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Auteur Sujet: 8 mai 1945 : Emeutes à Sétif, et répression immense. Enquête de commandement.  (Lu 5608 fois)

JacquesL

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Le colonel fictif du film "Mon colonel" le rappelle en termes ambigus : si à l'occasion des émeutes de Sétif de mai 1945...
Oui, mais il n'explicite pas qui il fallait punir : les organisateurs des manifestations, ou ceux des massacres à l'artillerie de marine et aux bombes d'aviation ?

Rouvrons ce dossier que nous connaissons si mal.
Liens en référence :
http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19450508
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_de_S%C3%A9tif_et_Guelma
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20050507.OBS5966/le_8_mai_1945les_emeutes_de_setif.html
http://communisme.wordpress.com/2008/05/08/8-mai-1945-massacre-de-setif/

Ouvrage dont je viens d'apprendre l'existence, évidemment non encore consulté :
Sétif 1945 : Histoire d'un massacre annoncé, de Jean-Louis Planche, à la Librairie Académique Perrin.
  
Le principal livre de référence que j'ai, commence au 20 janvier 1946, quand la 4e République commence à exister au départ de Charles de Gaulle. Inutilisable donc.
Le commandement est donc bien, au moins nominalement dans les mains du gouvernement provisoire de Charles de Gaulle. Mais a-t-il réellement prise sur la chaîne de commandement et de renseignements ?

Citation de: Hérodote
8 mai 1945
Répression sanglante à Sétif


Le 8 mai 1945, le jour même de la victoire alliée sur le nazisme, de violentes émeutes éclatent à Sétif, en Algérie.
Origines du drame

Dans les départements français d'Algérie, certains musulmans espèrent que sera mis en application le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Parmi eux Messali Hadj, chef du PPA (Parti Populaire Algérien), interdit depuis 1939.

Messali Hadj ayant été jeté en prison, 20.000 de ses partisans défilent le 1er mai 1945 à Alger en sa faveur. Le matin du 8 mai, une nouvelle manifestation survient à Sétif aux cris de «Istiqlal , libérez Messali».

Les militants du PPA ont reçu la consigne de ne pas porter d'armes ni d'arborer le drapeau algérien mais un scout musulman n'en tient pas compte et brandit le drapeau au coeur des quartiers européens.

La police se précipite. Le maire socialiste de la ville, un Européen, la supplie de ne pas tirer. Il est abattu de même que le scout. La foule, évaluée à 8.000 personnes se déchaîne et 27 Européens sont assassinés dans d'atroces conditions. L'insurrection s'étend à des villes voisines, faisant en quelques jours 103 morts dans la population européenne.

La répression est d'une extrême brutalité. L'aviation elle-même est requise pour bombarder les zones insurgées. Après la bataille, les tribunaux ordonnent 28 exécutions et une soixantaine de longues incarcérations (*). Officiellement, les autorités françaises estiment que le drame aura fait 102 morts chez les Européens et 1.500 chez les musulmans. Les autorités algériennes parlent aujourd'hui de 45.000. Les historiens spécialistes évoquent quant à eux 8.000 à 20.000 morts.
Une opinion indifférente

Le drame passe inaperçu de l'opinion métropolitaine qui a la tête ailleurs du fait de la capitulation de l'Allemagne, le même jour. Le quotidien communiste L'Humanité assure que les émeutiers seraient des sympathisants nazis !

Les émeutes de Sétif consacrent la rupture définitive entre les musulmans et les colons d'Algérie et annoncent la guerre d'indépendance.

Citation de: Wikipedia
Massacres de Sétif et Guelma
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Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata sont des répressions sanglantes d'émeutes nationalistes qui sont survenues en 1945 dans le département de Constantine en Algérie durant la période coloniale française.

Elles débutent le 8 mai 1945 : pour fêter la fin des hostilités et la victoire des Alliés sur les forces de l'Axe, un défilé est organisé. Les partis nationalistes algériens, profitant de l'audience particulière donnée à cette journée, décident par des manifestations pacifiques de rappeler leurs revendications patriotiques. Après des heurts entre policiers et nationalistes, les manifestations dégénèrent en émeutes et provoquent d'abord des massacres d'Européens dans les régions de Sétif et Guelma. L'armée française exerce alors une répression qui va prendre des proportions considérables et durer plusieurs semaines[1].

Il y aura parmi les Européens plus d'une centaine de morts et autant de blessés. Le nombre des victimes autochtones, difficile à établir, est encore sujet à débat ; les autorités françaises de l'époque fixèrent le nombre de tués à 1 165, un rapport des services secrets américains à Alger en 1945 notait 17 000 morts et 20 000 blessés, le gouvernement algérien avance le nombre de 45 000 morts, alors que suivant les historiens le nombre varie de 8 000 (Charles-Robert Ageron, Charles-André Julien) à 45 000 victimes.
Pour Benmebarek, l'administrateur en charge de la région de Sétif lors du massacre, il s'élèverait à deux mille morts[réf. nécessaire]. Commémorée chaque année en Algérie, elle « a servi de référence et de répétition générale à l'insurrection victorieuse de 1954 »[2].
Sommaire

    * 1 Prélude
          o 1.1 Le contexte
          o 1.2 Manifestations nationalistes
          o 1.3 Le 8 mai
    * 2 Le massacre
    * 3 Réactions
    * 4 Le nombre des victimes
    * 5 Conséquences
    * 6 Reconnaissance de la responsabilité française
    * 7 Notes et références
          o 7.1 Articles connexes
          o 7.2 Liens et documents externes
          o 7.3 Bibliographie
          o 7.4 Filmographie

Prélude
Le contexte

La révolution nationale pétainiste avait renforcé en Algérie entre octobre 1940 et novembre 1941 les partisans d'un ordre colonial brutal, sous les ordres du général Weygand. Mais, avec le débarquement américain en novembre 1942, les conditions politiques changent. L'entrée en guerre de l'Afrique du Nord aux côtés des Alliés qui se prépare se traduit par une importante mobilisation : 168 000 Français d'Afrique du Nord[3] sont mobilisés, soit 20 classes. La population d'Européens d'Afrique du Nord étant à cette époque de 1 076 000 personnes[3], l'effectif sous les drapeaux en représentait donc 15,6 %, soit une personne sur six ou sept. Il faut donc souligner la faiblesse des effectifs laissés sur place[4].

Pour la première fois est appliquée la conscription aux musulmans qui jusqu'alors en étaient dispensés, ce qui en conduit environ, sur quelques 7 millions, 150 000 sous les drapeaux. Messali Hadj, chef du principal mouvement nationaliste algérien, le Parti du peuple algérien (PPA, clandestin), reste emprisonné. Ferhat Abbas, dirigeant des Amis du Manifeste et de la Liberté, demande que les musulmans qui s'apprêtent à entrer en guerre soient assurés de ne pas rester « privés des droits et des libertés essentielles dont jouissent les autres habitants de ce pays. »[5].

Le 7 mars 1944, le Comité français de la Libération nationale adopte une ordonnance attribuant d'office la nationalité française, sans modification de leur statut civil religieux, à tous les Indigènes disposant de décorations militaires et de divers diplômes tels que le certificat d'études, etc. En 1945, environ 62 000 combattants en bénéficient, ce qui suscite diverses oppositions dans certains milieux européens en Algérie. Les dirigeants nationalistes algériens espèrent alors beaucoup de la première réunion de l'Organisation des Nations unies à San Francisco le 29 avril 1945.
Manifestations nationalistes

Au printemps 1945, l'ambiance est tendue parmi la population européenne où circulent des bruits alarmistes prédisant un soulèvement musulman. D'autant que l'Algérie connaît depuis quelques mois une situation alimentaire catastrophique, résultat de l'absence de presque tous les hommes valides. Messali Hadj est déporté à Brazzaville le 23 avril 1945. Le PPA organise des manifestations dans tout le pays le 1er mai qui se veulent pacifiques et sans armes, et où pour la première fois est brandi un « drapeau algérien ». Les manifestations se passent dans le calme sauf à Alger et Oran où ont lieu des affrontements avec la police ; la répression est brutale et fait quelques morts. Quelques jours plus tard, c'est l'annonce de la reddition allemande et de la fin de la guerre : des manifestations sont prévues un peu partout pour le 8 mai.

Selon Benjamin Stora[6], on pensait déjà depuis 1939 que les nationalistes d'Afrique du Nord étaient pilotés par les fascistes italiens ou les nazis allemands, que le Parti du peuple algérien était proche du Parti populaire français, alors que Messali avait soutenu le Front populaire et la République espagnole. Ce sentiment fut renforcé par le fait que le soulèvement eut lieu le jour de la victoire.
Le 8 mai

À Sétif, la manifestation autorisée commence à envahir les rues dès 8 heures, estimée à plus de 10 000 personnes[7], chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina (De nos montagnes), défile avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes « Libérez Messali », « Nous voulons être vos égaux » ou « À bas le colonialisme ». Vers 8h45 surgissent des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore le drapeau algérien. Tout dérape alors : devant le café de France, le commissaire Olivieri tente de s’emparer du drapeau, mais est jeté à terre. Des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitent dans la foule[8]. Un adolescent, Bouzid Saâl, s'empare du drapeau algérien mais est abattu par un policier[8]. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquent la panique. Les manifestants en colère s'en prennent aux Français et font en quelques heures 28 morts chez les Européens, dont le maire qui a cherché à s'interposer, et 48 blessés. L'armée fait défiler les tirailleurs algériens, mais, alors que l'émeute se calme à Sétif, dans le même temps, des émeutes éclatent aux cris du « Djihad » dans la région montagneuse de petite Kabylie, dans les petits villages entre Bougie et Djidjelli[7]. Des fermes européennes isolées et des maisons forestières sont attaqués et leurs occupants assassinés.

Le mouvement s'étend très rapidement, et, le soir même à Guelma, une manifestation s'ébranle. Le sous-préfet Achiary, un ancien résistant, fait tirer sur les manifestants[1]. On relève un mort et six blessés parmi les manifestants, 5 blessés dans le service d'ordre. Le cortège se disperse. Le sous-préfet dispose de trois compagnies de tirailleurs en formation, tous musulmans. Il consigne la troupe et fait mettre les armes sous clés. Un bataillon d'infanterie de Sidi-Bel-Abbès, convoyée par des avions prêtés par les Américains, arrive le 9 dans la journée pour évacuer des petits villages d'« européens » qui sont encerclés par les émeutiers.

Le témoignage de M.Lavie, minotier à Héliopolis, est instructif sur l'état de panique des Européens : « Dès la fin du méchoui du 8 mai, je décide de transformer le moulin neuf pour abriter la population d'Héliopolis, et tous les colons des environs que j'ai pu joindre. Au cours de l'après-midi, je fais construite un réseau de barbelés, long de 300 mètres, électrifié sous 3 000 volts et alimenté par le groupe électrogène de la minoterie. Meurtrières percées dans les murs d'entrée, portes obstruées par des herses renversées sur six mètres de profondeur et défendues par des feux croisés. La population protégée a vécu dans ces conditions pendant un mois jusqu'à ce que l'ordre soit rétabli. »[9].

Se produiront des violences contre les Européens dans le Constantinois, surtout dans les fermes isolées. Des femmes sont violées, des actes de barbarie sont commis. Le nombre total d'Européens tués aurait été de 102[10]. Parmi les victimes, on trouve des modérés du « troisième camp », tels le maire de Sétif, ou Albert Denier, le secrétaire du Parti communiste, qui aura les deux mains tranchées[1].
Le massacre

Le chef du gouvernement français provisoire, le général de Gaulle, ordonne l'intervention de l'armée [11] sous le commandement du général Duval dans une répression violente contre la population indigène. La marine y participe grâce à son artillerie, ainsi que l'aviation. Le général Duval rassemble toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes[7]. Ces troupes viennent de la Légion étrangère, des tabors marocains qui se trouvaient à Oran en passe d'être démobilisés et qui protestent contre cette augmentation de service imprévue, une compagnie de réserve de tirailleurs sénégalais d'Oran, des spahis de Tunis, et les tirailleurs algériens en garnison à Sétif, Kherrata et à Guelma.

La répression, menée par l'armée et la milice de Guelma, est d’une incroyable violence : exécutions sommaires, massacres de civils, bombardements de mechtas. Deux croiseurs, le Triomphant et le Duguay-Trouin, tirent plus de 800 coups de canon depuis la rade de Bougie sur la région de Sétif[7]. L'aviation bombarde et rase plus ou moins complètement plusieurs agglomérations kabyles. Une cinquantaine de « mechtas » sont incendiées. Les automitrailleuses font leur apparition dans les villages et elles tirent à distance sur les populations. Les blindés sont relayés par les militaires arrivés en convois sur les lieux. À l’image d’une milice de 200 personnes qui se forme à Guelma sous l'impulsion du sous-préfet André Achiary qui distribue toutes les armes disponibles[1], soit les 60 fusils de guerre qui équipaient les tirailleurs et se livre à une véritable chasse aux émeutiers. Pendant deux mois[1], l’Est de l’Algérie connaît un déchaînement de folie meurtrière.
De nombreux corps ne peuvent être enterrés ; ils sont jetés dans les puits, dans les gorges de Kherrata en Kabylie. Des miliciens utilisent les four à chaux pour faire disparaître des cadavres[12]. Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrit l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre[13].

De nombreux musulmans, dirigeants politiques et militants, du Parti du peuple algérien (PPA), des Amis du manifeste de la liberté (AML) (dont le fondateur Ferhat Abbas) et de l'association des oulémas furent arrêtés. Lorsqu'une faction ou un douar demandait l’aman (« le pardon »), l'armée réclamait les coupables. Le 28 février 1946, le rapporteur de la loi d'amnistie (qui fut votée) déclarait en séance : « Quatre mille cinq cent arrestations furent ainsi effectuées, quatre vingt dix neuf condamnations à mort dont vingt deux ont été exécutées, soixante quatre condamnations aux travaux forcés à temps et il y aurait encore deux mille cinq cents indigènes à juger »[14].

La répression prend fin officiellement le 22 mai. L’armée organise des cérémonies de soumission où tous les hommes doivent se prosterner devant le drapeau français et répéter en chœur : « Nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien »[10][15]. Des officiers exigent la soumission publique des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Certains, après ces cérémonies, sont embarqués et assassinés[13]. Pendant de longs mois, les Algériens musulmans qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l'abri, au bruit de chaque voiture. L'historien algérien Boucif Mekhaled, raconte : « [À Kef-El-Boumba], j’ai vu des Français faire descendre d’un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d’essence avant de les brûler vivants »[13].
Réactions

Le 19 mai, à la demande du ministre de l’Intérieur Tixier, de Gaulle nomme le général de gendarmerie Tubert, résistant, membre depuis 1943 du Comité central provisoire de la Ligue des droits de l’homme (où siègent également René Cassin, Pierre Cot, Félix Gouin et Henri Laugier), membre de l’Assemblée consultative provisoire, dans le but d’enquêter sur les évènements.
Mais, pendant six jours, du 19 au 25 mai, la commission fait du sur-place à Alger. Officiellement on attendait l’un de ses membres « retenu » à Tlemcen. Dans les faits, c'est bien Tubert qui est retenu à Alger. On ne le laisse partir pour Sétif que le 25 mai, quand tout y était terminé. Et, à peine arrivé à Sétif, il est rappelé à Alger le lendemain, le 26, sur ordre du gouvernement, par le gouverneur général Chataigneau. Si bien qu’il ne peut se rendre à Guelma.

Peu d'Européens protestent contre ces massacres. Par exception l'un d'eux, le professeur Henri Aboulker, médecin juif et résistant (l'un des organisateurs du putsch du 8 novembre 1942, qui a permis le succès de l'opération Torch à Alger), s'élève contre ces massacres. Il publie plusieurs articles dans le quotidien Alger Républicain, réclamant certes la sanction sévère des meurtriers provocateurs qui avaient assassiné 102 Français, mais à l'issue d'une procédure légale régulière. Et surtout, il dénonce sans réserve les massacres massifs et aveugles de milliers d'Algériens innocents. Il réclame aussi la libération immédiate de Fehrat Abbas, dont tout le monde savait qu'il avait toujours cantonné son action dans le cadre de la légalité. Henri Aboulker estimait que la défense des innocents devait primer toute considération politique.

Le communiqué du Gouvernement Général le 10 mai illustre la manière dont les autorités de l'époque ont présenté ces événements :

    « Des éléments troubles, d'inspiration hitlérienne, se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation de l'Allemagne nazie. La police, aidée de l'armée, maintient l'ordre et les autorités prennent toutes décisions utiles pour assurer la sécurité et réprimer les tentatives de désordre. »

Dans ses Mémoires de guerre, Charles de Gaulle chef du gouvernement à l'époque des faits, écrit en tout et pour tout :

    «  En Algérie, un commencement d'insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau. »

Houari Boumediene, le futur président algérien a écrit :

    « Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu'il faudrait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-là. »

Kateb Yacine, écrivain algérien, alors lycéen à Sétif, écrit :

    « C’est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J’avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme. »

Il fut aussi un témoin oculaire des événements de Sétif, il écrit :

    « Je témoigne que la manifestation du 8 mai était pacifique. En organisant une manifestation qui se voulait pacifique, on a été pris par surprise. Les dirigeants n’avaient pas prévu de réactions. Cela s’est terminé par des dizaines de milliers de victimes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire (…) On voyait des cadavres partout, dans toutes les rues. La répression était aveugle ; c’était un grand massacre. »

Albert Camus dans le journal Combat des 13 au 23 mai[16] demande qu'on applique aux Algériens (il dit : « Le peuple arabe ») les « principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes ». Il affirme qu’il y a crise — et non de simples incidents — que « le peuple arabe existe », qu’il « n’est pas inférieur sinon par les conditions où il se trouve ». Plus encore, il proclame que « l’Algérie est à conquérir une seconde fois ».
Le nombre des victimes

Le nombre de victimes « européennes » est à peu près admis[17] et s'élève officiellement à 102 morts et 110 blessés (Rapport officiel de la commission Tubert de 1945).

Du côté musulman, les chiffres du nombre de victimes sont actuellement source de nombreuses polémiques, notamment en Algérie où la version officielle retient le nombre de 45 000 morts.

Une enquête demandée par le gouverneur général Yves Chataigneau comparant le nombre de cartes d'alimentation avant et après les événements conclut à moins de 1000 victimes[18]. Le gouverneur général de l'Algérie fixa par la suite le nombre des musulmans tués à 1 165 et 14 soldats[7], 4 500 arrestations, 89 condamnations à mort dont 22 exécutées[14], chiffres qui seront pris pour officiels. Le général Duval déclarait pour la commission Tubert de 1945 que « Les troupes ont pu tuer 500 à 600 indigènes », mais les militaires évoquaient déjà à l'époque le chiffre de 6 000 à 8 000 victimes. Habib affirme que le ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault, aurait parlé de 20 000 tués, sans préciser sa source[7].

Par la suite, André Prenant, géographe spécialiste de la démographie algérienne, se rendant sur les lieux en 1948, fixe le nombre de victimes à 20 000. Certains historiens ont par la suite parlé de 2000 (Charles-Robert Âgeron) et 6 000 morts(Robert Avron) . Le professeur Henri Aboulker (père de José Aboulker, cité précédemment), avait à l'époque estimé le bilan proche de 30 000 morts.

Le consul général américain à Alger de l'époque a établi le nombre de victimes indigènes par la répression de l'armée à 45000[15]. Ce chiffre sera repris par les milieux nationalistes puis par le gouvernement algérien qui, commémorant ces massacres chaque année, parle des « 45 000 morts des massacres de Sétif». Récemment, Bélaïd Abdessalam, ancien premier ministre algérien, déclarait dans El-Khabar Hebdo que le chiffre de 45 000 a été choisi à des fins de propagande. Le Président Bouteflika affirme que les massacres ont fait plusieurs dizaines de milliers de morts sans qu'on puisse en préciser le nombre exact, "même si notre histoire officielle retient le nombre de 45 000 morts". Les chercheurs Rachid Messli et Abbas Aroua, du Centre de recherche historique et de documentation sur l’Algérie, déclaraient le 9 avril 2005 que « la plupart des historiens s’entendent sur le fait que 45 000 est un chiffre exagéré. Il serait plus réaliste de penser que le bilan humain se situe entre 8 000 et 10 000 morts »[19].

Le général français Tubert qui a rédigé un rapport après les massacres, parle de 15 000 tués dans les populations musulmanes. (Source: Courrière Yves, Les fils de la Toussaint, Fayard, Paris, 1968. Histoire de l'Algérie coloniale, Benjamin Stora, La découverte 1830-1954 p. 91)

Selon l’historienne Annie Rey-Goldzeiguer, « la seule affirmation possible, c’est que le chiffre dépasse le centuple des pertes européennes et que reste, dans les mémoires de tous, le souvenir d’un massacre qui a marqué cette génération », et l'historien Mohammed Harbi d'ajouter : « En attendant des recherches impartiales , convenons avec Annie Rey-Goldzeiguer que, pour les 102 morts européens, il y eut des milliers de morts algériens »[17].
Conséquences

Le général Duval, en charge du rétablissement de l'ordre, dit à cette occasion au gouvernement colonial : « Je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés. Une politique constructive est nécessaire pour rétablir la paix et la confiance. »[17][20]. Ces propos se vérifieront puisque, 9 ans plus tard, l'insurrection de la Toussaint 1954 marquera le début de la Guerre d'Algérie.

De nombreux historiens pensent que ces événements marquent le véritable début de la guerre d'Algérie. Pour de nombreux militants nationalistes comme Lakhdar Bentobbal, futur cadre du FLN, le massacre symbolise la prise de conscience que la lutte armée reste la seule solution. C'est à la suite des événements du 8 mai que Krim Belkacem, l’un des six fondateurs « historiques » du FLN, décide de partir au maquis. En 1947, le PPA crée l'Organisation spéciale (OS), une branche armée, dirigée par Aït-Ahmed puis par Ben Bella.
Reconnaissance de la responsabilité française

Il faut attendre le 27 février 2005 pour que, lors d'une visite à Sétif, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France à Alger, qualifie[21] les « massacres du 8 mai 1945 » de « tragédie inexcusable ». Cet événement constitue la première reconnaissance officielle de sa responsabilité par la République française.
Notes et références

   1. ? a, b, c, d et e « Aux origines de la guerre d’Algérie », extraits d’un entretien avec Annie Rey-Goldzeiguer, 14 mars 2002
   2. ? Charles Robert Ageron, Les troubles du Nord Constantinois en mai 1945 : une tentative insurrectionnelle ?, XXe siècle, n°4, octobre 1984, p. 112
   3. ? a et b Meyer, Algérie, mémoire déracinée, p. 192-193.
   4. ? Denise Bouche, Histoire de la colonisation, tome II, p. 415
   5. ? Message remis au gouvernement général et aux autorités alliées, texte dans : Kaddache Mahfoud, Histoire de l'Algérie contemporaine, tome II, PUF 1980, p640
   6. ? La Tribune, 21 mai 2005
   7. ? a, b, c, d, e et f « Mai 1945 : répression à Sétif », Ali Habib, Le Monde, numéro du 15 mai 1995. Repris dans La Guerre d'Algérie, 1954-1962, recueil d'articles sélectionnés et présentés par Yves Marc Ajchenbaum, Librio/Le Monde, pp. 16-20 (ISBN 229033569X).
   8. ? a et b « Témoins des massacres du 8 Mai 1945 en Algérie », 8 mai 2004.
   9. ? Maurice Villard, La Vérité sur l’insurrection du 8 mai 1945 dans le Constantinois, éd. les presses littéraires 1997, page 235.
  10. ? a et b Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), éd. La Découverte, Paris, 1991.[réf. incomplète]
  11. ? d'après le témoignage du garde des sceaux Teitgen[citation nécessaire],
  12. ? « Sétif revient hanter la France coloniale », Libération, n°7462, 7 mai 2005.
  13. ? a, b et c Boucif Mekhaled, Chronique d’un massacre : 8 mai 1945, Sétif-Guelma-Kherrata, éd. Syros, Paris, 1995, page 187-191
  14. ? a et b Journal Officiel séance du 28 février 1946, intervention du rapporteur, Jean Toja
  15. ? a et b « mai 1945 : les massacres de Sétif et Guelma », LDH de Toulon, 12 juin 2004.
  16. ? « Mai 1945 : les "événements de Sétif" analysés par Albert Camus », par Yves Benot, 28 mars 2005.
  17. ? a, b et c « La guerre d’Algérie a commencé à Sétif », Le Monde diplomatique, mai 2005, Page 21.
  18. ? La paix pour dix ans, page 117
  19. ? Article Afrik.com
  20. ? La guerre d'Algérie de Mohammed Harbi, Benjamin Stora, Collectif Hachette Littérature Collection Pluriel, p 185
  21. ? (en) Algeria Marks WWII Anniversary with Call for French Apology, Lisa Bryant, Paris (9 mai 2005).

Articles connexes

    * Histoire de l'Algérie | Guerre d'Algérie
          o Insurrection du Constantinois
    * 8 mai 1945
    * Liste des massacres

Liens et documents externes

    * (fr) Le début de la guerre d'Algérie 1945-1955 Colloque de l'École normale supérieure Lettres et Sciences humaines du 20 au 22 juin 2006
    * (fr) « La guerre d'Algérie a commencé à Sétif », Mohammed Harbi
    * (fr) Rapport du consul de Suisse de 1945
    * (fr) Extraits du rapport officiel de la commission Tubert de 1945

Bibliographie

    * Yves Benot, Massacres coloniaux, éd La Découverte, Paris, 2001.
    * Yves Courrière, La Guerre d'Algérie, tome 1 (Les fils de la Toussaint), Fayard, 1969, (ISBN 2213611181)
    * Francine Dessaigne "La Paix pour dix ans" Éditions Gandini, (ISBN 2-906-431-50-8)
    * Mahfoud Kaddache, Il y a 30 ans… le 8 mai 45, Éditions du Centenaire, Paris, 1975.
    * Boucif Mekhaled, Chronique d’un massacre : 8 mai 1945, Sétif-Guelma-Kherrata, éd. Syros, Paris, 1995.
    * Malek Ouary, La montagne aux chacals, Éditions Garnier, Paris, 1981, ISBN 2705003614.
    * Gilles Pervillé, « Sétif : enquête sur un massacre », dans L’Histoire no 318, mars 2007, p. 44-49
    * Jean Louis Planche, Sétif 1945, histoire d'un massacre annoncé, Perrin, 2006
    * Marcel Reggui, Les massacres de Guelma. Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales, Éditions La Découverte, Paris, 2006.
    * Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie 1940-1945 : de Mers El-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, éd. La Découverte, Paris, 2001.
    * Benjamin Stora, Histoire de l’Algérie coloniale (1830-1954), éd. La Découverte, Paris, 1991.
    * Roger Vétillard (préf. Guy Pervillé), Sétif, mai 1945, massacres en Algérie, éditions de Paris, 2008, (ISBN 2851622137)

Filmographie

    * Yasmina Adi, L'autre 8 mai 1945, aux origines de la Guerre d'Algérie, 2008
    * Meriem Hamidat, Mémoires du 8 mai 1945, 2008
« Modifié: 27 octobre 2009, 01:31:03 pm par Jacques »

JacquesL

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Citation de: NObs
Le 8 mai 1945. les émeutes de Sétif.

L'Algérie célèbre les soixante ans de la répression violente par l'armée française lors de manifestations pro-indépendantistes dans l'est algérien.
L'Algérie s'apprête à marquer le 60è anniversaire de la répression sanglante par les forces françaises de manifestations pro-indépendantistes, qui avaient fait le 8 mai 1945 des milliers de morts dans la région de Sétif, dans l'est algérien.
Comme chaque année, la Fondation 8 mai 45, qui milite pour que la France reconnaisse officiellement sa responsabilité, va organiser des cérémonies en collaboration avec le ministère des moudjahidine (combattants de la guerre d'indépendance).
Cette année, elle a choisi Saïda (430 km à l'ouest d'Alger) pour tenir ces cérémonies qui, cette fois, vont se dérouler alors que la France vient de faire un geste "symbolique fort", selon la presse algérienne.
Le 27 février dernier, l'ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, a solennellement rendu hommage aux victimes des massacres, parlant de "tragédie inexcusable", une démarche inédite pour un haut responsable français.
De son côté, lors d'une visite à Alger fin avril, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a salué le geste de Hubert Colin de Verdière, affirmant qu'il fallait "poursuivre sur ce chemin".

Loi martiale

Le 8 mai 45, le monde célébrait la victoire des Alliés sur le nazisme. En Algérie, des dirigeants nationalistes appelaient à profiter de cette occasion pour demander l'indépendance, arguant du lourd tribut payé par les Algériens pendant la guerre.
A Sétif, fief de Ferhat Abbas, fondateur des Amis du manifeste et de la liberté (AML), près de 10.000 personnes se rassemblent.
Le drapeau algérien, vert et blanc frappé de l'étoile rouge, apparaît pour la première fois à côté du drapeau français. Des slogans favorables à l'indépendance fusent, des pancartes sont brandies.
La police française, débordée, tente de faire enlever le drapeau, mais un coup de feu part et un jeune scout est mortellement atteint. C'est la panique et le début des émeutes et des agressions d'Européens qui vont durer 2 jours et gagner les villages, les hameaux et la ville de Guelma.
Le gouvernement provisoire du général de Gaulle répond, alors, en instaurant la loi martiale et en ordonnant une répression impitoyable.
Le bilan des massacres, estimé à 45.000 par les historiens et hommes politiques algériens, divise encore les chercheurs, soixante ans après.

Absence de sources

Les Occidentaux, notamment les Français, estiment le nombre des victimes entre 15.000 et 20.000, dont 103 Européens. Mais selon les Algériens, le consul américain de l'époque avait avancé le chiffre de 40.000 morts.
Le général de gendarmerie Paul Tubert, chargé d'une enquête qui a été étouffée par les autorités, dès le 26 mai, avait recensé des centaines de victimes uniquement dans la région de Sétif.
Il avait dénoncé, dans son rapport, "la raison d'Etat" et "la commodité d'une répression aveugle et massive permettant de châtier quelques coupables parmi les milliers d'innocents massacrés".
Mohamed Bouabsa, professeur d'histoire à l'université de Tizi Ouzou (Kabylie, est d'Alger), a estimé que "l'absence de sources pour un bilan exhaustif et précis a fait que l'on s'est basé sur des estimations faites, côté français, essentiellement d'après des archives de l'armée, et en fonction des intérêts politiques des uns et des autres".
"La France a tout intérêt à minimiser ces pertes, alors que l'Algérie a raison de prendre le chiffre le plus élevé, étant donné l'ampleur de la répression qui fut impitoyable, aveugle, démesurée et particulièrement atroce", a-t-il estimé.

Citation de: Solidarité Ouvrière
Le 8 mai 1945 était signée la capitulation de l’état-major allemand. Pour les peuples d’Europe, cette date marquait la fin de la Deuxième Guerre mondiale impérialiste. Mais pour l’un des peuples colonisés par l’impérialisme français, le peuple algérien, elle reste une des dates les plus tragiques de son histoire. En effet, entre le 8 et le 13 mai 1945, l’impérialisme français allait réprimer avec la plus grande violence des manifestations indépendantistes dans la région du Constantinois, notamment à Sétif et Guelma.

L’impérialisme français espérait écraser pour longtemps le mouvement indépendantiste. Moins de dix ans plus tard, il allait être confronté à un mouvement d’émancipation nationale explosif, qui avait germé sur les massacres de mai 1945.

Si le mouvement national algérien s’était déjà manifesté dans l’entre-deux-guerres, c’est au cours de la Deuxième Guerre mondiale qu’il devait grandir en Algérie. La cause première était l’affaiblissement de la puissance impériale : la France avait été vaincue en juin 1940. Et même si, en 1944, l’impérialisme français se retrouvait dans le camp des vainqueurs, le débarquement anglo-américain apparaissait aux yeux des Algériens comme une victoire américaine et donc une autre faiblesse.

L’affaiblissement des puissances coloniales

La France, seconde puissance coloniale mondiale avant-guerre, si prompte à briser toute forme d’expression des peuples colonisés, sortait donc affaiblie du conflit. Parmi les quelque 280 000 soldats originaires du Maghreb qui s’étaient engagés dans la guerre, on dénombrait 150 000 Algériens. Ils espéraient bien que le lourd tribut payé à la guerre serait payé en retour par l’indépendance. Nombreux étaient ceux qui s’attendaient à voir la conférence des Nations unies réunie en avril 1945 à San Francisco proclamer l’indépendance des colonies.


La Deuxième Guerre mondiale n’avait-elle pas été menée au nom de la grande croisade de la démocratie contre le fascisme ? N’avait-elle pas combattu la dictature nazie avec son cortège d’horreurs raciales ? Les gouvernements européens constitués à la fin de la guerre, comme par exemple en France l’alliance entre le Parti Socialiste, le Parti Communiste et le MRP, sous la houlette de De Gaulle, n’avaient-ils pas la bouche pleine des mots de liberté, de démocratie et de droit des peuples ? Pouvait-on continuer, dans ces conditions, à perpétuer la domination coloniale ? On allait voir que oui, de la même façon que les Alliés allaient prendre sous leurs ailes protectrices les dictatures en Espagne et au Portugal.

La déception fut grande. Le discours de De Gaulle prononcé en janvier 1944 à la conférence de Brazzaville avait alimenté des espoirs de libération des colonies, mais il déniait « la constitution éventuelle, même lointaine, de self-governments dans les colonies ». La seule concession était l’octroi de la citoyenneté dans le statut musulman ou berbère à 65 000 « français-musulmans », une variante d’une réformette envisagée par le Front Populaire de Léon Blum et aussitôt abandonnée devant la pression des riches colons. L’immense majorité des 8 millions d’Algériens restaient donc privés de droits politiques.

Cela ne pouvait qu’exacerber la revendication pour l’indépendance, qui avait grandi durant la guerre. Ferhat Abbas, notable modéré représentant la bourgeoisie libérale, avait durci le ton et lancé, en février 1943, le Manifeste du Peuple Algérien, qui condamnait la colonisation, réclamait la reconnaissance du peuple algérien et de la nation algérienne, ainsi que la formation d’un Etat algérien « démocratique et libéral ».

En avril 1945 se constituait le nouveau parti de l’Association des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML), qui exerçait une forte attraction sur l’ensemble du mouvement indépendantiste et comptait 500 000 membres en mai. On y retrouvait aussi les militants du Parti du Peuple Algérien (PPA) du dirigeant nationaliste Messali Hadj, dont le parti était interdit depuis 1939. Messali fut même déporté à Brazzaville par les autorités françaises, quelques jours avant le 8 mai.

Les massacres du Constantinois

A l’occasion de la célébration de l’armistice du 8 mai 1945, les manifestants algériens s’étaient donné pour consigne de sortir pour la première fois le drapeau algérien, vert et blanc. A Sétif, un policier tira, transformant la manifestation en émeute. 29 Européens furent tués, alimentant le désir de certains de s’armer et de réprimer eux-mêmes la population algérienne. L’armée française entra en action. Pendant huit jours, la répression fut sauvage et féroce. Les fusillades furent innombrables. Des villages entiers disparurent. On retrouva des fosses communes remplies de cadavres. Les milices européennes, épaulées par la marine et l’aviation, ravagèrent la région.

Au total, 88 civils européens et 14 militaires furent tués. L’armée minimisa les massacres du côté algérien en n’évoquant officiellement que 1 000 ou 1 500 victimes. En réalité il y en eut bien plus. Ferhat Abbas les estimait à 20 000 morts et le PPA à 40 000. Plus tard, le FLN parlera des « 45 000 martyrs ». La répression légale ne fut pas moins implacable. On dénombra 3 630 arrestations et jugements, 1 868 condamnations à des peines de prison et 157 condamnations à mort dont 33 furent exécutées.

Le Parti Socialiste comme le PCF, alors alliés dans le Gouvernement provisoire de De Gaulle, restèrent totalement solidaires de cette politique répressive. Ils la justifièrent même dans leur presse, les publications staliniennes allant jusqu’à dénoncer, côté Algériens, une provocation fasciste. Il est vrai que ces deux partis de gauche en étaient encore à prôner « l’Union française », c’est-à-dire à justifier le maintien du colonialisme français.

De nouveaux combats se préparent

L’impérialisme français avait espéré extirper l’idée d’indépendance des esprits pour une période assez longue. Mais ces massacres creusèrent le fossé entre les deux communautés. Toute une jeune génération algérienne, marquée par les journées tragiques de mai 1945, tira la leçon de ces massacres : il n’y avait rien à attendre de bon de la puissance coloniale. Bien des sous-officiers et des soldats algériens qui avaient participé à la Deuxième Guerre dans le camp de l’impérialisme français allaient devenir les cadres de l’insurrection algérienne, tandis que bien des jeunes hantés par le souvenir des massacres de Sétif allaient fournir des troupes au mouvement national algérien d’où allait sortir le FLN.

Le 8 mai 1945, l’impérialisme français leur avait déclaré la guerre mais il avait aussi préparé sa future défaite. Il y eut des dizaines de milliers de morts à Sétif, Guelma et Bône, victimes de la barbarie impérialiste, mais ce furent des centaines de milliers d’hommes et de femmes qui allaient se dresser, moins de dix ans plus tard, contre l’armée française.

Malheureusement, ce n’est pas sous le drapeau de la classe ouvrière et au nom des idées communistes internationalistes que ce combat pour l’indépendance fut mené mais par des nationalistes radicaux, ce qui fixait d’emblée une limite à leur combat. Libéré de l’emprise directe du colonialisme, le peuple algérien ne serait libéré, ni de l’exploitation de la bourgeoisie algérienne elle-même, ni de celle de l’impérialisme ; il en paye encore le prix aujourd’hui.

Lutte Ouvrière, 12 mai 2000

Ce qu’écrivaient les communistes révolutionnaires d’Afrique du Nord et de France à l’époque  :
LES “BIENFAITS” DE LA COLONISATION…

Travailleurs français,

Malgré le silence de toute la presse, en Afrique du Nord l’exploitation est plus terrible que jamais. L’action “civilisatrice” continue à entretenir la famine, le typhus, la misère et la démoralisation. Les capitalistes français qui parlent beaucoup de pudeur et de moralité, ne vous disent pas que là-bas les femmes, faute de vêtements, en sont réduites à cacher leur sexe de leur main. Ils ne vous disent pas que 15 classes ont été mobilisées en Afrique du Nord, que 95% de l’effectif de certaines unités sont tombées pour le profit des capitalistes et que pendant ce temps leurs familles meurent de faim. Ils ne vous disent pas qu’en France même, le gouvernement a fait incorporer de force dans des régiments de génie tous les travailleurs nord-africains se trouvant à Cherbourg et en Bretagne et qu’employés au déminage beaucoup y ont laissé leur vie. Ils ne vous disent pas que les mêmes policiers que sous l’occupation nous arrêtaient et nous réquisitionnaient pour les entreprises allemandes, nous livrent aux Anglo-américains comme “collaborateurs” pour faciliter sous ce prétexte notre exploitation.

Officiellement seule la classe 43 a été appelée. Cependant à Paris, dans le 20e notamment, les gendarmes vont cueillir à leur domicile les jeunes des classes 39-40-41 comme insoumis, sous prétexte que leur classe a été mobilisée en Afrique du Nord.

La bourgeoisie française ne nous donne aucune possibilité légale de nous défendre. Le soi-disant représentant nord-africain à l’Assemblée consultative, Ben Djelloul, n’est qu’un laquais du gouvernement et son unique préoccupation en ce moment si tragique pour nous c’est d’obtenir un nouveau siège à l’Assemblée consultative pour un autre larbin, Ahmed Bahloul.

Travailleurs français! Nous avons participé à vos luttes quand le fascisme, à partir de 1934, s’est dressé contre vous. Contre le traitement qu’on nous inflige, nous comptons aujourd’hui sur votre solidarité à vous, qui êtes aussi des exploités. Vous ne pouvez pas ne pas protester contre le traitement infâme auquel nous soumettent les capitalistes français!

GROUPE DE TRAVAILLEURS NORD-AFRICAINS, 22 mars 1945

Travailleurs !

Au moment où le gouvernement de Gaulle s’est démasqué comme le gouvernement des trusts affameurs, l’appel de nos camarades nord-africains ne doit pas rester vain. Car la haine terrible accumulée en Afrique du Nord serait alors utilisée par l’intermédiaire de certains chefs indigènes vendus, contre vous-mêmes, comme Franco a utilisé les Marocains du Rif contre les travailleurs espagnols.

Les travailleurs nord-africains se trouvant en France sont livrés à l’exploitation sans moyens de défense et les capitalistes en profitent pour saper nos propres conditions économiques.

Au moment où les dangers sont de nouveau très grands pour la classe ouvrière et que le fascisme relève la tête, l’union de tous les exploités est indispensable à notre vie et à notre liberté.

Travailleurs français et travailleurs coloniaux, unissons-nous contre les entreprises réactionnaires des capitalistes français!

UNION COMMUNISTE (4ème Internationale), 22 mars 1945
LE SANG COULE EN AFRIQUE DU NORD

Quand il y a quatre mois le C.N.R., ornement démocratique de la “IV° République”, faisait la demande -aussitôt repoussée- d’une “commission d’information” sur la situation en Afrique du Nord, notre journal écrivait (n° 42) : “Seule la politique des colons est approuvée par le gouvernement : REPRESSION COLONIALISTE SANS PHRASES. Ici il n’y a pas de place pour les balivernes du C.N.R.”

L’aggravation constante de la situation en Afrique du Nord, où les masses en proie à la famine et aux maladies en étaient arrivées à se nourrir d’herbes, l’attitude de l’administration coloniale qui, sur l’ordre des colons, ne trouvait d’autre remède à cette situation que les brimades, les emprisonnements et les provocations, devait aboutir à un conflit sanglant.

Ce conflit que les hypocrites de la Métropole voulaient éviter au moyen de phrases “démocratiques”, le gouvernement le prévoyait et s’y préparait de longue date. L’artillerie lourde, les tanks, les avions, dont on poussait la production “parce qu’on en manquait pour vider les poches de l’Atlantique“, il les avait mobilisés pour sa besogne réactionnaire. Avec une férocité toute capitaliste la répression s’est abattue sur les masses nord-africaines et a transformé le pays en un vaste ORADOUR-SUR-GLANE.

Cependant que l’impérialisme répondait par les bombardements, les tortures, les viols et les pillages aux manifestations des masses nord-africaines pour le pain et pour la liberté, dans la presse bourgeoise et social-chauvine, ce ne fut qu’un cri pour condamner les indigènes et leur reprocher de s’être laissés guider par les provocateurs de la 5° colonne.

Mais la lutte a pris une telle envergure et une telle profondeur populaire, que l’Humanité s’est vue obligée d’admettre le 15 mai que la cause des événements était une situation où “on affame les masses musulmanes, on les prive de tout tissu, au point que les femmes de l’intérieur ne peuvent sortir, car elles sont pratiquement nues“, comme le disait notre journal dès janvier.

Y a-t-il un remède à cette situation ? L’Humanité demande au gouvernement et notamment au ministère de l’intérieur, de “châtier les traîtres et les provocateurs et pratiquer à l’égard des populations musulmanes une politique d’humanité et de démocratie dans notre intérêt commun” (12 mai).

Cela revient à demander au gouvernement réactionnaire et colonialiste, protecteur des colons et ennemi des fellahs, de se transformer en ami des fellahs et ennemi des colons, de même qu’ici l’Humanité ne cesse de “demander” au gouvernement des trusts de se transformer en gouvernement du peuple. Comme le disait Trotsky, “autant demander du lait à un bouc“.

Mais même si le gouvernement, qui a montré qu’il n’était capable que de répression, pouvait prendre quelques mesures économiques en faveur des populations nord-africaines, “à notre époque on ne peut plus maintenir assujetti un peuple qui veut sa liberté et son indépendance“.

Si les travailleurs français ne veulent pas apparaître aux yeux des masses nord-africaines comme les soutiens des entreprises coloniales du capitalisme, ils doivent rejeter cette politique et reconnaître sans conditions le droit à l’indépendance totale des peuples arabes de l’Afrique du Nord.

De même que, pour permettre les échanges économiques avec l’Afrique du Nord et combattre la famine, ils doivent soutenir la lutte des masses indigènes pour l’expropriation des colons monopoleurs et l’expulsion de l’administration coloniale au service des trusts.

Le PC, quand il était encore fidèle au communisme, a soutenu Abd-el-Krim dans sa lutte armée contre l’impérialisme français Aujourd’hui l’Humanité demande au gouvernement de “punir comme ils le méritent les chefs pseudo-nationalistes” (19-5).

La IVe Internationale, porte-drapeau de la lutte anti-impérialiste, assure les peuples de l’Afrique du Nord et leurs leaders de toute sa sympathie et de tout son soutien, et leur crie avec tous les ouvriers conscients de France : VIVE L’INDEPENDANCE DE L’AFRIQUE DU NORD!

LA LUTTE DE CLASSES, 21 mai 1945

Pour en savoir plus on peut lire sur les massacres du 8 mai 1945 en Algérie :

Boucif Mekhaled, Mehdi Lallaoui : Chroniques d’un massacre. 8 mai 1945 : Setif, Guelma, Kherrata

Jean-Louis Planche, Sétif 1945 : Histoire d’un massacre annoncé  

mai 8, 2008 - Posté par xxx | 4) Histoire et théorie, Algérie, France | | Pas encore de commentaires

Il appert donc que non seulement Charles de Gaulle a légué la guerre d'Indochine à la 4e République, mais qu'il lui a aussi préparé et rendu inévitable la guerre d'Algérie. Que ce gouvernement provisoire sélectionné par la guerre, savait faire la guerre, même celles qu'il ne fallait pas faire, mais qu'il n'avait jamais su préparer la paix, qu'il était complètement dépourvu d'hommes de paix, n'avait pas été capable de mettre en place en Algérie des administrateurs assez audacieux pour préparer la future paix dans la colonie.

On ne nie pas les qualités d'homme de guerre du général de Monsabert, mais on ne peut oublier qu'il a "lavé l'honneur du drapeau français" dans du sang d'indigènes, et que cela créait des obligations, que les promesses non tenues ne seraient jamais oubliées.
« Modifié: 27 octobre 2009, 01:32:38 pm par Jacques »

JacquesL

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Voir aussi les pages 256 à 269 du tome 1 de La Guerre d'Algérie, sous le direction d'Henri Alleg, éditions Temps Actuels, 1981.

JacquesL

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66 ans : 8 mai 1945 : Emeutes à Sétif, et répression immense.
« Réponse #3 le: 09 mai 2011, 03:22:44 pm »
Je rappelle une des sources mentionnées plus haut :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Massacres_de_S%C3%A9tif_et_Guelma
Citer
Dans ses Mémoires de guerre, Charles de Gaulle chef du gouvernement à l'époque des faits, écrit en tout et pour tout :

    «  En Algérie, un commencement d'insurrection survenu dans le Constantinois et synchronisé avec les émeutes syriennes du mois de mai a été étouffé par le gouverneur général Chataigneau. »