux États-Unis. Que cette décision ne survienne que maintenant est triste. Après le premier accident, il était déjà évident que l’avion n’est pas sûr.

Les Boeing 737 et Airbus 320 sont des avions à une seule allée avec quelque 150 sièges. Tous les deux sont des vaches à lait vendues par centaines avec un bon bénéfice. En 2010, Airbus a décidé d’offrir son A-320 avec une nouvelle option de moteur (NEO), qui consomme moins de carburant. Pour contrer le mouvement Airbus, Boeing a dû suivre. Le 737 disposerait également de nouveaux moteurs pour un vol plus efficace et une plus longue autonomie. Les nouveaux moteurs du 737 MAX sont plus gros et doivent être placés un peu différemment de ceux de la version précédente. Cela a encore une fois modifié les caractéristiques de vol de l’avion en lui donnant une assiette cabrée.

La nouvelle caractéristique de vol du 737 MAX aurait nécessité une nouvelle formation des pilotes. Mais les responsables du marketing de Boeing avaient toujours dit à leurs clients que le 737 MAX ne nécessiterait pas de nouvelle formation approfondie. Au lieu d’une formation coûteuse sur simulateur pour ce nouveau type d’appareil, les pilotes expérimentés n’auraient qu’à lire la partie de la documentation concernant les modifications apportées entre l’ancienne et la nouvelle version.

Pour que cela soit viable, les ingénieurs de Boeing ont dû utiliser un petit truc. Ils ont ajouté un « maneuver characteristics augmentation system » (MCAS) qui rabat le nez de l’avion lorsqu’un capteur détecte un angle d’attaque (AoA) trop élevé  pouvant entraîner un décrochage. Cela a rendu la caractéristique de vol de la nouvelle version 737 semblable à l’ancienne.

Mais les ingénieurs se sont plantés.

Le 737 MAX dispose de deux ordinateurs de contrôle de vol. Chacun est connecté à un seul des deux capteurs d’angle d’attaque. Pendant un vol, seul un ordinateur sur deux exécute le contrôle MCAS. S’il détecte un angle d’attaque trop élevé, il ajuste le stabilisateur horizontal pendant environ 10 secondes. Il attend ensuite 5 secondes et lit à nouveau le capteur. Si le capteur continue à présenter un angle d’attaque trop élevé, il ajuste à nouveau le stabilisateur pour faire baisser le nez de l’avion.

MCSA est indépendant du pilote automatique. Il est actif même en vol manuel. Il existe une procédure pour le désactiver mais cela prend du temps.

L’un des capteurs d’angle d’attaque du vol indonésien était défectueux. Malheureusement, il s’agissait de celui qui était connecté à l’ordinateur qui exploitait le MCAS sur ce vol. Peu de temps après le décollage, le capteur a signalé un angle d’attaque trop élevé alors même que l’avion volait dans une montée normale. Le MCAS s’est engagé et a fait piquer l’avion. Les pilotes ont réagi en désactivant le pilote automatique et en tirant le manche à balai vers l’arrière. Le MCAS s’est à nouveau engagé en faisant repiquer l’avion. Les pilotes ont à nouveau tiré le manche à balai. Cela s’est produit environ 12 fois d’affilée avant que l’avion ne s’écrase en mer.

Mettre en œuvre un automatisme capital pour la sécurité qui ne repose que sur un capteur est une conception extrêmement mauvaise. Avoir un automatisme de commande de vol engagé même lorsque le pilote vole manuellement est également un mauvais choix. Mais le vrai crime est que Boeing a caché cette caractéristique.

Ni les compagnies aériennes qui ont acheté les avions, ni les pilotes qui l’ont utilisé, n’ont été informés de la présence du MCAS. Ils ne savaient pas qu’il existait. Ils ne connaissaient pas l’existence d’un système automatique contrôlant le stabilisateur même lorsque le pilote automatique était inactivé. Ils ne savaient pas comment cela pourrait être désactivé.

Neuf jours après la fin du vol 610 de la compagnie indonésienne Lion Air, la Federal Aviation Administration (FAA) a publié une consigne de navigabilité d’urgence.


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Les pilotes de 737 MAX étaient consternés. Le syndicat des pilotes APA a envoyé une lettre à ses membres :

Citer
« C’est la première description que vous, comme pilotes de 737, avez vue. Cela ne figure pas dans la deuxième partie du manuel de vol AA 737, ni dans le Boeing FCOM (manuel d’exploitation de l’équipage de conduite) », indique la lettre du comité de la sécurité du syndicat des pilotes. « La sensibilisation est la clé de tous les problèmes de sécurité. »
L’avion d’Ethiopian Airlines qui s’est écrasé est tombé avec le même profil de vol que l’avion indonésien. Il est fort probable que le MCAS soit à l’origine des deux incidents. Alors que les pilotes de l’avion éthiopien étaient au courant du système MCAS, ils auraient peut-être eu trop peu de temps pour le désactiver. Les enregistreurs de vol ont été retrouvés et raconteront toute l’histoire.

Le Boeing 737 MAX a été vendu à près de 5 000 exemplaires. Jusqu’à présent, quelque 340 ont été livrés. La plupart d’entre eux sont maintenant cloués au sol. Certains membres de la famille des personnes décédées sur le vol indonésien poursuivent Boeing. D’autres vont suivre. Mais Boeing n’est pas le seul responsable.

La FAA certifie tous les nouveaux avions et leur documentation. Pendant quelque temps, j’ai été marginalement impliqué dans la certification des Airbus. C’est un processus extrêmement détaillé qui doit être suivi à la lettre. Des centaines de personnes sont engagées à plein temps pendant des années pour certifier un avion à réaction moderne. La moindre petite  vis, et même les plus petits détails de conception du matériel et des logiciels doivent être documentés et certifiés.

Comment ou pourquoi la FAA a-t-elle accepté le 737 MAX avec un MCAS aussi mal conçu ? Comment la FAA pouvait-elle permettre que le MCAS soit laissé de côté dans la documentation ? Quelles mesures ont été prises après le crash du vol indonésien en mer ?

Jusqu’à présent, la FAA était une agence de certification très réputée. D’autres pays ont suivi ses jugements et accepté les certifications délivrées par la FAA. Le fait que la plus grande partie des pays ait maintenant mis le 737 MAX au sol alors qu’il vole toujours aux États-Unis est un signe que cette vision est en train de changer. Les certifications de la FAA sur les avions Boeing sont maintenant suspectes.

Aujourd’hui, le prix de l’action de Boeing a chuté d’environ 7,5%. Je doute que cela soit suffisant pour refléter les problèmes de responsabilité actuels. Chaque compagnie aérienne qui doit maintenant garder ses avions au sol va demander une compensation. Plus de 330 personnes sont décédées et leurs familles méritent réparation. Les commandes pour le 737 MAX seront annulées car les passagers éviteront ce type de vol.

Boeing résoudra le problème du MCAS en utilisant davantage de capteurs ou en modifiant les procédures. Mais le problème le plus important pour l’industrie aéronautique américaine pourrait bien être le préjudice causé à la réputation de la FAA. Si la FAA est perçue au niveau international comme une agence de lobbying pour le secteur du transport aérien américain, on ne lui fera plus confiance et l’industrie en souffrira. Les futurs processus de certification devront passer à travers une jungle d’agences étrangères.

Le Congrès devrait examiner la question de la FAA et demander pourquoi elle a failli.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

JacquesL

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Pourquoi deux Boeing 737 MAX se sont écrasés ?
« Réponse #1 le: 19 mars 2019, 09:12:40 am »
Pourquoi deux Boeing 737 MAX se sont écrasés ?
http://lesakerfrancophone.fr/pourquoi-deux-boeing-737-max-se-sont-ecrases

Une mauvaise analyse de la sécurité, une surveillance défaillante
Par Moon of Alabama – Le 17 mars 2019

Deux accidents du Boeing 737 MAX ont fait 338 morts. Les avions de ce type sont maintenant cloués au sol dans le monde entier. Nous avons déjà expliqué en détail pourquoi ces accidents se sont produits. De nouveaux rapports confirment cette explication.


Pour des raisons commerciales, Boeing voulait que la nouvelle version du 737 se comporte comme les anciennes. Mais les changements apportés à la nouvelle version nécessitaient un système supplémentaire pour gérer certaines situations de vol. L’élaboration de ce système et l’analyse de ses conséquences sur la sécurité ont été effectuées à la hâte. Les pilotes n’en ont pas été informés et n’ont pas été formés pour faire face à la panne.

Boeing espère maintenant qu’une mise à jour du logiciel, prévue pour avril, permettra à ses avions 737 MAX immobilisés de reprendre leur vol. Pour plusieurs raisons, il est peu probable que cela se produise.

Jeudi, le capitaine C.B. Sully Sullenberger, qui avait réussi à faire atterrir un avion sur le fleuve Hudson après qu’un choc avec un oiseau a mis en panne les deux moteurs, s’est élevé contre cette tentative de bricolage par Boeing :

Citer
Depuis l'écrasement du Boeing de Lion Air, il est évident qu'une refonte du 737 MAX 8 s'imposait de toute urgence, mais n'a toujours pas été faite, et les correctifs proposés ne vont pas assez loin.
Le public ne fera pas confiance aux assurances de Boeing ou de la Federal Aviation Administration si l’on s’en tient au point de vue de Sullenberger.

Une autre raison pour laquelle la mise à jour de Boeing ne suffira pas, est un rapport détaillé explosif sur une enquête qui date d’avant le crash de dimanche dernier, mais qui vient d’être publié par le Seattle Times, qui résume la situation ainsi :

Citer
L'analyse de sécurité originale que Boeing a remise à la FAA pour un nouveau système de commandes de vol sur le MAX - un rapport utilisé pour certifier que l'avion peut voler en toute sécurité - comportait plusieurs lacunes importantes. ...

D’anciens et actuels ingénieurs, directement impliqués dans les évaluations ou familiarisés avec le document, ont partagé les détails de l'analyse de sécurité des systèmes du MCAS de Boeing, ce que le Seattle Times a confirmé.

L'analyse de sécurité :

A sous-estimé la puissance du nouveau système de commandes de vol, qui a été conçu pour faire pivoter l'empennage horizontal afin de pousser le nez de l'avion vers le bas pour éviter un décrochage. Lorsque les avions sont entrés en service plus tard, le MCAS était capable de déplacer la queue plus de quatre fois plus loin que ce qui était indiqué dans le document d'analyse de la sécurité initial.

Il n'a pas été tenu compte de la façon dont le système pouvait se réinitialiser chaque fois qu'un pilote réagissait, ce qui a fait perdre de vue l'impact potentiel d'une poussée répétée du système pour faire piquer l'avion.

J'ai évalué cette défaillance du système comme étant du niveau juste inférieur à "catastrophique". Mais même ce niveau de danger "dangereux" aurait dû empêcher que le système soit activé par un seul capteur - et c'est pourtant ainsi qu'il a été conçu.
Le système d’augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS) du 737 MAX dépend des données envoyées par un aileron placé sur le côté de l’avion.


Le capteur d’angle d’attaque
L’aileron mesure l’angle entre le flux d’air et l’aile. Il détecte ainsi si le nez de l’avion pointe vers le haut ou vers le bas. Il peut facilement être endommagé par un accident de parking ou par un impact d’oiseau. Le système MCAS dépend de l’entrée d’un seul de ces capteurs.

Les corrections MCAS appliquées à l’assiette de l’avion sont trop importantes pour qu’un pilote occupé puisse les contrer. (Une explication détaillée du système et des accidents est fournie par un pilote professionnel dans deux vidéos ici et ici.) Le fait que le système, tel qu’il est conçu, s’engage de façon répétée peut mener à des situations extrêmement difficiles à gérer.

Le Seattle Times rapporte également que les gestionnaires de la FAA ont poussé leurs ingénieurs de sécurité à déléguer davantage de tâches de certification à Boeing lui-même. Boeing était impatient de sortir la nouvelle version du 737 pour rattraper le NEO A-320 d’Airbus. Des raccourcis ont été pris pour accélérer l’analyse de la sécurité.

Le système MCAS est mal conçu et sa conception n’aurait jamais dû être certifiée. Mais le problème est encore pire. La certification qui a été donnée reposait sur de fausses données.

La première conception du MCAS, sur laquelle l’analyse de sûreté et la certification étaient fondées, permettait un mouvement de compensation maximal du MCAS de 0,6 degré sur un maximum de 5 degrés. Les essais en vol ont prouvé que c’était trop peu pour obtenir les effets souhaités et le mouvement maximum a été changé à 2,5 degrés. La nouvelle valeur n’a pas fait l’objet d’une analyse de sécurité.

Citer
"La FAA croyait que l'avion avait été conçu pour une limite de 0,6, et c'est ce que les autorités réglementaires étrangères pensaient aussi", a déclaré un ingénieur de la FAA. "Cela fait une différence dans votre évaluation du danger impliqué." ...

"Aucun des mécaniciens n'était au courant de l'existence d'une limite plus élevée", a déclaré un deuxième mécanicien actuel de la FAA.
Boeing et le gouvernement américain ont une relation particulière. Toutes les administrations, indépendamment des règles de chaque parti, lui apportent un soutien extraordinaire. La FAA subit des pressions politiques constantes pour se plier aux exigences de Boeing :

Citer
Pendant les 102 ans d'histoire de Boeing, qui remontent au début de la Première Guerre mondiale, l'entreprise et le pays ont compté l'un sur l'autre, créant ensemble des centaines de milliers d'emplois, équipant les États-Unis d'avions militaires de pointe et fournissant des avions dans le monde entier pour permettre la croissance du transport aérien de passagers et pour stimuler les exportations américaines. ...

"Chaque fois que le gouvernement cherche à accroître les exportations, on s'aperçoit généralement que Boeing est fortement impliqué dans n'importe quelle initiative qu'il mène", a déclaré Andrew Hunter, un expert de l'industrie de la défense du Center for Strategic and International Studies. "C'était vrai pour l'administration Obama, et c'est vrai pour l'administration Trump." ...
"Le risque est évidemment que, lorsque des organismes de nature réglementaire travaillent en étroite collaboration avec une entreprise pendant une longue période de temps, ils craignent de compromettre leur indépendance", a dit M. Hunter.
Après l’accident de dimanche dernier, Boeing a utilisé ses relations politiques pour empêcher l’interdiction de vol du 737 MAX. Ce n’est qu’après que tous les autres pays eurent interdit d’autres vols que les États-Unis se sont joints à eux. C’est le président lui-même, et non la FAA, qui a annoncé cette décision.

Les nouveaux rapports sur l’externalisation des analyses de sécurité de la FAA à Boeing lui-même et sur le processus de certification inapproprié donnent l’impression que l’on ne peut plus faire confiance à la FAA. Même si elle certifie la solution de bricolage de Boeing pour le problème du MCAS, d’autres régulateurs ne seront pas d’accord.

Cela deviendra alors un grave problème politique. Les négociations commerciales de Trump avec la Chine dépendent de la volonté chinoise d’acheter un grand nombre d’avions Boeing. Si les régulateurs chinois, qui ont été les premiers à interdire de vol le MAX, n’acceptent pas la solution qu’offre Boeing, ces négociations commerciales n’iront nulle part.

Il est clair que Boeing devra fournir une meilleure solution. Le gouvernement américain devra renforcer son organisme de réglementation de l’aviation et le protéger des pressions politiques. Dans le cas contraire, le rôle de Boeing dans le secteur du transport aérien international sera gravement compromis.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par jj  pour le Saker Francophone

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Les instructions que Boeing et la FAA ont donné aux pilotes du 737 MAX étaient incomplètes.

https://lesakerfrancophone.fr/les-instructions-que-boeing-et-la-faa-ont-donne-aux-pilotes-du-737-max-etaient-incompletes

Par Moon of Alabama – Le 5 avril 2019

Le rapport préliminaire sur l’accident d’un avion d’Ethiopian Airline survenu le 10 mars dernier montre que les instructions données par la FAA [Federal Aviation Administration] et Boeing aux pilotes des 737 MAX étaient incomplètes. Les pilotes ont suivi les consignes, mais il leur était physiquement impossible de forcer manuellement l’avion à une position de vol stable.


En octobre 2018, un tout nouvel avion Boeing 737 MAX, utilisé par la compagnie aérienne indonésienne Lion Air, s’est écrasé en mer peu après son décollage. 189 personnes sont mortes. Une enquête a révélé que Boeing avait ajouté aux MAX un « système augmentant les caractéristiques de manoeuvre » (MCAS) qui pouvait influer directement sur le stabilisateur (gouverne de profondeur), une importante gouverne de vol, mais que ses décisions étaient fondées sur les données d’un seul capteur. Lorsque le capteur est tombé en panne, le système hors-contrôle a déstabilisé l’avion.

Ni les pilotes ni les compagnies aériennes n’étaient au courant de ce système. Les organismes de réglementation, qui ont certifié que l’avion pouvait voler en toute sécurité, ont été mal informés à ce sujet. Ils avaient ordonné à Boeing d’inclure le nouveau système MCAS dans le matériel de formation des pilotes, ce que Boeing, pour des raisons commerciales, n’a pas fait.

Après l’accident de l’avion Lion Air, la Federal Aviation Administration a publié la consigne de navigabilité 2018-23-51 qui indiquait aux pilotes de 737 MAX comment réagir en cas de panne du MCAS.


tableau complet
2019-04-06_08h52_31

Surligné en jaune, le vérin (jackscrew) du MCAS

La FAA a demandé aux pilotes du 737 MAX d’utiliser les interrupteurs du compensateur de vol pour couper l’alimentation électrique du système, un vérin à vis entraîné par un moteur situé à l’arrière de l’avion (voir schéma ci-dessus). Les pilotes devaient ensuite utiliser les volants de compensation manuelle situés dans le poste de pilotage, qui déplacent le vérin et le stabilisateur au moyen de câbles d’acier, permettant ainsi de redresser l’avion.

Le 10 mars, un 737 MAX de la compagnie Ethiopian Airline s’est écrasé peu après le décollage. 157 personnes sont mortes. Les données radar et les débris trouvés ont montré que la cause était probablement une défaillance du MCAS similaire à celle qui s’était produite lors du vol Lion Air.

Tous les avions 737 MAX ont été cloués au sol, les États-Unis étant le dernier pays à l’avoir fait.

Certains pilotes américains, ainsi que certains commentateurs ici présents, ont publiquement accusé les pilotes, qui ont la peau foncée, de ne pas avoir utilisé la procédure simple que la FAA avait mise en place : « Pourquoi n’ont-ils pas appuyé sur les boutons ? Stupides mecs sous-entraînés du tiers-monde. »

Il s’avère maintenant que les pilotes bien entraînés et expérimentés du vol d’Ethiopian Airline ont fait exactement ce que Boeing et la FAA leur ont dit de faire. Extrait du communiqué de presse d’Ethiopean Airlines (pdf) :

Citer
Le rapport préliminaire montre clairement que les pilotes d'Ethiopian Airlines qui commandaient le vol ET 302 du 10 mars avaient suivi les procédures d'urgence recommandées par Boeing et approuvées par la FAA pour faire face à la situation d'urgence la plus difficile créée par l'avion. Malgré leur travail acharné et le plein respect des procédures d'urgence, il est très regrettable qu'ils n'aient pas pu redresser l'avion qui s’entêtait à plonger en piqué.
La procédure que Boeing et la FAA recommandaient d’utiliser était insuffisante pour ramener l’avion sous contrôle. En fait, il était impossible de récupérer l’avion. La possibilité que cela se produise a fait l’objet de discussions dans des forums de pilotes et sur des sites Web spécialisés pendant un certain temps.

Le système MCAS déplace l’avant du stabilisateur vers le haut pour abaisser le nez de l’avion. L’avion descend alors très vite. Les forces aérodynamiques – le « vent » – poussant le stabilisateur deviennent si fortes qu’un contre-effet manuel devient impossible.

Peter Lemme, ingénieur en avionique, explique en détail les aspects physiques de ce phénomène.


via Seattle Timesvue d’ensemble

Lemme conclut :

Citer
Avec les interrupteurs du 737MAX, le mauvais fonctionnement du MCAS est arrêté, ce qui entraîne aussi l’arrêt total du compensateur électrique. Dans ce cas, l'équipage doit utiliser le compensateur manuel en tournant un volant ou une manivelle. Comme nous l'avons vu plus haut, la manivelle manuelle peut se bloquer, ce qui rend le vol beaucoup plus difficile.

Bjorn Fehrm, ingénieur principal et pilote, qui travaille actuellement à Leeham News, est arrivé à une conclusion similaire :

Citer
Nous pouvons maintenant révéler comment il est possible que l'avion s'écrase malgré la mise hors fonction du MCAS. Pour vérifier, nous avons tout essayé avec un simulateur de la chaine Youtube MentourPilot, au cours des derniers jours.
...
Dans le cas d'un stabilisateur mal positionné, vous devez soit réengager le compensateur électrique, soit désengager le vérin du stabilisateur en poussant le manche vers l'avant, créant ainsi une manœuvre de piqué, pour compenser.

Une manœuvre de piqué n’était pas un choix possible pour l’ET302, car il ne se trouvait qu’à 1 000 (300m) pieds au-dessus du sol. Selon le Wall Street Journal, l'équipage du ET302 a réenclenché le compensateur électrique pour essayer de sauver la situation, en relevant le nez de l’avion. C'était leur seule chance. Mais trop tard. L’agressif MCAS s’est déclenché et a aggravé la situation avant qu'ils n'aient pu faire quoi que ce soit.

Sur la consigne de navigabilité de la FAA, Fehrm écrit :

Citer
Nulle part il n'est écrit que le compensateur pourrait être impossible à déplacer manuellement à la moindre erreur de compensation, quand les interrupteurs sont coupés, à cette vitesse de vol. Et il n'y a pas d'avertissement sur le moment où il faut utiliser les interrupteurs, la liste de contrôle dit simplement "Coupez, puis compensez manuellement". Ce qui n'est pas complètement exact.
Une analyse détaillée des données de l’enregistreur de vol, telle que documentée dans le rapport d’accident préliminaire, confirme ces conclusions :

Citer
La vitesse élevée de 340 nœuds (630 km/h) indiquée et le compensateur à un angle de 2,3 unités provoque le blocage du compensateur manuel du stabilisateur, qui ne peut plus être déplacé manuellement. L'équipage est occupé à essayer de compenser manuellement pendant les deux minutes suivantes, mais n’y arrive pas.

via Leeham NewsAgrandir

Les pilotes font alors la seule chose possible. Ils réenclenchent le compensateur électrique du stabilisateur pour tenter de redresser l’avion.

Citer
Mais l'agressif MCAS, réagissant presque deux fois plus vite que le pilote, et pendant neuf secondes, entre en action avec une force à laquelle ils ne s'attendent pas. La vitesse est maintenant de 375 nœuds (694 km/h) et le MCAS n'a jamais été conçu pour compenser à cette combinaison vitesse/altitude. Les pressions aérodynamiques, celles qui régissent la façon dont l'avion réagit aux dispositifs de contrôle de l'assiette de l'appareil (ailerons), sont maintenant presque le double de ce qu'elles étaient pour la dernière compensation du MCAS (la pression dynamique augmente avec le carré de la vitesse).

Les pilotes sont éjectés de leur siège et vont se cogner contre le plafond du poste de pilotage. Regardez la ligne Pitch Attitude Disp et la ligne Accel Vert. Elles se dirigent vers le point Zéro G et nous pouvons voir comment PF perd l'accès au manche à balai dans le processus (Ctrl Colonne Pos Left). Le pilote peut à peine s'y accrocher, sans parler de le tirer pour compenser.

Sa faible traction sur le manche augmente encore plus le piqué, ce qui augmente encore plus la vitesse. A 05.45.30.30 les pilotes sont de nouveau assis sur leurs sièges (trace Accel Vert et trace Ctrl Columns force trace) et peuvent commencer à tirer désespérément sur le compensateur une dernière fois. Mais c'est trop tard. Bien qu'ils provoquent le plus grand mouvement du manche à balai jamais réalisé, le piqué n'en est que marginalement affectée.
Les pilotes et leurs passagers perdent le combat :

Citer
C'est facile de dire : "Pourquoi n'ont-ils pas compensé au manche ?". Parce qu'ils descendent à 20 degrés en piqué (ce qui est beaucoup, une approche d'atterrissage normale est de 3°) et à 400 nœuds (740 km/h). Alors vous tirez comme vous pouvez. Et l'avion ne réagit pas au plus fort mouvement du manche à balai depuis le décollage. Ils tirent encore plus fort, l'avion ne réagit pas et ils se battent pour leur vie et celle de tous les passagers.
Une analyse diligente de sécurité aurait permis de prédire ce résultat. Ni Boeing ni la FAA ne semblent l’avoir fait après l’écrasement du premier 737 MAX. Ils ont fourni des consignes de navigabilité insuffisantes pour corriger le mauvais comportement du système.

De plus, leur description du MCAS était incomplète. On sait seulement maintenant que le MCAS règle le stabilisateur à une vitesse de rotation de 0,27 unité (degrés) par seconde alors que le compensateur électrique du pilote déplace le stabilisateur de seulement 0,18 unité par seconde :

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"C'est comme s’il y avait un diable de Tasmanie là-dedans", dit Dennis Tajer, pilote de 737 et porte-parole d’Allied Pilots Association, qui représente les pilotes d'American Airlines.
...
Si le MCAS continue de merder, et si les pilotes ne coupent pas complètement le compensateur électrique, le résultat est ce que Tajer décrit comme un scénario deux pas en arrière et un pas en avant, avec avantage pour le MCAS.

"Le MCAS ne connaît qu'une seule vitesse de réglage, soit 0,27 degrés par seconde, qui est la vitesse la plus agressive ", dit Tajer. "Si vous regardez le bilan, c’est le MCAS qui est en train de gagner, pendant que vous perdez."
Les conseils insuffisants donnés aux pilotes après le premier crash viennent s’ajouter à la longue liste des erreurs criminelles que Boeing a commises et que la FAA a laissé passer.

Aujourd’hui, le Washington Post fait état d’un autre défaut logiciel que la FAA a exigé de corriger :

Citer
Boeing a confirmé au Washington Post qu'il avait trouvé un deuxième problème logiciel que la Federal Aviation Administration avait ordonné de corriger - indépendamment du système qui fait l'objet d'une enquête dans les deux accidents et qui est impliqué dans l'immobilisation au sol de l'avion, dans le monde entier.

Ce problème supplémentaire concerne les logiciels affectant les volets et d'autres équipements de commande de vol et est donc classés comme critique pour la sécurité des vols, ont déclaré deux responsables au courant de l'enquête.
Les criminels de Boeing n’offrent encore une fois aucune explication et minimisent le problème :

Citer
Dans un communiqué, Boeing a qualifié le problème supplémentaire de "relativement mineur", mais n'a pas donné de détails sur la façon dont il affecte le système de commandes de vol de l'avion. "Nous prenons des mesures pour traiter en profondeur cette question relativement mineure et nous avons déjà la solution pour y parvenir ", dit-il.
Quelles autres « caractéristiques » ont été secrètement mises en œuvre dans le 737 MAX sans une analyse suffisante de leurs effets secondaires et de leurs conséquences ?

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.
« Modifié: 09 avril 2019, 11:26:31 am par JacquesL »