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Auteur Sujet: Sortir de la souffrance au travail : pas sans changer de gouvernance !  (Lu 1552 fois)

JacquesL

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Sortir de la souffrance au travail : pas sans changer de gouvernance !

http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/07/sortir-de-la-souffrance-au-travail-pas-sans-changer-de-gouvernance_1488697_3232.html
http://www.lemonde.fr/imprimer/article/2011/03/07/1488697.html
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Sortir de la souffrance au travail: pas sans changer de gouvernance !
LEMONDE.FR | 07.03.11 | 09h46

Christophe Dejours, spécialiste reconnu des problèmes de souffrance au travail en France, proposait dans les pages du Monde un diagnostic sans complaisance des méthodes de management qui déshumanisent le travail au sein des entreprises et des administrations.

Pointant l'éclatement des collectifs de travail et le déficit de coopération qu'induisent des méthodes individualisées de management porteuses de rivalité et d'agressivité dans les rapports sociaux au travail, Christophe Dejours souligne que même les dirigeants commencent à "souffrir sérieusement de la déstructuration du vivre ensemble à la tête des entreprises, des administrations et de l'Etat".

Jusqu'ici son diagnostic converge avec une diversité de courants critiques, dont celui inscrit au sein même des sciences de gestion, qui dénonce les effets pervers d'un managérialisme prônant la rationalité managériale comme unique vision du monde de l'entreprise. Là s'arrête la convergence, car Christophe Dejours situe d'emblée les sciences de gestion en tant que sources du problème, pour prôner un retour aux sciences du travail dans l'accompagnement des dirigeants.

Le problème se résumerait ainsi à un déficit d'expertise de la part des dirigeants en matière de "travail concret", les empêchant d'apporter une "assistance technique" aux employés.

Une telle proposition ne peut que laisser perplexe. Le fait de se parer du nom de science pour penser et promouvoir des organisations du travail qui relèvent par nature de choix politiques et sociaux, n'est-il pas à l'origine des dérives mêmes qu'il s'agit ici de stopper ? En proposant une solution scientifique à ce qui est fondamentalement un problème d'ordre social et politique, et en dressant de surcroît les sciences les unes contre les autres, Christophe Dejours semble paradoxalement s'inscrire dans la logique même qu'il vise à dénoncer. Tout comme les managers qui lancent des programmes de restructuration ou introduisent de nouveaux dispositifs de gestion, il tend ainsi à naturaliser les choix politiques et sociaux sous-jacents aux pratiques de management sous couvert d'une apparente rationalité scientifique.

Assurément, les réponses au problème de la souffrance au travail ne peuvent être de même nature que les processus qui sont à son origine. La souffrance des salariés trouve principalement sa source dans l'accélération des pressions au rendement financier et la perte de sens et de finalité du travail, toutes deux induites par le détournement organisé et systématique des appareils productifs au bénéfice d'une petite élite qui a su infléchir les politiques publiques pour obtenir les coudées franches dans la vaste entreprise de pillage que constitue le néo-libéralisme contemporain.

Ce sont ces choix de gouvernance, opérés bien en amont des situations de travail concrètes mais pesant sur leurs ressources, leurs méthodes et leurs finalités, qu'il devient urgent de questionner, toutes sciences sociales confondues, pour restaurer la visée émancipatrice qu'une perspective critique s'attache aujourd'hui à porter.

C'est en remontant la chaîne des responsabilités, depuis les situations de travail concrètes jusqu'aux grands choix nationaux d'ouverture des marchés, de privatisation des systèmes productifs et de dérégulation du travail, que l'on pourra inverser la tendance à l'oppression qui n'a cessé de croître dans le monde du travail ces dernières années. C'est dans cette direction qu'un certain nombre de projets relevant de diverses sciences sociales sont dores et déjà engagés, qui relient la question de la souffrance au travail aux choix de gouvernance des entreprises et des administrations et incitent les acteurs, salariés, syndicats, mais aussi cadres et décideurs, à retrouver la part d'émancipation offerte par une perspective critique apte à questionner, au delà des méthodes et techniques utilisées, les missions dévolues aux organisations et le sens donné au travail, pour jeter véritablement les bases de leur refondation.

Florence Palpacuer, enseignant-chercheur en sciences de gestion à l'Université Montpellier 1, membre du conseil scientifique d'Attac France