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Auteur Sujet: La force armée est devenue au XVIe siècle une maladie chronique...  (Lu 1110 fois)

JacquesL

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En marge de ce que Macchiavelli nous avait appris :" Mais avec les princes, il n'y a que les armes".
Citer
Jean-Marc CHADELAT : LE SACRE DE LA FORCE ARMÉE DANS LES
ESSAIS DE MONTAIGNE ET LES « HISTOIRES ANGLAISES » DE
SHAKESPEARE
Actes du Congrès de l’Association Française Shakespeare, 2003

L’univers des Essais et des pièces historiques anglaises résonne du cliquetis des armes dans
le cadre des conflits dynastiques, des luttes religieuses ou des guerres civiles évoqués par
Montaigne dans une optique philosophique et par Shakespeare dans une perspective
dramatique. L’omniprésence de la force armée ne se réduit pas cependant à une réflexion sur
la permanence historique de la guerre ou bien sur le caractère inhérent de ce fléau à la nature
humaine. Bien que pour Montaigne les guerres de religion constituent la toile de fond de son
oeuvre ainsi qu’une matière propice à l’expression de son scepticisme alors que pour
Shakespeare la mise en scène de la guerre constitue une convention du genre historique et un
horizon d’attente de son public, la figuration littéraire que ces deux auteurs nous proposent de
la force armée à cette époque de transition que fut le XVIe signale une véritable révolution
militaire qui remet en question le rôle et la place de la force armée au sein des sociétés protomodernes
et entraîne un changement en profondeur de la nature de la guerre, de sa conduite
et de ses acteurs.
La première rupture se traduit par la substitution des conflits hégémoniques manifestant la
puissance royale aux luttes dynastiques d’autrefois visant avant tout à rétablir le droit. Cette
mutation, qui s’exprime notamment par un déplacement juridique du jus ad bellum au jus in
bello, est indissociable de l’essor du sentiment national et de la concentration monarchique du
pouvoir. La conduite de la guerre est marquée quant à elle par une expansion à des espaces
et des domaines jusque-là épargnés et une extension temporelle réduisant la paix à une trêve
qui s’expliquent davantage par une autonomisation de la force armée édictant ses propres
règles que par des avancées technologiques ou tactiques limitées. L’autonomie de la raison
guerrière qui fait de la force armée un fait constitutif de l’histoire proto-moderne s’accompagne
enfin d’une dernière transformation affectant l’origine, le nombre et le recrutement des
combattants. Le service féodal d’une caste fermée et peu nombreuse cède en effet la place à
une nouvelle organisation militaire largement fondée sur une infanterie constituée de
mercenaires ou de volontaires recrutés dans le peuple. Cette montée en puissance
quantitative, qui a des conséquences au plan tactique, renforce surtout, au détriment du code
d’honneur chevaleresque, la conception stratégique d’une victoire décisive.
De remède énergique employé principalement pour châtier un coupable ou redresser un tort
qu’elle était à l’époque médiévale, la force armée est devenue au XVIe une maladie chronique
du politique qui subordonne désormais la justice d’une cause au rapport des forces en
présence.