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Auteur Sujet: Celui qui calcula les cordes pour être l'homme au sommet.  (Lu 1393 fois)

JacquesL

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Celui qui calcula les cordes pour être l'homme au sommet.
« le: 15 décembre 2012, 07:03:05 pm »
En conversations d'étudiants au Resto-U (années soixante, donc), j'avais appris que Louis Lachenal et Lionel Terray avaient écrit avoir à se plaindre de l'égocentrisme et de la mégalomanie de Maurice Herzog, sa manie de marcher sur la tête des autres. Ce ne fut que grâce à la cordée de secours par Gaston Rébuffat et Lionel Terray, que Lachenal et Herzog furent redescendus vivants de l'Annapurna.
Novembre 1955, Louis Lachenal tomba dans un pot, en descendant la Vallée Blanche à skis.

Plus tard (1973), René Desmaisons publia que son épouse Simone avait tenté en vain de secouer Maurice Herzog pour lancer à temps une expédition de sauvetage au sommet des Grandes Jorasses.
Sur place en février 1971 à Chamonix,  le journaliste Jean-Francis Held est le témoin de ce complot silencieux entre guides au dessus de tous soupçons, pour laisser mourir dans la paroi ce Desmaisons qu'ils jalousent, et les accuse clairement dans les colonnes du Nouvel Observateur.

Gérard Devouassoux, celui qui vint délivrer Desmaisons de la vire où Serge Goussault était mort depuis cinq jours, accusera le maire de Chamonix, Maurice Herzog : “Je ne puis me défendre de penser que ce pauvre Desmaison n’était pas un personnage tellement intéressant à sauver.”

Maurice Herzog adulé depuis 1951 comme un Lindbergh français, sa mégalomanie gonfla encore quand le régime gaulliste de 1958 en fit son symbole sportif.
http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2012/12/14/l-alpiniste-et-ancien-ministre-maurice-herzog-est-mort_1806643_3382.html
http://www.lemonde.fr/livres/article/2012/12/14/un-heros-le-portrait-feroce-de-maurice-herzog-par-sa-fille_1759773_3260.html
http://www.lemonde.fr/sport/article/2012/09/13/herzog-devisse_1760048_3242.html
http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2011/02/24/il-y-a-40-ans-l-affaire-des-grandes-jorasses
Citation de: Lionel Terray
"Oubliant délibérément la notion trop abstraite de victoire d'équipe, afin de cristalliser l'intérêt des lecteurs sur le personnage traditionnellement fabuleux du chef, les journaux élevèrent Herzog au rang de héros national, les autres membres de l'expédition, Lachenal compris, étant relégués dans des rôles de simples comparses"
notera Terray dans Les Conquérants de l'inutile (Gallimard, 1961).

Seules les images de Marcel Ichac tirent de l'oubli les porteurs népalais, dont les noms sont oubliés, mentionnés nulle part, qui descendirent chacun un des alpinistes mutilés sur son dos, en tenant un équilibre impossible.

Citation de: Francis de Noyelle
"J'ai passé ma vie à être son faire-valoir, mais c'est un grand bonhomme, se souvient l'officier de liaison pour l'Annapurna. Il était l'âme de l'expédition. Comme Eisenhower, il commandait au charme. Je n'ai rien à lui reprocher. Enfin, il avait tout de même calculé la longueur des cordes pour que ce soit lui qui atteigne le sommet !"

Le témoignage de sa fille Félicité sur cet hémiplégique de la pensée, ne doit être sauté à aucun prix.
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Le vrai héros de ce beau livre n'est pas celui qu'on croit, celui qui attire tous les regards, fascine, repousse, séduit : Maurice Herzog, le père de l'auteur et narratrice de ce premier roman. Le portrait est féroce. Félicité Herzog ne se contente pas de mettre en cause un père négligent, elle déboulonne minutieusement la statue de cette légende française, alpiniste parti à la conquête de l'Annapurna en 1950, à 31 ans, revenu mutilé de cette expédition, célébré pour avoir été le premier à "vaincre" un sommet de plus de 8 000 mètres d'altitude. Ancien résistant, il est devenu secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports de De Gaulle (entre 1958 et 1965) et député UDR.

MORT TROP TÔT

Mais ce n'est certainement pas le désir de régler ses comptes avec un vieil homme qui a poussé Félicité Herzog à écrire. C'est plutôt la dette qu'elle pense avoir à l'égard d'un jeune homme mort trop tôt, son frère aîné, Laurent. Elle aurait voulu pouvoir barrer la route à la tragédie, au terrible destin de cet enfant très doué, dont on a refusé de voir les difficultés, la folie même. "L'aveuglement général : des parents, des fratries recomposées, des tantes, des curés, des copains, des professeurs."

Laurent est donc le vrai "héros" silencieux de ce récit, celui que cette famille a détruit. Pas seulement le père trop absent, avec son autre vie, ses autres enfants, son désir perpétuel de séduire, et son image de demi-dieu. Mais aussi la mère, qui récuse tout ce que dit Félicité sur l'état de Laurent. Et tout un milieu social, aristocratie et haute bourgeoisie très fortunée, où règnent avant tout l'hypocrisie, les convenances et le mensonge.

Un héros, de Félicité Herzog, Grasset, 302 p., 18 €.

Citation de: Bruno Lesprit
A l'occasion de la mort, annoncée vendredi 14 décembre, de l'alpiniste et ancien ministre Maurice Herzog, nous republions cet article paru dans le supplément Sport & Forme daté du 14 septembre.
Ce n'est certes pas la première fois que la statue de Maurice Herzog vacille sur ses cimes. Mais l'affaire prend aujourd'hui une ampleur de tragédie grecque en raison de l'identité de l'iconoclaste : sa fille, Félicité, auteure d'un premier roman, Un héros (Grasset, 304 p., 18 €), dont le vainqueur de l'Annapurna n'est pourtant pas le personnage principal. Ce serait plutôt un autre de ses enfants, Laurent, l'aîné schizophrène, victime sacrificielle d'un héritage si encombrant qu'il peut détruire la descendance : l'épopée du "premier 8 000", conquis le 3 juin 1950, cristallisée depuis autour du "Moloch de l'Himalaya", qui paya de ses doigts et orteils le prix de son exploit.

L'écho médiatique a insisté sur les passages que la morale réprouve : le donjuanisme d'un "cannibale du sexe", multipliant les conquêtes féminines après celles des sommets, libidineux envers sa propre fille, alors que le gaullisme avait érigé son "M. Sports" en modèle pour la jeunesse. L'essentiel est ailleurs. "Le drame de mon père est l'incommunicabilité de son expérience", écrit Félicité Herzog avant d'en préciser les raisons : "C'est un hémiplégique de la sensibilité, sauf à l'égard de ceux qui ont connu des amputations - les mêmes souffrances que lui. Pour sauver les apparences d'une ascension de légende, il a réécrit l'histoire, trahi et négligé son entourage sans jamais avoir le sentiment d'avoir fait mal puisque la société le jugeait si bien."

"PEUT-ON SOULEVER UNE TELLE MONTAGNE?"

Le coup est rude. Règlement de comptes intime ? "On ne peut pas basculer de mode héros à mode salaud", répond l'auteure. De fait, ce père est parfois évoqué avec une tendre admiration : "Les cheveux poivrés, la mèche peignée, le teint hâlé, la lèvre supérieure surlignée d'une fine moustache", il "incarnait pour nous un être fabuleux". Plus loin, est décrit "le jeu de ses mains belles, brunes et mutilées, tapotant impatiemment le coude du fauteuil d'un de ses doigts reprisé comme un bas de laine par les chirurgiens à son retour de l'Annapurna".

Ces images sont précisément celles qu'a longtemps contemplées la principale adversaire de Félicité Herzog, la mémoire collective. Depuis plus de soixante ans, celle-ci refuse obstinément que l'on ose égratigner le grand "Momo", en l'obligeant à se conformer à sa légende, quitte à l'embellir. "Peut-on soulever une telle montagne ?, s'interroge sa fille. On a l'impression de violer quelque chose de fondamental. Cette irréfutabilité me semble avoir été un élément déclencheur de la maladie de mon frère." Aujourd'hui âgé de 93 ans, Maurice Herzog n'est pas en mesure de réagir, "alité et incapable d'être interviewé", nous a affirmé son épouse, Elisabeth, qui ajoute qu'"il n'a pas percuté" à la lecture du livre.

FAITS DE RÉSISTANCE

Pourquoi un roman ? Parce que ce serait la forme la plus appropriée pour répondre à un best-seller publié par Arthaud en 1951 - avec l'exagération qui le caractérise, Herzog revendique 20 millions d'exemplaires -, Annapurna, premier 8 000. "Lui-même a accompli un travail de romancier, et c'est pour cela que ça a marché, constate sa fille. Les dialogues sont reconstitués, comme les explorateurs revenant de contrées lointaines le faisaient autrefois." La photo de couverture avec Herzog brandissant un fanion tricolore au bout de son piolet a fait le tour du monde en incarnant le sursaut national après l'Occupation. La France se découvrait des héros. Herzog, en majesté. Avec Louis Lachenal, il avait atteint le sommet, où lui était apparue sainte Thérèse d'Avila. Chef de l'expédition, il avait été choisi par son ami Lucien Devies, le tout-puissant patron de l'alpinisme français. Outre ses talents d'organisateur, il avait à son actif des faits de résistance dans le massif du Mont-Blanc. Et était employé de l'entreprise de pneumatiques Kléber-Colombes, qui contribua au financement.

Ce séducteur, comparé à Clark Gable, éloquent, mondain, affole les coeurs. Les médias, à commencer par Paris Match, qui avait obtenu avec Arthaud l'exclusivité, le glorifient en "une" au détriment de ses compagnons, Louis Lachenal et Lionel Terray, pourtant la plus prestigieuse cordée de l'époque, ou Gaston Rébuffat. "Oubliant délibérément la notion trop abstraite de victoire d'équipe, afin de cristalliser l'intérêt des lecteurs sur le personnage traditionnellement fabuleux du chef, les journaux élevèrent Herzog au rang de héros national, les autres membres de l'expédition, Lachenal compris, étant relégués dans des rôles de simples comparses", notera Terray dans Les Conquérants de l'inutile (Gallimard, 1961).

FEUX DE LA RAMPE

L'expédition avait quitté Orly le 30 mars 1950 dans une grande discrétion, le jour de la mort de Léon Blum. A son retour déferle une vague spontanée d'"annapurnisme". Les 100 000 premiers exemplaires du livre, épuisés en un mois, ont été précédés par une série de conférences autour du documentaire de Marcel Ichac, un des cinq autres protagonistes avec les alpinistes Jean Couzy et Marcel Schatz, le médecin Jacques Oudot et le diplomate Francis de Noyelle. Trois étaient programmées initialement Salle Pleyel, à Paris. Il y en aura une trentaine et 600 dans toute la France. Le pays s'émeut du martyre d'Herzog et Lachenal à la descente, une course-poursuite pendant cinq semaines contre la mousson et les avalanches qui traversent la jungle et les rizières.

Pendant que ses compagnons retournent à leurs activités, Herzog ne quitte plus les feux de la rampe. Porté à la présidence du Club alpin français, bardé de distinctions, il peut rencontrer ses semblables, les grands de ce monde. Il entre dans la famille gaulliste en 1958 en étant nommé, sur la recommandation d'André Malraux, haut-commissaire (puis secrétaire d'Etat) à la jeunesse et aux sports, un poste qu'il occupera pendant huit ans, avant d'être maire de Chamonix de 1968 à 1977. Selon sa fille, son admiration pour le Général se reportera plus tard sur Jean-Marie Le Pen.

ASTICOTS MONSTRUEUX

"Je n'ai pas une très grande amitié pour Herzog, et ce sentiment est réciproque, prévient d'emblée l'ancien président du Conseil constitutionnel et alpiniste Pierre Mazeaud, qui dirigea l'expédition française victorieuse sur l'Everest en 1978. Il s'est souvent servi de sa souffrance, incontestable, pour sa carrière politique et pour entrer ensuite dans les conseils d'administration. Sa vie politique a été assez brève. Elu dans le Rhône en 1962, il a été battu. Avec le mythe, il aurait pu être député à vie. S'il avait fait son boulot."

Herzog ne ménage pourtant pas ses efforts pour entretenir son aura, ajoutant régulièrement à sa geste des éléments accueillis dans l'incrédulité. Au fil de ses Mémoires, on apprend que ce Prométhée a échappé lors du retour de l'Annapurna à un "aigle d'envergure colossale" puis à un tigre. Il y eut aussi l'anecdote des asticots monstrueux, libérés par le retrait de ses bandages, qui bondirent et attaquèrent le personnel soignant. Tout pêcheur niera que de telles bêtes puissent sauter...

Obsédé par le film Elephant Man, il rêve de convaincre David Lynch de porter sa vie à l'écran. La mythomanie se double logiquement d'une effarante mégalomanie : "D'égal à égal, dorénavant, je dialoguais avec les 8 000, ces géants qui m'entouraient", "Je me sentais l'élu de Dieu", etc. Le messie assure qu'Annapurna, premier 8000 s'est temporairement mieux vendu que la Bible dans le monde. "Mon père avait tendance à affabuler, raconte Félicité Herzog. Enfant, je sentais qu'il trichait. Il a joué son rôle et s'est enfermé dedans avec sa supériorité historique et sa tragédie personnelle, l'une alimentant l'autre." A-t-il pu mentir sur tout ? Un héros ose briser le tabou suprême - la réalité de la "victoire" - en imaginant "un pacte inavouable" entre Herzog et Lachenal. Cette hypothèse avait été soulevée en 2008 par l'écrivain et historien de l'alpinisme Yves Ballu dans un autre roman, La Conjuration du Namche Barwa (Glénat).

"DÉPERSONNALISATION, LÉGÈRE NAZIFICATION"

"Herzog ne ment plus aujourd'hui. Il a fini par se persuader qu'il est ce qu'il croit qu'il est, constate Yves Ballu. Il est intouchable après avoir sacrifié ses mains et ses pieds à la France dans une expédition non seulement nationale, mais nationaliste. C'était l'apogée et la fin de l'alpinisme colonial. Le sommet signifiait la possession, la conquête. Herzog, parce qu'il était parisien et les autres chamoniards, avait mesuré cet enjeu." Cocardier, il n'était pourtant pas le seul. "Notre race si décriée avait donné au monde le plus bel exemple de ses vertus immortelles", s'enflammera ainsi Terray.

Il faudra attendre 1996 pour que deux livres écornent la légende. Gaston Rébuffat, la montagne pour amie (Hoëbeke), d'Yves Ballu, révèle le malaise du guide. "Ah, si Herzog, au lieu de perdre ses gants, avait perdu les drapeaux, comme j'aurais été heureux !", s'écrie Rébuffat, qui évoque une "dépersonnalisation, légère nazification" lors de la cérémonie d'allégeance au chef de l'expédition et dénonce la "censure" exercée par le Comité himalayen sur les écrits de l'Annapurna. Cette dernière accusation est étayée par une nouvelle version des Carnets du vertige, de Lachenal (Michel Guérin), publiés à l'origine en 1956, après la mort du guide dans la Vallée blanche. Celle-ci rétablit les coupes pratiquées par Herzog, par son frère Gérard - qui avait mis en forme Annapurna, premier 8 000 - et par Lucien Devies. L'opposition entre le conquérant et l'alpiniste de métier - qui y a perdu lui aussi ses pieds - prend une tournure dramatique, quand leurs extrémités commencent à geler. "J'estimais que s'il continuait seul, il ne reviendrait pas, écrit Lachenal. C'est pour lui et pour lui seul que je n'ai pas fait demi-tour. Cette marche au sommet n'était pas une affaire de prestige national. C'était une affaire de cordée."

"IL COMMANDAIT AU CHARME"

Le 13 novembre 1996, Herzog réagit dans une lettre au Monde. Il affirme que "tout a été dit dans le livre Annapurna, premier 8 000" et que ses "compagnons d'expédition, y compris Louis Lachenal, ont approuvé son contenu". Alors, "peu importent ces réécritures tardives et bien mesquines au regard de cette victoire historique. Les faits sont là. Personne ne les conteste".

La polémique reprend pourtant de plus belle en 2000, lors du cinquantenaire de l'expédition, avec la publication d'Annapurna, une affaire de cordée (Michel Guérin), une enquête du journaliste américain David Roberts, désastreuse pour Herzog. Pour la contre-offensive, le patriarche n'est guère aidé par son cercle d'idolâtres. Dernière adhérente en date, Catherine de Baecque, ancienne lanceuse de marteau, qui fut la première à dénoncer les agressions sexuelles dans le sport de haut niveau, vole à son secours avec Maurice Herzog, le survivant de l'Annapurna (Arthaud, 2011), une hagiographie digne de la collection Harlequin. Pour sa défense, mieux vaut interroger l'autre dernier survivant, Francis de Noyelle, 92 ans. "J'ai passé ma vie à être son faire-valoir, mais c'est un grand bonhomme, se souvient l'officier de liaison pour l'Annapurna. Il était l'âme de l'expédition. Comme Eisenhower, il commandait au charme. Je n'ai rien à lui reprocher. Enfin, il avait tout de même calculé la longueur des cordes pour que ce soit lui qui atteigne le sommet !"

"C'EST LUI QUI AVAIT LA FOI"

Sa filleule, Marie-Laure Tanon, fille de Lucien Devies, lui reconnaît "quantité de défauts", mais déplore que "démolir Herzog fasse vendre aujourd'hui". "Le point commun de ces critiques est de réécrire l'histoire de l'Annapurna à la lumière de ce qu'il est devenu ensuite, analyse-t-elle. C'est une erreur classique et complète. Herzog a été un remarquable chef d'expédition, il a maintenu l'unité de l'équipe alors que le pari était limite. Personne n'aurait été surpris s'ils avaient échoué. C'est lui qui avait la foi."

Lors du cinquantenaire de l'expédition, l'écrivain et alpiniste Pierre Chapoutot estimait pour sa part que "le récit de Maurice Herzog a lui-même désigné les vrais héros : ce sont Terray et Rébuffat, sans qui les vainqueurs du sommet n'auraient jamais survécu". Dans son roman, Félicité Herzog n'oublie pas les sherpas et porteurs népalais, "compatissants mais magnanimes devant cette punition somme toute divine", frappant "un homme qui s'était pris pour un dieu".

Bruno Lesprit


Itinéraire d'un héros

1919 Naissance le 15 janvier à Lyon.

1944 Combat l'occupant au sein d'un bataillon de chasseurs alpins.

1950 Atteint le 3 juin, avec Louis Lachenal, le sommet de l'Annapurna (8 091 m), au Népal.

1951 Publication d'Annapurna, premier 8 000 (Arthaud).

1958-1966 Haut-commissaire puis secrétaire d'Etat à la jeunesse et aux sports.

1968-1977 Maire de Chamonix.

1970-1994 Membre du Comité international olympique.

1998 Relate ses souvenirs dans L'Autre Annapurna (Robert Laffont) puis dans Renaître (Jacob Duvernet, 2007).

2012 Sortie du premier roman de sa fille, Félicité, Un héros (Grasset).

Présentation du dit "roman" par les éditions Grasset :
http://www.grasset.fr/automne_romanesque_2012/herzog.html

Citation de: Félicité Herzog
Je regardais notre visiteur qui à présent, assis dans un fauteuil à contre-jour dans le salon du rez-de-chaussée, nous parlait. Ou plus exactement monologuait. Les voilages gris absorbaient la lumière de la rue, coupée par la hauteur de la poste dont le bâtiment moderne, érigé rue de la Pompe quelques années auparavant, avait dénaturé le carrefour villageois et porté fatalement une ombre sur notre maison. Les cheveux poivrés, la mèche peignée, le teint hâlé, la lèvre supérieure surlignée d'une fine moustache, mon père, à cinquante-cinq ans, ceinturé d'un costume trois pièces et d'une chemise Charvet, incarnait pour nous un être fabuleux. Des yeux de velours, émerveillés par son ascension surhumaine nimbée de sacrifice. Il avait connu la gloire, toutes les gloires. Au fil de ses succès politiques et mondains, il avait conquis une aisance étourdissante en société et alternait un paternalisme, une verve et des railleries devant lesquelles nous nous tenions cois. J'ai perdu le souvenir des propos. Mais était-ce la musique entre ses mots, le jeu de ses mains belles, brunes et mutilées, tapotant impatiemment le coude du fauteuil d'un de ses doigts reprisé comme un bas de laine par les chirurgiens à son retour de l'Annapurna, sa silhouette se levant rapidement pour vérifier la présence d'un livre ancien dans la bibliothèque, tendue vers l'avant, perchée sur les talons qui lui restaient grâce aux chaussures compensées qui lui étaient faites sur mesure ? Ce talent de feindre ne pouvait appartenir qu'aux grands acteurs, ceux qui savent se présenter sous le jour le plus flatteur, régler d'avance l'angle de leur profil, moduler le timbre de leur voix selon l'émotion, livrer une version des faits toujours favorable, capter de manière habile la conversation. Quelque chose en lui n'était pas vrai. Je l'écoutais attentivement, absorbée par son charme, ses fluides, et la constatation me vint simplement à l'esprit qu'il mentait.
« Modifié: 15 décembre 2012, 09:11:51 pm par JacquesL »